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Accord franco-allemand d’Aix-la-Chapelle: un traité mal traité ?

56 ans après la signature du traité de Versailles, qui introduisait l’amitié franco-allemande au sein d’une relation marquée par de nombreux conflits, les deux pays ont réitéré le geste, ce mardi, pour prôner un élargissement des relations coopératives face aux résurgences des nationalistes et du retour des égoïsmes étatiques. Se voulant initialement ambitieux, cet accord se trouve finalement être l’illustration des nombreuses oppositions qui existent au sein de l’Union Européenne.

A la référence au traité passé, les réactions nationalistes d’antan

« Qui l’eût cru ? », titrait lundi le sérieux quotidien allemand, Frankfurter Allgemeine Zeitung, en affichant à sa une l’image d’un casque prussien. L’article ne faisait pourtant pas référence à la teneur exceptionnelle du contenu de l’accord franco-allemand, mais plutôt aux inquiétudes diffusées à son encontre en France, notamment par des milieux d’extrême droite. D’ordinaire, de tels traités passent plutôt inaperçus. Pourtant, cette fois-ci, on a pu voir un certain nombre de fausses prétentions proliférer. Comme celles considérant que ce traité allait permettre à l’Allemagne de racheter l’Alsace et la Lorraine, ou encore la fausse information selon laquelle la France allait céder son siège au conseil de sécurité des Nations Unies à son voisin germain. Un courant germanophobe serait de fait encore présent en France. Ainsi, ces réactions illustrent bien les oppositions auxquelles doivent faire face les dirigeants français et allemands pour réaliser leur projet de renforcement de la cohésion à l’échelle européenne.

Une du Frankfurter Allgemeine Zeitung du 21 janvier 2019

 

La grande relance européenne attendra…

Annoncé par Emmanuel Macron en début de mandat, lors de son discours-projet au sujet de l’Union Européenne, ce traité d’amitié franco-allemande était censé permettre une relance du projet communautaire au sein de l’Union. Dans le contexte troublé des négociations sur le Brexit et de la montée des nationalismes, l’accord d’Aix-la-Chapelle se voulait être l’instigateur d’une relance du projet européen et ainsi devenir un modèle pour les accords communautaires futurs. Pourtant, depuis ce fameux discours de la Sorbonne, le contexte a radicalement changé, tant pour Angela Merkel que pour Emmanuel Macron. Sur fond de crise gouvernemental pour l’une et de contestations des gilets jaunes pour l’autre, le traité perd de son ambition première. Les deux pays ne s’accordant finalement que sur des dispositions peu novatrices. On compte, par exemple, au rang des rares innovations la signature d’une clause de défense mutuelle, prévoyant qu’une agression contre l’un des deux pays soit considérée comme une agression par l’autre pays (ce volet est notamment prévu pour permettre de déployer d’avantage de moyens en cas d’attaques terroristes), la constitution d’un conseil économique (simplement consultatif) ou encore la création d’une plateforme numérique commune qui intégreraient des médias comme France télévisions ou Arte. Des dispositions dores et déjà annoncées ont par ailleurs été renouvelées, tel que la priorité pour la diplomatie franco-allemand de permettre à l’Allemagne de disposer d’un siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU ou le renforcement des liens économiques et culturels au sein des territoires transfrontaliers.

 

source: retoil.tumblr.com

 

L’ouverture des hostilités pour la campagne des élections européennes

Les observateurs déplorent donc les insuffisances de cet accord qui n’aborde pas, ou très peu, les points de frictions entre les deux pays tel que la transition écologique, la politique d’immigration ou la taxation des géants du numérique. Malgré cela, il a déjà recueillis nombre de critiques de l’extrême droite française comme de certains dirigeants européens regrettant la logique particulariste des deux pays voisins projetant pourtant de relancer l’Union à 27. Si le couple franco-allemand encourage les autres pays membres à prendre part à cet accord, il semble peu certain que cette proposition soit suivie d’effets. Plus que de relancer la machine européenne, cette convention semble donc d’avantage marquer le coup d’envoi de la campagne des élections européennes qui se tiendront en mai 2019. Les réactions au sujet de ce traité préfigurent ainsi la difficulté pour la communauté européenne de se doter d’un véritable projet commun.

Alban Leduc