Depuis l’annonce d’un cessez-le-feu avec le Hamas le mardi 13 novembre 2018, le Gouvernement de B. Netanyahou était entré en crise politique. Alors que des élections anticipées semblaient inévitables, le Premier ministre a réussi à conserver de justesse une majorité, dans le but de tenir jusqu’aux prochaines élections législatives prévues en novembre 2019.
Le 11 novembre 2018, le Premier ministre B. Netanyahou est à Paris pour les cérémonies du centenaire de l’Armistice de la Première Guerre mondiale. Mais au même moment en Israël, loin d’un quelconque armistice, ce sont plus de 460 roquettes qui sont tirées en deux jours par le Hamas depuis la bande de Gaza, à la suite d’une opération des services de renseignements israéliens qui a mal tourné. Rentré précipitamment de Paris, B. Netanyahou annonce des représailles à l’encontre du Hamas, et règle cet affrontement – le plus violent depuis 2014 – par un cessez-le-feu avec l’organisation terroriste, grâce à l’entremise de l’Égypte.
Mais la crise ne s’arrête pas là pour B. Netanyahou, puisqu’un nouveau front s’ouvre au sein même de son Gouvernement. Le mercredi 14 novembre, au lendemain de l’annonce du cessez-le-feu, le ministre de la Défense A. Liberman démissionne car il n’accepte pas la négociation du Premier ministre avec une organisation terroriste. Son départ entraîne avec lui cinq autres députés, le Gouvernement le plus à droite de l’Histoire d’Israël n’a plus qu’une seule voix de majorité à la Knesset, le Parlement israélien.
Le coup politique de N. Bennett
Un autre poids lourd de la coalition, alors ministre de l’Education, en profite alors pour tenter un coup politique. Fort de huit députés, N. Bennett, chef du parti nationaliste religieux du Foyer juif, enjoint le Premier ministre de le nommer au ministère de la Défense, sous peine de quitter la coalition. Pour N. Bennett, d’extrême-droite, l’armée se soucierait trop des cadres légaux et il regrette que « nos combattants craignent plus l’avocat général qu’ils ne craignent [le chef du Hamas] Yahya Sinwar à Gaza ». B. Netanyahou refuse alors de confier la Défense à ce ministre va-t’en guerre, au risque d’être mis en minorité et d’être obligé d’organiser des élections anticipées. Des élections anticipées pourraient favoriser les partis d’extrême-droite vu les tensions actuelles, et empêcher B. Netanyahou de nommer le prochain chef de la police qui va devoir s’occuper des affaires de corruption de l’actuel Premier ministre.
Les rumeurs de démission d’autres ministres s’accentuent. En Israël, les élections législatives se tiennent tous les quatre ans, à moins que des élections anticipées s’imposent. Les 120 sièges sont répartis à la proportionnelle intégrale, dès qu’un parti récolte plus de 3,25 % des voix. Ainsi, dix listes sont actuellement représentées à la Knesset, qui a de plus en plus de mal à terminer ses mandats de quatre ans. Les petits partis, très utiles pour former des coalitions, doivent se faire remarquer pour être visibles et possèdent ainsi un véritable pouvoir de nuisance.
L’appel aux responsabilités
Le dimanche 18 novembre, B. Netanyahou prend la parole à 20 heures pour s’adresser à la nation. « La situation sécuritaire est compliquée, ce n’est pas le moment d’avancer les élections, de jouer à la politique. Ne faites pas tomber le gouvernement, faites preuve de maturité », lance alors le Premier ministre à ses partenaires de la coalition. Dans les cercles du pouvoir, on menace de manière infondée aux vues de la droitisation de la société israélienne que des élections anticipées pourraient amener la gauche au pouvoir, comme en 1992 avec la victoire d’Y. Rabin et le « désastre des accords d’Oslo » qui s’en sont suivi. Ne voulant paraître pour un déserteur et un égoïste alors que le pays sort d’une fièvre de violences, N. Bennett annonce qu’il reste au Gouvernement, et ce malgré l’auto-nomination de B. Netanyahou au poste de ministre de la Défense. Conscient du coût politique de cette décision, N. Bennett espère que cette mise sous pression poussera B. Netanyahou à être plus ferme avec le Hamas.
La victoire modeste, B. Netanyahou annonce alors que « jamais un Premier ministre n’avait résisté face à tant de pressions ». Pourtant, sa coalition ne compte plus que 61 députés sur 120 et le ministre des Finances estime que des élections anticipées sont inévitables. En prenant le poste de ministre de la Défense, B. Netanyahou démissionne de celui des Affaires Étrangères. La nouvelle nomination est politiquement risquée : des députés sont de plus en plus dans la surenchère guerrière à l’approche de nouvelles élections, pendant que le chef du Gouvernement veut laisser le Hamas se décrédibiliser aux yeux du monde en attaquant Israël, ce qui met en danger des civils mais évite d’envoyer à la mort des soldats à Gaza. Le but du Premier ministre est de se faire passer pour le sauveur d’Israël, capable de gérer le pays malgré les tempêtes. Cette détermination est reconnue par les Israéliens, mais cela ne l’éloigne pas de prochaines attaques du Hamas et de ses démêlés avec la justice pour des affaires de corruption, qui auront valeur de tests de son autorité dans une majorité fragilisée.
Joris Cuynet