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VICE : Chronique d’un faucon républicain

Le film réalisé par Adam Mc Kay est ambitieux : retracer la vie de l’un des hommes les plus discrets et les moins médiatisés de la vie politique américaine. Pourtant, il s’agit d’un pari réussi pour le film nommé aux Oscars dans la catégorie (entre autres) du meilleur film.

Vice doit son originalité à plusieurs éléments : des scènes entrecoupées d’images d’archives, de vidéos qui témoignent les diverses époques que traversent les personnages. Autre originalité : le spectateur est guidé tout au long du film par un narrateur, présent en voix-off comme à l’image dont l’identité demeure floue mais qui va s’avérer jouer un rôle décisif dans la vie de Dick Cheney.

Dick Cheney fait justement partie de ces originalités. Oubliez le charisme et le charme du personnage politique (bien que certains puissent l’apprécier) mais vous serez davantage captivés par l’ambitieux et le fin stratège faisant partie intégrante du personnage. Retour sur la vie d’un homme auquel rien ne prédestinait à devenir un des hommes les plus puissants de la Maison Blanche

Dick Cheney : “A start from scratch”

Le film dépeint les débuts de Dick Cheney (joué par Christian Bale) qui coule une existence presque paisible dans le Wyoming aux côtés de son épouse Lynn (jouée par Amy Adams). Cheney travaille le jour comme poseur de lignes téléphonique et la soir, il cultive son penchant notoire pour l’alcool et les bagarres à la sortie des bars du coin qui se finissent généralement au poste de police. A priori, il est difficilement imaginable pas que le Dick Cheney des années 1960 puisse prétendre à la Maison Blanche trente ans plus tard. Pourtant, le tournant radical que va opérer Cheney en ce milieu des années 1960, il le doit à son ambitieuse épouse Lynn, qui lui pose un ultimatum : s’il ne se reprend pas en main, elle le quittera. C’est un électrochoc pour Dick Cheney qui décide de reprendre ses études et sort diplômé de la faculté du Wyoming. Lynn Cheney va donc jouer un rôle essentiel dans la vie de Dick en le conseillant et en le poussant à viser toujours plus haut. Après avoir quitté les bancs de l’Université et le spectateur retrouve Dick Cheney stagiaire au Congrès où il fait ses armes en tant que sbire de Donald Rumsfeld (joué par Steve Carell mordant dans le rôle). Dick a trouvé son camp politique : les Républicains, auquel il adhère moins par conviction que pour servir Rumsfeld.  Une amitié se noue entre les deux hommes et Rumsfeld deviendra plus tard son Conseiller à la Sécurité Nationale lorsque que Cheney sera vice-président.

La décennie 1970 s’avère néanmoins cruelle pour le camp Républicain, l’affaire des Pentagone Papers puis du Watergate bouleversent l’arène politique et le président Nixon est contraint de se retirer au profit de son vice-président Ford. C’est pourtant dans l’adversité que Cheney semble exceller, il comprend immédiatement que les Républicains épargnés par le Watergate, ont les clefs en main pour prendre la Maison Blanche. Cheney devient le premier plus jeune Chef de Cabinet et dispose de l’écoute du président Ford. Hélas, le vent tourne pour le Parti Républicain avec la victoire du candidat démocrate John Carter aux présidentielle de 1976.

Qu’à cela ne tienne, Cheney et sa famille reviennent dans l’Etat du Wyoming où celui-ci fait campagne pour être élu Représentant à la Chambre des Représentants. C’est un moment crucial pour le couple Cheney et Lynn s’implique fortement dans la campagne, allant jusqu’à donner un discours à la place de son mari souffrant, se révélant être une bien meilleure oratrice que ce dernier. Grâce à la victoire de Cheney, celui-ci est de retour dans la course, tout comme le camp Républicain avec l’arrivée de Ronald Reagan au pouvoir.

La course au pouvoir

Grisé par le succès, la décennie 80 se révèle prospère pour la famille Cheney. Dick a entamé une carrière dans le privé mais garde toujours un contact avec les milieux politiques de Washington. Cheney apporte ainsi son soutien à la candidature de George Bush senior et ce dernier le nomme en guise de rétribution comme Secrétaire à la Défense à la veille des années 1990.

Après une ellipse temporelle, nous retrouvons un Dick Cheney vieilli qui semble s’être retiré des tumultes de Washington. C’était sans compter la sollicitation par le fils Bush : George, autrefois mouton noir de la Famille, qui a finalement décidé de suivre les pas de son père et s’apprête à se lancer dans la course à la Maison Blanche. Toutefois, celui-ci a besoin d’un colistier pour mener à bien sa campagne. Ce sera Dick Cheney, dont la loyauté et l’expérience ne sont plus à démontrer. Si Dick est quelque peu réticent au début, celui-ci ne tarde pas à réaliser l’opportunité qui se présente à lui : George Bush Jr est novice, inexpérimenté et aisément influençable. Tout converge pour que Cheney puisse gouverner comme il l’entend. Avec lui, pas question d’un vice-président effacé et passif derrière le Président au sein de Cheney agit habilement en sous-marin, sans que George Bush Jr ne s’aperçoive de la fantastique machination de son vice-président. En effet, Cheney a placé chacun de ses alliés à des postes stratégiques pour être partout à la fois. Les jeux sont faits et nous assistons à l’émergence d’un nouveau Cheney plus machiavélique que jamais. Si Bush Jr prend la lumière des caméras où il endosse le costume de Président des Etats Unis, Dick Cheney est le véritable chef de l’Exécutif. Les épisodes du 11 septembre 2001 ou la décision d’envahir l’Irak en 2003 sont particulièrement significatifs du pouvoir de Cheney. Le spectateur découvre alors un homme sûr de lui, déterminé et presque glaçant, bien-loin du Cheney hésitant des débuts. Cheney a acquis son statut de faucon.

Finalement, VICE n’est pas seulement un biopic, certes, le film retrace la vie d’un homme aussi bien sur le plan personnel que professionnel, mais VICE n’est pas que ça. Le réalisateur propose une satire de la vie politique américaine en visant particulièrement le camp républicain. En effet, tout au long du message, des messages sont glissés tout au long du film, notamment par l’intermédiaire du narrateur qui apparaît comme le porte-voix du réalisateur. Vice peut faire à la fois rire, faire frissonner ou encore faire réfléchir le spectateur. Ce savant mélange est assorti d’un jeu d’acteurs impeccables qui servent le scénario avec brio.

Anne-Laure Simon