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Interview listes CA #2: SUD Solidaires étudiant·e·s : un « syndicat de luttes » vers le CA

Suite de la série d’entretiens de La Manufacture avec les listes candidates aux élections étudiantes du Conseil d’Administration de Sciences Po Lille. Deuxième liste, deuxième vision de « ce que devrait être Sciences Po Lille » avec l’entretien consacré au syndicat Sud Solidaires Etudiant.e.s. Rencontre avec *Anonyme* (second de la liste), Margot Thétiot (troisième de la liste) et Jean-François Collec. Cet entretien a été réalisé le 7 novembre 2019. 

Sud Solidaires Etudiant.e.s, une pluralité de personnalités pour des objectifs précis

Avant d’être une simple liste pour le Conseil d’administration, Sud est un syndicat présent dans l’IEP depuis quelques années, mais qui existe dans toute la France. L’école compte une vingtaine de militant.e.s en son sein, ce qui lui permet d’avoir une liste pour les élections chaque année. Les 9 sièges disponibles pour les étudiant.e.s ont pour vocation de porter la voix de tous et toutes les élèves et il est possible d’influer sur les décisions prises. Pour eux, cette élection n’est pas uniquement synonyme d’élu.e.s au Conseil d’administration. C’est aussi l’obtention de sièges au sein des différentes commissions siégeant au sein de Sciences Po Lille dont la Commission d’Aide Sociale ou la Commission de Mobilité Internationale. En effet, s’ils présentent une liste, c’est bien parce que cela « a un intérêt pour défendre les intérêts des étudiant.e.s ».

Le programme du syndicat est structuré en quatre grands axes : un enseignement critique et émancipateur, un accès à l’enseignement supérieur pour tous, une cadre de vie épanouissant et un axe écologique. Ces sont les bases du cahier de revendications du syndicat. Iels souhaitent notamment ajouter davantage de cours en lien avec les méthodes de Sciences sociales et la disparition des frais d’inscription et de concours. Bref, un IEP qui va avec son temps et qui réduit les inégalités entre les élèves. La transparence est également un engagement fort du syndicat depuis des années. Il est défendu à travers la rédaction de comptes-rendus des réunions du Conseil d’administration. Iels ont milité pour une transparence généralisée qui permet aujourd’hui de lire des comptes-rendus à la fois officiels (venant de l’administration) et des comptes-rendus rédigés par chacune des listes représentées.

Le fonctionnement particulier de Solidaires Etudiant.e.s est également à souligner. Lorsque nous posons la question des têtes de liste, la réponse est plus complexe que ce à quoi nous nous attendions. Certes, officiellement, nous voterons pour des têtes de liste. Pourtant, pas de leader, pas de président. En réalité, c’est bien à tout le syndicat que la parole est donnée lorsque des élu.e.s siègent au Conseil d’administration. En effet, les mandats sont impératifs, ce qui signifie que les étudiant.es sont mandaté.e.s par le syndicat pour participer aux élections dans le but de siéger au Conseil d’administration. Ces élèves ne sont pas là pour se représenter en personne ni représenter leurs propres idées. Ils représentent la vie et les valeurs portées par le syndicat.

« Ce n’est pas normal que seul.e.s neuf élu.e.s étudiant.e.s puissent avoir accès à ces documents et puissent participer activement », lâche Margot. Pour la liste, l’accès aux informations devrait être garanti à tous les élèves de Sciences Po Lille. C’est la raison pour laquelle, avant chaque Conseil d’administration, une réunion pré-Conseil d’administration est organisée. Tou.te.s les élèves désireux.ses de faire entendre leur voix, membres ou non du syndicat, y sont convié.es. Les élu.e.s leur donnent accès à tous les documents qu’ils ont reçu pour préparer le Conseil. Les élèves débattent et organisent un vote, afin de choisir la ligne qui sera adoptée par le syndicat.

Ainsi, la personnalité des futur.e.s représentant.e.s leur importe peu, tant qu’ils sont « prêt.e.s à s’engager, car cela représente quand même une grosse charge de travail et d’énergie », nous explique Jean-François. Par ailleurs, les membres du syndicat sont généralement engagé.e.s dans d’autres associations, telles que BCBG, ou dans la lutte pour le climat.

Au sein du syndicat, les parcours sont divers et variés, chacun.e ne le rejoignant pas pour les mêmes raisons. Ainsi, les trois membres que nous avons interrogé.e.s n’ont pas rallié les militant.e.s avec les mêmes objectifs. L’idée de défense des intérêts communs des étudiant.e.s et la volonté de faire « bouger les choses » au sein de l’école ont une place importante dans cet engagement.

Pour Jean-François, entré au syndicat en deuxième année, le syndicat « a pour but, fondamentalement, de défendre les intérêts des étudiant.e.s ». C’est une liste qui n’hésite pas à oser s’affirmer politiquement, y compris contre l’administration, comme le confirme Margot (troisième sur la liste), qui explique qu’individuellement, « l’engagement politique n’a aucun poids ». Solidaires Etudiant.e.s est pour elles et eux, la seule alternative pour « militer et aider les étudiant.e.s, et faire quelque chose qui ait un impact ».

L’organisation singulière du groupe, qui a séduit Jean-François, a également plu à *Anonyme*, en première année, entré au syndicat pour « défendre cette vision commune de l’enseignement supérieur et de ce que devrait être Sciences Po Lille ». Il explique également que les personnes présentes et les idées partagées l’ont convaincu de s’engager, étant même numéro 2 de la liste.

Une expérience sur la durée

Il faut souligner que le syndicat présente une liste au Conseil d’Administration de Sciences Po Lille depuis 2011 sans interruption, 8 ans d’expérience que le syndicat revendique comme lui ayant apporté une certaine expérience et des connaissances sur le fonctionnement de l’administration de l’institut. Lorsque l’on interroge les représentant.e.s de la liste sur le bilan que tire le syndicat, ils retiennent leur implication dans l’élaboration de la Charte Egalité de genre avec l’association BCBG, ainsi que leur présence au sein des commissions (notamment à la Commission d’Action Sociale, la CAS), dont iels notent des « petites victoires qui comptent ». Iels luttent également en faveur de l’élargissement du régime social étudiant (RSE). Ce régime permet des aménagements  pour les étudiant.e.s salarié.e.s, les étudiant.e.s en situation de handicap ou ayant une situation familiale ou personnelle particulière. Solidaires Etudiant.e.s milite pour qu’il reconnaisse entre-autre, les étudiant.e.s auto-entrepreneur.euse.s.

Iels retiennent leur incitation à développer la transparence par rapport aux procès verbaux du Conseil d’Administration, avec la tenue régulières de “bilans” post-CA depuis plusieurs années, ce qui a incité les autres listes et même l’administration à faire de même. Il est important de noter leur victoire pour la liberté d’affichage dans la cafétéria, victoire dont iels notent la récence à l’échelle de l’IEP, (cela date d’il y a deux ans).

La mise en place d’une cellule psychologique au sein de l’IEP est une victoire récente pour le syndicat, mais iels soulignent la faiblesse du dispositif, dont le syndicat souhaite un développement pour répondre aux besoins des étudiant.e.s.

Solidaires Etudiant.e.s affirme son engagement contre la présence au sein du CA de personnalités extérieures, que le syndicat estime comme non-légitimes. Lors de l’entretien a été notamment cité le cas de la réélection de Gérald DARMANIN au CA SPL, en février 2019 contre laquelle les membres élu.e.s se sont mobilisé.e.s, via une pétition qui a récolté 1 300 signatures. En effet, la personnalité du Ministre de l’Action et des Comptes publics a suscité la polémique à plusieurs reprises: le syndicat a rappelé les accusations à son encontre ; entre autres la tenue de propos racistes anti-roms et homophobes, ainsi que des accusations pour harcèlement sexuel (il est important de rappeler que G. Darmanin a bénéficié d’un non-lieu en août 2018).

Porter un regard critique sur les décisions sans refuser le dialogue

Bien que l’action syndicaliste s’inscrive dans une forme de démocratie palienne, au cours de l’entretien les membres du syndicat SUD Solidaires sont longuement revenus sur les défaillances du fonctionnement administratif de l’IEP.

Il est intéressant de rappeler que la liste Solidaires Etudiant.e.s étudiant·e·s a déposé un recours auprès de l’administration l’an dernier afin de contester les élections étudiantes de novembre 2018, dénonçant une campagne qu’iels qualifient de “diffamatoire”, recours qui n’a pas abouti.

Le syndicat dénonce le fonctionnement institutionnel de l’IEP qui manquerait de démocratie. Les membres de la liste sont longuement revenus sur le manque de consultation des étudiant·e.s lors de la prise de décisions importantes concernant l’IEP, résumant l’implication étudiante au vote pour leurs représentant.e.s au CA. De plus, l’impossibilité de former une véritable opposition au sein du CA a été déploré, en raison du nombre trop peu élevé de représentant.e.s des étudiant.e.s, qui sont au nombre de neuf sur les trente sièges que comporte le CA, n’offrant pas un réel poids dans les décisions pour les étudiant.e.s.

D’autres pans du fonctionnement de l’IEP sont critiqués. Le syndicat dénonce une forme de “professionnalisation à outrance” à Sciences Po Lille, à travers notamment des formes de “travail gratuit”, par la confection de la part d’étudiant.e.s de plans d’actions pour des entreprises dans le cadre de cours, sans rémunération. Une autre forme de “travail gratuit” a été soulignée au cours de l’entretien, les représentant.e.s de SUD Solidaires faisant référence à la transition écologique de l’IEP. En effet, l’administration a fait appel aux étudiant.e.s de manière gratuite pour mener des actions allant dans le sens de l’écologisation de Sciences Po Lille. Enfin, l’accès à certaines filières est critiquée, notamment à la FIFB où les étudiant.e.s ayant moins de moyens pour se financer doivent se sacrifier afin de pouvoir payer les frais d’inscription outre-Manche.

Le syndicat Solidaires étudiant·e·s est revenu sur le désengagement de l’État, auquel il s’oppose, soulignant sa volonté que l’IEP reste public et dénonçant le fait que l’IEP fasse appel à des entreprises privées pour créer des partenariats, voire même pour le financement de l’institut. Le syndicat s’insurge face à l’augmentation des frais d’inscription, qu’il souhaite diminuer voire supprimer, comparant le statut de Sciences Po Lille à celui d’une “école de commerce”, alors que notre IEP est une école publique dans ses statuts.

Le thème de la cafétéria a été soulevé durant l’entretien comme étant l’un des grands enjeux de la campagne, par les problèmes que suscitent l’espace restauration de l’IEP. En effet, elle est qualifiée de “désastre” par le syndicat qui dénonce les prix “assez scandaleux” pratiqués, ainsi que la mauvaise gestion des déchets sur le plan écologique, appelant à repenser cet espace clé de la vie palienne.

Cependant, les représentant.e.s de la liste décrivent une volonté de ne pas systématiquement s’opposer aux décisions prises au sein du CA: “on ne va pas systématiquement voter contre l’administration, on va porter un regard critique sur leurs décisions, (sans) refuser le dialogue”, même si le syndicat dénonce le positionnement des autres listes qui seraient plus facilement favorables à l’administration dans la prise de décisions.

Une position critique sur la 3A

Cette année, la campagne se concentre également sur les études en troisième année. Mis en place à partir de la promo 2024, le nouveau système a pour but de réformer l’accès à la troisième année, notamment en supprimant le classement des élèves. Les étudiant.e.s membres du syndicat connaissent bien cette réforme. Grâce à leurs deux élu.e.s étudiant.e.s de l’an dernier, iels ont participé lors des réunions pour la mise en place de cette réforme. Cette dernière prévoit la mise en place des honneurs, mais aussi un retour du classement dans le cas de vœux identiques. « Il faut vraiment faire attention dans le cadre du CA pour que cette nouvelle réforme soit bien mise en place et ne soit pas un retour au classement, inégalitaire. », glisse Margot lorsque nous posons la question.

Les étudiant.e.s de l’IEP restant au cœur de leurs revendications, les membres du syndicat ne voient pas ces élections uniquement comme la possibilité de siéger au CA. Pour eux, cela est aussi synonyme de représentation dans les différentes commissions de Sciences Po Lille. Parmi elles, la Commission de mobilité internationale. Cette commission attribue des bourses aux élèves n’ayant pas les moyens de réaliser seul.e.s leur projet de troisième année. Pour eux, « c’est important d’avoir cette présence », qui leur permet de soutenir au mieux les élèves qui souhaitent recevoir une aide de l’établissement. Par exemple, les membres du syndicat soulignent les difficultés dues au TOEFL, qui coûte environ 200 € et qui est très difficile à faire rembourser par l’établissement. Cela leur semble anormal et iels souhaitent que l’administration travaille sur cette question.

Autre aspect de la troisième année, qui, finalement, est souvent passé sous silence, les problèmes que peuvent rencontrer les étudiant.e.s avant et pendant leur mobilité. Outre le fait que certain.e.s ne souhaitent pas partir à l’étranger pendant cette année mais bien rester en France, d’autres doivent faire face à des problèmes de santé, d’ordre psychologique notamment. Comme le souligne Jean-François, « c’est une chance de partir à l’étranger, mais ce n’est pas tout rose ». Or, actuellement, le syndicat explique que rien n’est prévu pour ces étudiant.e.s en cas de problèmes. Pour eux, une solution à approfondir serait la mise en place d’une équivalence à destination des étudiant.e.s qui ne peuvent (ou ne veulent) pas partir. De même, ils « demandent que le suivi de Sciences Po en soi ne s’arrête pas à ses murs », confie *Anonyme*.

Enfin, une des revendications du syndicat autour de cette année clef repose également sur la volonté de recruter de nouvelles personnes pour le service de mobilité internationale. Actuellement composé de deux ou trois personnes, les trois étudiant.e.s nous confient qu’iels sont surchargé.e.s de travail et qu’iels ne peuvent correctement aider les élèves dans ces conditions, face au nombre monstrueux de demandes.

Un engagement dans la réforme du cycle master

Au cours de l’entretien, nous sommes revenu.e.s sur la réforme du cycle master, sujet qui sera abordé prochainement au Conseil d’Administration, ce qui en fait un des principaux enjeux de la campagne étudiante. Solidaires étudiant.e.s déplore cependant un certain manque de transparence de la part de l’administration sur les modalités de la réforme. Néanmoins, il faut retenir les principales idées du syndicat, qui milite pour une plus grande transparence de la sélection en master, voire une suppression totale de celle-ci. Il est souhaité également la création d’un grade de licence à l’issue de la 3e année à Sciences Po Lille, afin de favoriser la mobilité si un master souhaité par un·e étudiant·e ne se trouve pas à l’IEP. Les membres du syndicat soulignent le problème que certain.e.s étudiant.e.s rencontrent lorsqu’ils ne souhaitent pas continuer leurs études à l’IEP: “nous sommes pris au piège à Sciences Po”, contrairement à la fac où l’étudiant.e a ses crédits à chaque fin d’année, obtenant les grades de L1, L2, etc. SUD Solidaires souhaite aussi la mise en place d’équivalences inter-IEP pour faciliter la mobilité en master entre chaque IEP de province, et insiste sur sa volonté de participer activement aux réunions sur cette future réforme, qui concernera les étudiant.e.s des promos 2023 et 2024.

La liste de SUD Solidaires Etudiant.e.s sera présente au débat organisé ce jeudi par l’Arène de l’IEP. Un moment qui a une importance particulière d’après Margot car « […] c’est important de débattre avec les listes, qu’il y ait une pluralité d’informations et d’opinions dans le cadre de cette élection ». Pour la liste, ce débat est également important pour « pouvoir prouver que [leur] projet est le plus concret, le plus affirmé dans le temps et le plus préparé ». Verdict vendredi 21 novembre, dans les urnes.

Aurore GANDER et Julien QUINTIN

Image : La vingtaine d’étudiant.e.s engagé.e.s au sein de SUD Solidaires Etudiant.e.s à Sciences Po Lille