Michel Hastings : “Tant que ma santé le permet et que mes jambes me porteront, je continuerai à parcourir le monde”
Après 24 ans à enseigner à Sciences Po Lille, vous tirez votre révérence. Tout d’abord que retiendrez-vous de ces deux décennies passées à Sciences Po Lille ?
24 ans à Sciences Po Lille mais 47 ans dans le monde de l’université, depuis que j’y suis entré en qualité d’étudiant et que j’y ai mené l’intégralité de ma carrière. Presqu’un demi-siècle dans la même institution ! Je vous laisse juger s’il s’agit d’une belle fidélité ou d’une grave infirmité (sic). Je n’ai jamais rien fait d’autre que d’apprendre et de faire apprendre.
Le bilan général de ces années à Sciences Po Lille est dans l’ensemble très positif. J’ai eu surtout le grand plaisir de voir se développer l’établissement. Quand j’y suis arrivé en 1996 – j’y faisais déjà un enseignement depuis 1992 alors que j’étais professeur à l’université de Tours -, l’institution était encore très fragile, pas internationalisée. Elle manquait de personnel administratif et pédagogique, et n’était pas parvenue à développer une identité collective forte. En 20 ans, les réformes ont été considérables. Elle font de Sciences Po Lille un établissement visible et reconnu dans le paysage national. Ceci a bien sûr été possible par le dynamisme de ses directions et personnels, et aussi, ne l’oublions pas, par l’appropriation progressive de l’établissement par les élèves. Alors qu’à mes débuts, ils n’étaient que de simples consommateurs de savoirs, ils ont réussi au fil des ans à développer un tissu associatif, à multiplier les initiatives de valorisation, bref à marquer le territoire de leur empreinte. Sans être démago, je pense que Sciences Po Lille doit beaucoup au développement de cette culture étudiante qui a un pied dans la maison et l’autre dans la cité.
A titre plus personnel, je retiendrai aussi de ces années, la très grande indépendance dont j’ai pu bénéficier dans mes activités pédagogiques et scientifiques. Faire cours me plaît, mais faire les cours qui me plaisent fut encore plus plaisant.
Avez-vous le sentiment d’avoir pleinement rempli la tâche qui fut la vôtre ou exprimez-vous quelques regrets ?
Petite précision de vocabulaire : je n’ai jamais vécu ma carrière comme une tâche, ni même comme une mission – je ne suis pas mystique ! – mais comme un métier. J’aime beaucoup ce terme de métier qui suggère des formes de compétence, un investissement dans le temps et une certaine reconnaissance sociale. Votre question suggère que je sois capable de m’auto-évaluer. Pas facile. J’ai eu de nombreuses responsabilités administratives et pédagogiques à Sciences Po Lille, et toutes m’ont permis, me semble-t-il, de faire entendre auprès de mes collègues ma « petite musique ». Ai-je toujours été écouté, c’est une autre je histoire ! Mais je crois, sans fausse humilité, avoir disposé dans mes responsabilités d’une certaine marge d’action et de proposition.
Mon principal regret concerne l’absence d’un laboratoire de recherches pluridisciplinaires situé dans les locaux de Sciences Po Lille et dont nous serions la tutelle unique. J’ai toujours rêvé d’un lieu dans lequel les collègues de disciplines diverses forgeraient en commun des projets scientifiques, échangeraient sur leurs travaux, et qui offrirait aux étudiant-e-s de master un lieu de formation intellectuellement ouvert et original. Au risque de me fâcher avec mes collègues membres de différents laboratoires lillois, je considère que ce lieu n’existe toujours pas et qu’au contraire « la vie de laboratoire » connait actuellement de dangereux manquements éthiques et scientifiques.
Avant Sciences po Lille il y eut Sciences po Grenoble. Je garde un excellent souvenir des cours de M. Hastings en 91/92. Honorée aussi d’avoir été retenue pour le séminaire de 3eme année qui malheureusement n’eut pas lieu car coincidant avec le départ de notre cher professeur pour Tours. Je vous souhaite une heureuse retraite (avec ou sans caniche 😉)
J’ai été le collègue juriste de droit public de Michel à Tours (personne n’est parfait!), Dominique Rosenberg, je suis en retraite depuis près de 5 ans, et j’ai toujours beaucoup aimé Michel pour sa simplicité, sa liberté d’esprit, et plus généralement son non-conformisme libertaire qui se doublait d’une haute exigence scientifique. Je ne peux que partager ses réflexions de conclusion, attristé par cette frilosité ambiante qui assèche les esprits et les comportements, cette angoisse permanente qui n’a pas lieu d’être et qui a tendance à inhiber les énergies et les initiatives. Michel, j’habite maintenant près d’Avignon où j’attends bientôt l’ami Poirmeur, tu prends contact et tu viens quand tu veux
amicalement, DR
Merci pour vos cours, votre liberté d’esprit et ces derniers mots adressés aux jeunes générations !
Belle retraite à vous.
Bien à vous.