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Attention, le temps fond à température adulte

Je me suis ennuyée volontairement pendant une heure pour comprendre comment le temps passait. Et il est passé très lentement. J’étais assise sur mon canapé et je me suis interdite de le quitter pendant une heure. La seule distraction qu’il me restait : mes cinq sens et mes pensées. Au bout de quelques minutes, j’avais regardé tous les objets autour de moi, compté tous les livres dans ma bibliothèque et analysé toutes les taches sur le plafond. Le temps s’est tellement étiré que s’il était un élastique, il aurait probablement explosé au bout d’un quart d’heure. J’ai essayé de me rappeler de la dernière fois où le temps est passé aussi lentement et j’ai dû remonter jusqu’à mon enfance lorsque je ne pouvais pas attendre les quinze minutes de voiture qui séparaient ma maison de l’école. Ces quinze minutes me paraissaient interminables. J’en suis donc venue à la question suivante : pourquoi le temps s’accélère lorsqu’on grandit ?

Après m’être ennuyé pendant ce qui semblait être une éternité, j’ai recherché ce qu’il se passait dans mon cerveau pour qu’une heure puisse passer aussi lentement, alors que dans mon quotidien, j’estime habituellement qu’une heure ne me suffit pas pour faire quoi que ce soit nécessitant un minimum d’implication.  J’ai trouvé trois grandes réponses à ma question.

La première est la dégradation progressive de notre horloge biologique. C’est ce qu’explique Adrian Bejan : à cause du ralentissement naturel de notre métabolisme et des circuits cérébraux, l’activité biologique globale est beaucoup moins intense que chez les enfants, ce qui donne une impression du temps dilaté.

Une autre explication serait que la perception d’accélération du temps est liée à notre expérience du monde qui nous entoure. Lorsque notre cerveau reçoit beaucoup de nouvelles informations, il a besoin de plus de temps pour les traiter et les enregistrer. Le temps semble donc passer plus lentement lorsque nous sommes confrontés de nouveaux éléments, ce qui est beaucoup plus fréquent chez les enfants que chez les adultes car les enfants adaptent leur vision du monde aux nouvelles expériences qu’ils ont tandis que les adultes vivent dans une routine et n’en sortent que plus rarement. Ils sont habitués à la répétition et le cerveau n’a qu’à associer ce qu’il voit avec ce qu’il connait déjà. Cindy Lustig explique que le quotidien d’une personne de 80 ans n’est probablement pas très différent de son quotidien lorsqu’elle avait 79 ou 78 ans et que de ce fait, elle se souvient de moins d’évènements. Elle dit : « Si votre représentation est moins riche lorsque vous regardez en arrière, alors vous aurez davantage l’impression que le temps est passé rapidement. ».  Cette théorie a été vérifiée par Robert Ornstein qui dans les années 60 a fait écouter des bandes son à des enfants et leur a demandé d’estimer le temps de la bande son. En général, lorsque la bande son contenait des variations d’informations plus importantes, les enfants estimaient le son de la bande plus long.

La dernière théorie est celle de Christian Yates qui a analysé le changement en termes de perception sur l’échelle d’une vie. Lorsqu’on a deux ans, une année représente la moitié de notre vie et parait être de ce fait, une durée considérable. Néanmoins, une année pour une personne de 20 ans ne signifie plus qu’un vingtième de sa vie, et donc une durée bien plus courte car la moitié de sa vie est à présent de 10 ans. Yates en vient donc à la conclusion un peu inquiétante que la perception du temps entre 10 et 20 ans est la même qu’entre 20 et 40 ainsi que 40 et 80.

Mais alors pourquoi le temps ralenti lorsqu’on s’ennuie ? La réponse est assez simple : notre cerveau est vide. Si notre attention n’est pas occupée par un flot de pensée, comme c’est le cas quand on s’ennuie, cela nous permet d’absorber davantage d’informations cognitive, ce qui ralentit donc notre perception du temps.

Le cas inverse fonctionne également. De nombreuses personnes témoignent avoir eu l’impression que le temps se soit ralentit lors d’une expérience de danger de mort. Une étude a alors testé le ressenti de plusieurs participants en les faisant sauter de 31m de haut dans le vide avant de tomber dans un filet de sécurité. Les participants devaient ensuite estimer leur temps de chute par rapport à celui des autres et en moyenne, ils indiquaient penser que leur chute a duré 36% plus longtemps que celle des autres. L’étude suggère alors que le ralentissement du temps n’est pas une question de perception, mais bien de mémoire. Lorsque le souvenir est plus riche, l’évènement en question peut paraitre plus marquant et donc semble avoir duré plus longtemps.

Mais est-il donc possible de ralentir le temps, du moins notre expérience ? Effectivement, si vivre dans la routine fait passer le temps plus vite, sortir de son cadre habituel peut le faire passer plus lentement. Apprendre de nouvelles choses, sortir de sa zone de confort, explorer de nouveaux horizons pourraient être des moyens de sentir le temps s’écouler moins rapidement. C’est une question de s’engager pleinement dans l’instant présent au lieu d’être passif vis-à-vis de son entourage. Nous n’avons pas le contrôle sur le passage du temps, mais nous décidons comment nous le passons.

 

Clémentine Grand-Perrin

 

Sources:

Polge Auriane, “Le mystère du temps qui s’accélère avec l’âge enfin décrypté ?”, Science et Vie, 29 Octobre 2024

Stetson, Chess et al. “Does time really slow down during a frightening event?.” PloS one vol. 2,12 e1295. 12 Dec. 2007
Steve Taylor Ph.D. “Why Time Seems to Pass at Different Speeds (Part 2)” Psychology Today, 7 Juillet 2017
Yates Christian, “Pourquoi le temps semble filer plus vite avec l’âg”, The Conversation, 19 Aout 2026
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