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PMA pour toutes : l’égalité n’attend plus !

Alors même que les trois quarts des Français se disent favorables à son ouverture à toutes les femmes, le débat autour de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) n’a de cesse d’enfler – et promet encore de gagner en vigueur à mesure que se profile la future loi sur la bioéthique, prévue pour la fin de l’année. En première ligne dans les discussions : les militants de la Manif pour tous et les autorités religieuses. A tel point que les anti-PMA semblent monopoliser aussi bien la parole médiatique que les débats et consultations sur le sujet lors des États généraux de la bioéthique. Au milieu de la cacophonie provoquée par ce que certains présentent comme une éminente controverse sociétale, une voix peine à se faire entendre : celle des principales intéressées, les femmes.

Nombreuses sont les Françaises, lesbiennes ou célibataires, qui ont déjà eu recours à la PMA depuis un pays étranger. La technique consiste à manipuler médicalement des gamètes (ovules et spermatozoïdes) pour aboutir à une fécondation, et donc à la naissance d’un enfant. Elle est légale pour les couples de lesbiennes dans onze pays européens, dont quatre proches de nos frontières : la Belgique, l’Espagne, le Luxembourg et le Royaume-Uni. Ailleurs, la pratique reste restreinte aux couples hétérosexuels. La loi française stipule ainsi que la PMA est réservée aux couples composés “d’un homme et d’une femme” et qu’elle a pour objet de “remédier à l’infertilité […] ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité”.

De vives polémiques

Les anti-PMA compare les enfants nés de FIV à des organismes génétiquement modifiés... (© La Manif pour Tous)
Les anti-PMA compare les enfants nés de FIV à des organismes génétiquement modifiés… (© La Manif pour Tous)

24.839 enfants naissaient par PMA en 2015, soit 3,1% des naissances en France. Ce n’est plus tant la médicalisation de la procréation, le biais technique apportée par la PMA, qui fait débat aujourd’hui. La polémique est ailleurs, recentrée autour des mutations à l’œuvre au sein des structures familiales. La famille se diversifie : adoption, insémination artificielle et recours à des donneurs, familles recomposées, mono- ou homoparentales… Une nouvelle ère de pluriparentalité, décrite par Irène Théry, sociologue de la famille, qui pose la question de la place accordée à ces configurations nouvelles et répandues. Les vives polémiques soulevées par la PMA pour toutes proviennent principalement des communautés catholiques et d’un certain électorat de la droite conservatrice. Les premières s’opposent toujours fermement à l’assistance médicale à la procréation, tandis que les seconds dénoncent le fait que les enfants grandissent sans père et dans le mensonge.

Pourtant, les couples homoparentaux sont généralement ceux où l’on explique le mieux aux enfants le processus de fécondation. Au contraire, le recours à la PMA dans les couples hétérosexuels est souvent maquillé en famille biologique, sur incitation des médecins. La Manif pour Tous a déjà lancé un appel à manifester contre le projet, et espère réunir encore plus d’opposants que lors des protestations contre le mariage pour tous il y a cinq ans. Un climat de division sociale que le gouvernement cherche à tout prix à éviter. La question est donc désormais de savoir si l’engagement de campagne du candidat Macron et sa volonté timide de soutenir l’ouverture de la PMA à toutes les femmes résisteront aux hostilités…

“L’exclusion des lesbiennes de la PMA ne serait “pas discriminatoire”, selon le Conseil d’État.

En réponse à l'arrêt du Conseil d'Etat, les associations pro-PMA se mobilisent (© Fondslesbien.org)
En réponse à l’arrêt du Conseil d’Etat, les associations pro-PMA se mobilisent (© Fondslesbien.org)

Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, est récemment venu appuyer les opposants au projet en déclarant que l’exclusion des lesbiennes de la PMA ne serait “pas discriminatoire”. L’arrêt, en date du 3 octobre 2018, stipule que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général ». Mais quelle différence y a-t-il entre la situation d’infertilité d’un couple hétérosexuel et celle d’un couple homosexuel ? Dans les deux cas, la fécondation in vitro (FIV) répond à un désir de parentalité – et pas au soin d’une pathologie. La FIV ne vise pas à traiter l’infertilité. Par conséquent, la différence de traitement en fonction de la sexualité du couple s’oppose entièrement au principe d’égalité de droit entre tous les citoyens.

75% des Français favorables à la PMA pour toutes

Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), quant à lui, a émis un avis favorable à la légalisation de la PMA pour toutes les femmes, célibataires ou en couple. Un avis important car il devrait inspirer le projet de loi, attendu pour novembre, et le travail des parlementaires. Comme les associations qui défendent le droit à la PMA pour toutes, le CCNE insiste sur “la réalité du désir d’enfant”, “la souffrance de l’impossibilité d’avoir un enfant” et “la reconnaissance de la diversité actuelle des structures familiales”. Un sondage récent pour France TV réaffirme en outre le soutien d’une écrasante majorité de Français au droit à la PMA pour toutes : 75% des Français y sont favorables (72% pour les femmes célibataires et 66% pour les femmes homosexuelles en couple).

© Sondage Ipsos pour France TV - juin 2018
© Sondage Ipsos pour France TV – juin 2018

Un soutien fragilisé par le silence des principales concernées

© Une du Parisien, le 30 septembre 2018
© Une du Parisien, le 30 septembre 2018

Malgré cette majorité favorable à la PMA pour toutes, peu de voix s’élèvent dans les médias et l’espace public face aux oppositions acrimonieuses des anti-PMA. Si l’on entend régulièrement l’Église catholique et les militants de la Manif pour tous s’exprimer sur ce sujet, la parole des femmes se fait plus discrète. Le déséquilibre était particulièrement criant lors des États généraux de la bioéthique, considérés par certains comme noyautés par les partisans de la Manif pour tous. Le mouvement de militants s’est particulièrement mobilisé lors des consultations, et en a publié son propre bilan sur son site internet. Les médias offrent également la part belle aux opposants – du Parisien qui consacre sa Une, dimanche 30 septembre, à l’appel à la mobilisation contre la PMA de l’archevêque de Paris, à la matinale de France Inter, deux jours plus tôt, qui a organisé un débat sur la PMA avec deux opposants à son ouverture à toutes les femmes et… personne pour défendre l’opinion contraire.s

Pourquoi les médias insistent-ils à donner la parole à l’Église, alors même qu’entre 60 et 70% des Français ne s’identifieraient à aucune religion ? A moins que la question ne soit autre : pourquoi un tel silence de la part des femmes, principales concernées par le sujet ? Toutefois, le projet de loi bioéthique étant prévu pour la fin de l’année, le débat vient seulement de commencer.

Remboursement, dons de sperme, marchandisation du corps… Les vraies questions ?

Au delà des controverses idéologiques soulevées par une minorité de personnes, d’autres questions d’ordre pratique se posent. Remboursement ou non-remboursement par l’assurance-maladie ? Si certains estiment que le contribuable n’a pas à financer de telles demandes sociétales sans fondement pathologique, d’autres leurs opposent les principes de solidarité et d’égal accès aux droits sans discrimination. Des principes soutenus par la Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et par le Conseil d’État, qui souligne en outre l’impact “modeste” sur les finances publiques d’une insémination artificielle avec donneur (1 098€).

En parlant de donneur, certains crient à la pénurie des dons de sperme ! Déjà aujourd’hui, la demande de gamètes est supérieure à la quantité de dons : il en manque environ 300 chaque année. L’ouverture de la PMA à toutes les femmes allongerait indéniablement les files d’attente. Malgré les campagnes de sensibilisation en faveur du don et les mesures prises pour le faciliter, le don de sperme reste spécial. Alors, comment remédier à ce problème ? En donnant la priorité aux couples hétérosexuels infertiles ? Ou en rémunérant les donneurs, comme en Espagne et au Danemark, et en ouvrant la voie à la marchandisation des gamètes ? L’une et l’autre de ces hypothèses soulèvent de lourdes questions éthiques et constitutionnelles.

Il semble donc nécessaire de recentrer le débat sur des questions éthiques et pratiques fondamentales, sans lesquelles l’ouverture de la PMA à toutes les femmes resterait une coquille vide. Le remboursement, l’augmentation de la demande de dons, mais aussi l’anonymat des donneurs et la filiation de l’enfant né par FIV sont autant de questions essentielles à considérer dans ce débat. Enfin et surtout, écoutons la parole des femmes, premières concernées par ce débat.

Marion Dugrenier