Si la plupart des français connaissent la banque Rothschild, peu ont eu la chance, dans leur vie, de rencontrer, dans l’intimité d’un amphithéâtre, celui qui l’a fondé et en a eu la direction pendant 35 ans.Un homme d’exception, voilà ce qu’incarne David de Rothschild. Exceptionnel, ça oui il l’est : l’histoire de ce riche héritier d’une longue dynastie familiale n’est pas sans lien avec la vie d’un homme humble et engagé.
“Du petit arbuste, au chêne millénaire, on peut dire que votre clan a fait bien du progrès depuis le ghetto de Francfort !” s’exclame avec une pointe d’humour, Edouard, qui délivre le traditionnel “billet d’humeur” qui ouvre cette conférence de l’Agora.
C’est pourtant bien vrai : l’assemblée a devant elle la sixième génération de la Banque familiale. Depuis Mayer Amschel Rothschild, né au milieu du XVIIIème siècle dans le ghetto de Francfort, la gestion est une affaire de famille ; et si les ancêtres de David de Rothschild développent peu à peu différentes maisons financières en Europe, c’est pour bientôt réussir à gommer les frontières, et construire l’empire familial que nous connaissons.
Il est difficile, alors, pour les auditeurs, de se représenter la vie d’un homme dont la richesse (tant historique qu’économique) est si importante. Quelle surprise, lorsqu’ils découvrirent un homme souriant, avenant, et, semble-t-il, qui ne leur était pas si différent.
“Je peux faire une petite remarque ? Je trouve très triste que la salle soit dans le noir, parce que je trouve que c’est plus agréable de voir les gens à qui on s’adresse.” , s’étonne l’invité dès sa première prise de parole.
Dès sa première phrase, David de Rothschild abat toutes les idées que l’on pourrait se faire d’un homme qui a multiplié les postes à responsabilités. Impliqué dans son entreprise, en politique… l’héritage qu’il laisse derrière lui est considérable : il pourrait s’enorgueillir d’avoir non seulement fondé la banque après la vague de nationalisations que connaît la France en 1982, mais de l’avoir fait tout en exerçant plusieurs mandats de maire à Pont-l’Evêque. Il pourrait se targuer d’avoir fait de Rothschild & Cie la première banque d’affaire d’Europe, tout en étant coprésident d’Appel Unifié Juif de France et président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Pourtant, cet homme de soixante-quinze ans ne se vante pas de quoi que ce soit. Il ne souhaite pas que l’on fantasme sur une société qui connaît selon lui une décadence depuis plusieurs générations, qui n’est qu’un “établissement de taille moyenne” fonctionnant grâce à la “matière grise” de ses employés, mais pas véritablement grâce à lui.
Dans cette intimité qu’il développe peu à peu avec son auditoire, il s’étonne qu’on lui attribue de nombreuses qualités. Aussi peut-on remarquer le nombre de fois où il emploie les termes “chance” et “hasard”, dans le débat. Il avoue, d’ailleurs, avoir véritablement été porté par l’élan familial jusqu’à ces quarante ans, comme si tout était déjà tracé. Son rôle dans l’entreprise, pour lui, s’est surtout manifesté après cette date. Dans une modestie démesurée, un sourire au coin des lèvres, il avoue devoir attribuer sa réussite à sa capacité qui lui permet de s’entourer de gens bien plus compétents que lui.
“Pour vivre heureux, vivons cachés”
Il est aisé de constater que David de Rothschild se tient à distance des médias. L’inverse serait une marque de narcissisme, selon lui.
L’assemblée n’est pas face à un homme narcissique, bien au contraire. David de Rothschild est un “homme normal”, qui mène une “vie normale”, assistant à des réunions importantes, et siégeant au Conseil de Surveillance de son entreprise. Il souhaite être perçu comme cela, un homme certes invité à tenir des conférences mais qui regarde aussi des séries comme tout le monde.
Surtout, il semblerait qu’il souhaite préserver sa vie privée (d’autant plus qu’il a maintenant cédé la direction de l’entreprise à son fils, Alexandre). Il s’agit aussi de se protéger de la haine antisémite dont il a déjà souffert, tout en alliant engagement citoyen et politique. Aujourd’hui, il apparaît comme un homme dévoué, d’abord dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, mais aussi contre les maladies mentales. FondaMental, l’association de lutte contre les maladies psychiatriques dont il est président démontre son niveau élevé d’investissement. Il consacre ainsi un long moment à l’explication de cet engagement : 12 millions de Français sont aujourd’hui atteints de maladie mentale pour lesquels l’Etat est, selon lui, en partie responsable, du fait du sous-investissement de l’action politique dans ce domaine qui est pourtant synonyme d'”humiliation” pour de nombreux patients.
Si David de Rothschild est un homme dont la réussite professionnelle étonne, il fait aussi preuve d’un engagement citoyen sans faille à travers son rôle de Maire de Pont-Lévêque et de président d’associations caritatives actives. C’est avec sérénité qu’il aborde son futur, sa retraite. C’est le moment, pour cet homme d’un grand talent, de se consacrer pleinement aux projets qui lui tiennent à coeur, projets qu’il porte avec autant de ferveur que d’élégance.
Vous pouvez également retrouver le live en cliquant sur ce lien afin de découvrir intégralement la conférence.
Lila CHASSAC.
Merci à l’Agora de nous avoir accueilli et de permettre à La Manufacture d’assister aux conférences 2018-2019 dans le cadre de notre partenariat.
Crédits photo: Agora, Tribune de l’EDHEC