Le 25 septembre 2025, l’île de Madagascar s’est vue secouée par les cris de colère et de détresse de ses citoyens. A Antananarivo ainsi que dans d’autres grandes villes du territoire se sont déclenchées des manifestations qui pourtant avaient été interdites par les forces de l’ordre.
Il s’agit d’un mouvement de contestation lancé par le collectif Gen Z Madagascar sur les réseaux sociaux. Il appelle la jeunesse du pays à protester contre les coupures d’eau, d’électricité, le manque d’eau potable, la pauvreté en général, la corruption ainsi que les abus de pouvoir de la part de la classe politique. Réunis sous le drapeau du manga One Piece qui avait déjà été utilisé lors des manifestations au Nepal et en Indonésie, le collectif espère être entendu à l’internationale afin d’éveiller les consciences au sujet de leur conditions de vie. La police a violemment réprimé les manifestants notamment par l’utilisation de tanks et d’armes à balles réelles. Ces violences ont fait cinq morts et 29 blessés.
Madagascar souffre de problèmes d’approvisionnement et d’assainissement d’eau. Les nappes phréatiques sont asséchées à cause de l’exploitation des nappes alluviales (proches des rivières) lors des saisons sèches. Cela entraine la mort du bétail ainsi que des destructions de cultures et infrastructures. A cause de ce manque d’eau, les barrages hydroélectriques ne sont pas approvisionnés durant la période sèche et la société nationale d’eau et d’électricité Jirama semble particulièrement démunie face à cette problématique.
L’ile est également est marquée par son Etat de droit faible ainsi que ses frontières peu étanches alors qu’elle est dotée de ressources naturelles abondantes. Cela favorise l’essor de réseaux de crime organisé et de corruption. À Madagascar on retrouve des trafics de bois de rose, de tortues, de pierres précieuses, de cannabis, ainsi qu’une exploitation illégale d’or. Le bois de rose est victime de contrebande illégale vers la Chine et les acteurs de ce trafic ont de solides réseaux d’influence parmi l’élite politique, certains barons du bois de rose font même partie intégrante de la classe politique. Cette corruption se fait ressentir au sein de la population notamment à cause de l’inégalité devant la loi qui se développe ainsi que divers autres types d’injustices. La majorité des citoyens affirment ne pas signaler les actes de corruption à la justice, par peur de représailles ou autres conséquences négatives.
Au niveau de la stabilité politique, les jeunes de la Gen Z Madagascar ont de quoi se révolter. Le Président Andry Rajoelina se trouve actuellement à New York pour une conférence de l’ONU, conférence durant laquelle il vante les progrès de son pays en matière d’énergie verte tandis que la population de révolte contre les pannes de courant. En réponse aux révoltes, le premier ministre a instauré un couvre-feu de 19h à 5h, tandis que le Président appelle au calme, des réactions superficielles presque condescendantes face à l’ampleur du mouvement social en cours. Andry Rajoelina semble incarner le dicton « faites ce que je dis, pas ce que je fais », en effet, le président défend des idéologies nationalistes et promet la grandeur de son pays, sa vie privée en dit pourtant bien le contraire étant donné qu’il envoie son fils étudier dans une prestigieuse école en Suisse dont le prix de l’année permettrait de faire vivre une famille malgache sur plusieurs années. Pendant ce temps, à peine un tiers des enfants malgaches sont scolarisés.
C’est contre toute ces injustices que la jeunesse de Madagascar se soulève. Le collectif Gen Z Madagascar annonce un prochain rassemblement le samedi 27 septembre devant l’ambassade de Madagascar à Paris, dans l’espoir d’une résonnance internationale. La presse internationale est particulièrement importante pour le relais d’information au sujet de Madagascar, car la corruption et les abus de pouvoir vont de pair avec la censure médiatique qu’on retrouve également sur l’île (car les journalistes sont dépendants des frais de déplacement payés par les promoteurs d’événements ou les hommes politiques).
Face à cette révolte, un constat s’impose : Madagascar vit une fracture profonde entre une jeunesse épuisée par la précarité et une élite politique qui affiche ses ambitions à l’étranger tout en laissant son peuple dans l’ombre. Les manifestations, portées par les cris d’une génération connectée, rappellent que les revendications de justice et de conditions de vie décentes ne peuvent être muselées indéfiniment. Le silence médiatique et diplomatique qui entoure cette crise révèle aussi l’inégalité des regards portés sur le monde : certaines colères lointaines semblent compter moins que d’autres. Pourtant, si l’île Rouge est trop souvent traitée comme une périphérie oubliée, sa jeunesse prouve qu’elle veut écrire son avenir au cœur de l’Histoire.
Clémentine Grand-Perrin
Sources:
Madagascar : une forte mobilisation, inédite par sa forme et son ampleur, fait au moins cinq morts, Le Monde
Courrier International (26 septembre 2025), Colère.“Jeudi noir” à Madagascar après des scènes de pillage en marge de la contestation, Courrier International
Emeutes à Madagascar : cinq personnes décédées, 29 hospitalisées et deux arrestations d’après un premier bilan, Franceinfo
(2021), Étude de la corruption et des mesures anti-corruption à Madagascar, U4 Anti-Corruption Resource Centre
Image: © Zo Andrianjafy / Reuters