Du 22 au 24 janvier derniers se déroulait la 20ème édition des Assises européennes de la transition énergétique à Dunkerque. Bouchra Masmoudi et Romain Legros, en 4ème année du master Développement Soutenable, y étaient et ont pu assister à quelques conférences. Récit.
Près de 2 500 participants se sont retrouvés à Dunkerque lors de ces 3 journées consacrées à la transition énergétique. Le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, avait fait le déplacement pour l’occasion et a délivré un discours de près d’une heure qui marqua l’ouverture officielle des Assises européennes de la transition énergétique. Dans son discours, il rappela la nécessité d’un tel événement qui célébrait cette année son 20ème anniversaire et montra comment l’évolution de son intitulé témoigne d’une prise de conscience de plus en plus accrue de l’urgence écologique (les premières Assises de 1999 ne faisaient pas état de transition énergétique mais uniquement d’énergie). Ne pouvant échapper à l’actualité du moment, le ministre consacra de longues minutes à expliquer la politique actuelle du gouvernement et à revenir sur la taxe carbone qui aurait dû s’appliquer au 1er janvier 2019. Appelant les Français à “se libérer du pétrole”, François de Rugy a insisté sur la nécessité de développer des énergies renouvelables fiables technologiquement et compétitives économiquement, identifiant le solaire et l’éolien comme des réelles pistes d’avenir. L’exemple de la taxe carbone lui a également permis de consacrer quelques minutes sur la question de l’acceptabilité des mesures écologiques. Si des changements sont indispensables, “il n’existe pas un mode de production d’énergie qui ne suscite pas d’opposition” indiqua-t-il. Afin de développer l’acceptabilité de telles mesures, un nécessaire partage de l’effort est indispensable (le ministre s’est dit ouvert à une taxation du kérosène à l’échelle européenne) et une réelle transparence de l’affectation des ressources issues de la fiscalité écologique doit s’appliquer. Les élus locaux, nombreux dans la salle, ont vu leur rôle être salué par le ministre, indiquant en guise de conclusion que “La transition énergétique sera territoriale ou ne sera pas”.
Une fois les Assises officiellement ouvertes, place aux conférences et aux débats avec, comme premier sujet, un débat sur l’accord de Paris et un état des lieux trois ans après son adoption. Étaient en autres présents Arnaud Leroy, président de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), Patrice Vergriete (maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine de Dunkerque) et Chantal Jouanno (présidente de la Commission Nationale du Débat Public). C’est cette dernière qui pris le plus la parole, ayant piloté un débat public sur la feuille de route de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie proposée par le gouvernement et qui va prochainement entrer dans sa phase réglementaire. Chantal Jouanno a détaillé les quatre grandes conclusions qui sont ressorties de ce débat public. Le premier point est l’existence d’un consensus au sein de la population sur la nécessité d’agir pour l’environnement, comme en témoigne le succès inédit que rencontre actuellement la pétition visant à soutenir une action de justice contre l’Etat pour inaction sur ce sujet. Toutefois, il y a, dans le même temps, une réelle incompréhension de la part des habitants sur le rôle des politiques et des différents échelons de l’action publique qui parfois se concurrencent entre eux. Un autre point concerne la territorialisation : si la méfiance envers la politique est grandissante, les élus locaux, qui sont “à portée de claque” restent sollicités pour des actions concrètes et en phase avec le quotidien des citoyens. Enfin, le dernier point qui ressort du débat public est celui de la justice sociale : les citoyens sont prêts à fournir des efforts mais ces derniers doivent être partagés par l’ensemble de la population.
Les intervenants étaient donc tous d’accord pour dire que l’action doit se prolonger, notamment à l’échelle locale. Ainsi, Patrice Vergriete revendique pour les collectivités “un droit à l’expérimentation” car ce sont dans les territoires que se multiplient les initiatives les plus ambitieuses en termes d’innovation. Dès lors, le maire de Dunkerque regrette que les territoires industriels soient ceux qui aient le plus soufferts de la baisse des dotations de l’Etat alors que c’est justement dans ces territoires que tout était à faire dans le cadre de la transition énergétique.
Les conférences ont continué tout au long de la journée, avec notamment une autour de la notion de résilience dans laquelle est intervenue Xanthea Limberg, conseillère municipale du Cap (Afrique du Sud) en charge des bidonvilles, des services de l’eau et du traitement des déchets et de l’énergie. Ce fut ainsi pour elle la possibilité d’expliquer les difficultés auxquelles est confrontée sa ville, notamment avec le tristement célèbre “Day 0”, date à laquelle les autorités publiques sont obligées de réguler la distribution d’eau tant la sécheresse est importante.
Deux dernières conférences avaient lieu le Jeudi. La première concernait la gratuité des transports publics. En effet, depuis le 1er septembre 2018, l’ensemble du réseau de bus dunkerquois est gratuit, 7 jours sur 7, sans condition de résidence. Cette gratuité s’est accompagnée d’une profonde modernisation du réseau ; ce sont désormais 17 lignes qui desservent la métropole et ses 200.000 habitants avec 5 lignes desservies toutes les dix minutes. Désormais, 80% de la population peut trouver un arrêt de bus à moins de 300 mètres de son domicile. L’homme à l’origine de ce projet, Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine de Dunkerque, a rappelé comment ce passage à la gratuité n’allait pas forcément de soi et a suscité de nombreuses oppositions. Aujourd’hui toutefois, le taux de satisfaction au sein de la population s’élève à 93%. Cette satisfaction se traduit par une hausse considérable de la fréquentation : +50% en semaine environ et 120% le weekend. Les justifications à la gratuité étaient nombreuses. Sur le plan social tout d’abord, elle permet de rendre du pouvoir d’achat aux revenus les plus modestes. Elle permet également de renforcer la mobilité des personnes pour qui le prix d’un abonnement représentait un frein et donc permet renforcer le lien social. Sur le plan économique, la gratuité des transports publics permet une redynamisation du centre-ville avec des habitants qui s’y déplacent plus facilement. Enfin, l’objectif environnemental est également présent, avec la volonté de réduire la place de la voiture individuelle en ville. La présence de la voiture était en effet une forte caractéristique de l’agglomération dunkerquoise. En 2015, 1% des déplacements s’effectuaient en vélo, 5% en transports en commun et 66% en voiture. Alors que la prise de conscience écologique est de plus en plus importante et que la pollution atmosphérique affecte nos santés, cette question du mode des déplacements est devenue une urgence de premier ordre.
Enfin, la dernière conférence voyait intervenir Sandrine Rousseau et Pierre Giorgini, représentant respectivement l’Université de Lille et l’Université Catholique de Lille. Leurs propos portaient sur la manière d’inclure l’écologie dans le quotidien de leurs étudiants, en rappelant les initiatives déjà mises en place par des associations étudiants et soutenues par leurs administrations. Par exemple, l’Université de Catholique a lancé le programme Live Tree qui soutient des associations engagées sur le front écologique, comme le Green Challenge dont l’objectif est de faciliter la transition écologique sur les campus (lutte anti-gaspillage, poubelles de tri, distribution de gourdes, etc).
Bouchra Masmoudi et Romain Legros