C’est une histoire qui commence par la fin, avec la mort d’un des personnages, à notre époque. C’est également une histoire racontée par Rupert, adulte, lors d’une interview à une journaliste du Times. Rupert raconte sa correspondance épistolaire longue de plusieurs années, avec son idole, John F. Donovan, nouvelle célébrité américaine.
Malgré un générique aux noms familiers et un scénario alléchant, on sort de la salle obscure avec une légère déception sur ce nouveau long métrage de Xavier Dolan.
Un scénario… à trous?
Pour cette critique, commençons également par la fin, dont je n’étais personnellement pas au courant lorsque j’ai pris ma place de cinéma, lors de sa sortie le 13 mars.
La fin étant la période de post-production, qui comme Dolan le dit-lui même, fut complexe. Ma vie avec John F. Donovan devait initialement durer quatre heures, et se ranger dans la catégorie des films fleuves. D’ailleurs, le titre anglophone “The death and life of John F. Donovan” rends bien compte de cette volonté initiale. Sauf que, la moitié du film – et donc la moitié du scénario – a été coupée au montage.
De la vie et la mort de John F. Donovan, on aura plutôt la dernière année de sa vie.
C’est également ainsi qu’un personnage clé du scénario a disparu: celui de la rédactrice en chef d’un tabloïd joué par Jessica Chastain. Si cette disparition de l’écran est plutôt réussie – cette rédactrice n’est pas mentionnée pendant les deux heures du film- couper deux heures d’un long-métrage, laisse cependant des séquelles. En effet, le scénario témoigne d’incohérences, donnant l’impression par moment de s’être assoupi.e.s quelques instants et de ne pas avoir suivi tout ce qu’il se passait à l’écran. On ne sait pas par exemple, ce qui a poussé John F. Donovan a répondre à Rupert, parmi les milliers de courrier de fans qu’il recevait.
D’autres personnages qui auraient pu avoir une réelle importance et apporter quelque chose de pétillant au film restent tapis dans l’ombre. Je pense notamment à la co-star et amie d’enfance de John F. Donovan, Amy Bosworth.
Ces petits détails sont à regretter car ils auraient pu donner de la profondeur au film et rendre les personnages plus attachants. Peut-être n’est-ce que l’avis d’une personne qui apprécie le réalisme que donnent ces détails. Il est probable que d’autres apprécient ce flou autour des personnages permettant sans doute de laisser plus de place à l’imagination du spectateur.
Une transition cinématographique vers Hollywood trop brusque
Seulement, le manque de cohérence du scénario n’est pas le seul point de déception. On se demande parfois pendant le film si le réalisateur se prénomme réellement Xavier Dolan. Il est vrai que les plus grands réalisateurs ont changé de nombreuses fois de genre lors de leur carrière. Stanley Kubrick par exemple, qui a réalisé Lolita dans les années 50 pour finir sur un thriller dramatique, j’ai nommé Eyes Wide Shut.
Xavier Dolan a donc toutes les raisons de sortir du style scénaristique et scénographique singulier qui a fait son succès et de s’envoler direction le monde d’Hollywood.
Sauf que l’atterrissage est brutal. On enchaîne les musiques commerciales (Adèle, Green Day, Woodkid) lors de travellings déjà-vus sur la statue de la liberté et la Skyline de New-York, rappelant l’ouverture de Léon. Luc Besson et Xavier Dolan, un mélange pour le moins inattendu et… pas réellement convaincant.
Il semble que la scène la plus illustrative de ce too-much hollywoodien est une scène durant laquelle, Natalie Portman et Jacob Tremblay court chacun d’un côté d’une rue pour se retrouver dans les bras l’un de l’autre. Le tout avec un léger ralenti et en fond sonore, “Stand by me” chanté par Florence & The Machine. Le cocktail parfait pour une comédie dramatique hollywoodienne que l’on regarde sans trop de convictions un dimanche soir. Ce n’est pas réellement ce qui était attendu du dernier Dolan.
Ma vie avec John. F. Donovan: un véritable potentiel malheureusement sous-exploité
Bien que j’ai commencé cette critique de manière relativement acerbe, je la terminerai sur une note plutôt positive.
On saluera en effet les performances de chaque acteurs et actrices, notamment celles et ceux dont on aura eu le plaisir de voir dans d’autres rôles que ceux qui ont fait leur carrière. Je pense ici évidemment à Kit Harrington mais également Thandie Newton dont le rôle de Maeve Millay dans Westworld lui avait permis de belles nominations.
Le potentiel de ce film se situe également dans les problématiques qu’il aborde: les coulisses de l’industrie du cinéma, les discriminations que subissent les personnes LGBT dans cette industrie mais également au sein des sociétés occidentales, ou encore le rapport que chacun.e a avec les problématiques rencontrées par les pays du Nord et celles rencontrées par les pays du sud. Ceci est illustré par Thandie Newton qui campe le rôle d’une journaliste, tout juste rentrée de zones de guerre et qui lance à Rupert “désolée, mais vos soucis d’hommes blancs occidentaux, je n’arrive pas à avoir de la peine”.
Dolan pose à l’écran de véritables problématiques contemporaines, directement inspirées de ce que le réalisateur a vécu ou vit. Si l’on appréciera du réalisateur d’avoir mis de lui même dans son travail, cette approche personnelle a du mal a réellement toucher le spectateur. On reprochera à ce film d’avoir exploré ces sujets importants, bien trop rapidement, à la volée, donnant encore une fois l’impression que certaines scènes importantes manquent au montage…
Mélinda Rolo