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Plantu à l’EDHEC : la liberté et le courage du rire

Quand Plantu arrive, la scène est prête. Chaque chose est à sa place. “Ah non non, je ne vais pas parler dans ce décor immobile, je préfère être proche du public. Rendez ça plus dynamique, mon boulot c’est de raconter la spontanéité”. A l’EDHEC, comme en politique et dans la société, Plantu chamboule tout.

Le caricaturiste crée immédiatement un lien avec nous par le rire et le dessin. Devant la salle qu’il tient en haleine, il croque sa petite souris en trois coups de crayon et nous présente son personnage, témoin de l’actualité depuis vingt ans. Depuis Charlie, l’ambiance a changé : rire fait parfois mal au coeur. Certains sujets sont devenus “très casse gueule“, notamment la religion et la tolérance.

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Pourtant, envers et contre tout, Plantu invite les gens à se parler et à se comprendre, plutôt que de se diviser sur des quiproquos. C’est là toute l’ambition de son association, Cartooning for peace, qu’il a créée avec l’aide de Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU et Prix Nobel de la Paix : « On essaie de faire des ponts là où les autres tentent de faire des fractures ».

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Le temps d’une semaine, la France et la Turquie ont échangé leur caricaturiste : Plantu est allé travailler pour La liberté, et Dilem pour Le Monde

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«DEPUIS TOUT PETIT, JE SUIS UN ARTISTE»

Dès la première question, Plantu divague : «Je vais vous faire un dessin, ça va me calmer». En dessinant le chemin que parcourt notre opinion entre le cœur, les tripes et le cerveau, il nous prévient que la défendre sera difficile dans notre société formatée. Mais qu’il est impératif de le faire. « Ou bien vous rentrez dans le moule et ce sera tranquille mais vous ne servirez à rien, ou bien vous dites tout haut que vous n’êtes pas d’accord et ce ne sera pas facile pour vous … mais vous aurez été libres et utiles pour les autres. » Il nous exhorte également à porter nos opinions haut et fort : «Moi mes dessins, je les signe».

S’ENGAGER DANS LA PRESSE

Pour s’engager il faut du courage, et du courage Plantu n’en manque pas. Plusieurs fois pendant la conférence il rappelle son amour pour son journal, Le Monde, et pour la presse, trop souvent attaquée. Face à une presse en pleine métamorphose, Plantu rappelle son rôle à la jeunesse qui l’écoute : débarrassez vous du marketing. Soyez libres. «Au dessus des médias il y a le vieux marketing qui a décidé de faire de l’audimat sur des sujets qui marchent, et ces sujets sont rarement optimistes. A tous ceux qui veulent travailler dans la presse plus tard : faites une révolution dans les médias. Il faut que le marketing cesse de passer devant la ligne éditoriale.»

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« JE TOUCHE À TOUT, ALORS QUE JE N’Y CONNAIS RIEN»

Ce qui frappe chez Plantu, ce n’est pas seulement sa grande spontanéité et sa nature avenante qui font de lui un personnage sympathique. Le caricaturiste parle de lui comme un « escroc » : « Je touche à tout, alors que je n’y connais rien. ». C’est bien ce même homme qui, en 1990, rencontre Yasser Arafat, alors numéro un de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine). Ce dernier avait alors dessiné l’étoile de David sur un des dessins du caricaturiste, qu’il a ensuite signé. En 1992, Shimon Pérès, ministre israélien des affaires étrangères, signe également ce même dessin. Alors, quand on demande à Plantu pourquoi il s’engage particulièrement au Moyen-Orient, celui-ci répond en toute simplicité : « Parce que ça m’est tombé dessus ».

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CONSTRUIRE DES PONTS LÀ OÙ D’AUTRES ÉRIGENT DES MURS

Le mot qui revient souvent dans la bouche de Plantu est le mot « malentendu », auquel s’ajoute la manipulation que peuvent subir certaines personnes. Pour palier cela, il faut dialoguer avec les personnes concernées, pour faire vivre cette liberté d’expression qui lui est chère : « Il faut rien lâcher ! L’art doit être le plus fort et l’art sera le plus fort ! ». Pourtant, il suffit de jeter un oeil au mur Facebook de Plantu pour vérifier ce qu’il dit lui-même : ses dessins déclenchent parfois des critiques virulentes. Elles ne suffisent pas à lui faire baisser les bras. 

Plantu se moque volontiers, et personne n’y échappe : les animateurs de la conférence, les hommes politiques, et même nous, lorsque nous avons eu la chance de lui parler. Cependant, il souligne qu’il existe bien des sujets à ne pas caricaturer, notamment la vie privée des gens. « La vie privé, j’y touche pas. C’est ma limite ». Il reconnait toutefois qu’un caricaturiste ne sait pas forcément quand il dépasse les bornes.

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LE TRAVAIL DE CARICATURISTE EN QUESTION

L’artiste présente son métier comme celui d’un « lanceur d’alerte » et se réclame d’une forme de journalisme avec une cause à défendre et un volet artistique. Plus précisément, la caricature est une forme d’éditorial « qui ne choisit qu’une seule entrée, assez réductrice ». Pourtant, malgré tout le poids qui semble peser sur ses épaules et la notoriété dont il jouit en France et à l’étranger, il est encore « sur le cul » que l’on s’intéresse à lui.

Vous l’avez compris, le maître mot de cette conférence fut la spontanéité. Plantu est ce genre d’homme surprenant, dont l’image et la notoriété contrastent avec le personnage jovial et naturel qu’il est. C’est peut-être là l’apanage de Plantu : défendre une cause sérieuse, sans pour autant se prendre au sérieux. De là à changer le monde ? « Ce ne sont pas les artistes qui [le feront], ce sont tous les gens de bonne volonté ».

Anna Lippert et Anne-Lyvia Tollinchi