En voyant ces mots, la chanson d’Indochine me revient en tête : “un garçon au féminin, une fille au masculin”. Pourtant, ceci est réel : l’état civil allemand va reconnaître l’existence d’hermaphrodites, individus ni homme ni femme car les deux à la fois.
Un vide plutôt qu’une véritable identité
Depuis 2013, les Allemands pouvaient ne rien indiquer au niveau du sexe à l’état civil si le sexe d’un nouveau-né n’était pas clairement déterminé. Mais cela ne satisfait pas, à juste titre, la campagne “Troisième voie”. Cette association défend les hermaphrodites, ces personnes biologiquement à la fois homme et femme. Elle a notamment soutenu Vajna.
Femme pour l’état civil, cette personne atteinte du syndrome de Turner se définit comme hermaphrodite. Cette maladie rare est due à une anomalie liée aux chromosomes sexuels : l’unique X empêche de déterminer clairement le sexe des personnes atteintes. Vajna était donc de sexe féminin à la naissance, du moins en apparence, mais les hormones ne se sont pas déclenchées à la puberté. Après un traitement d’œstrogènes inefficace, elle prend désormais des injections de testostérones. C’est pour cette raison qu’iel se définit à la fois homme et femme et qu’iel refuse de se classer dans les choix laissés par l’état civil allemand.
En 2014, Vajna entame un procès pour faire reconnaître un troisième sexe par l’équivalent du Conseil constitutionnel allemand. Le 8 novembre 2017, elle a gagné : le Bundestag, le Parlement allemand, doit donc écrire une loi pour intégrer la troisième option.
Une petite révolution pour 80 000 allemands
L’Allemagne va être le premier pays européen à reconnaître l’hermaphrodisme dans l’état civil. Selon des études, cette nouvelle “case” concernerait 80 000 allemands. Une minorité sur les 82 millions d’habitants mais pas une marge de la société qui voit son identité reconnue légalement. Cette révision de l’état civil est plus proche de la Constitution pour les juges : “Personne ne peut être désavantagé en raison de son sexe”, est-il écrit dans la Loi fondamentale allemande. Ainsi, la loi est aujourd’hui moins discriminatoire.
Les Allemands restent divisés autour de cette réforme. Selon une étude de l’INSA, 35.8% des 2 000 personnes interrogées trouvent cette décision juste, 34.4% ne sont pas d’accord avec cette décision et près de 30% ne savent quoi en penser. La différence entre l’acceptation ou la dénonciation de cette mesure est assez marquée politiquement. En effet, les partisans du SPD, de die Linke et des Verts sont majoritairement favorables alors que ceux de l’AfD sont défavorables. Les partisans du CDU et du parti libéral, le FDP, restent quant à eux fortement partagés.
Aujourd’hui, la question se porte surtout autour du nom à donner à cette troisième “case”.
Fantine Dufour