Il y a un mois des milliers de jeunes séchaient les cours pour alerter les gouvernants sur leur inaction en matière climatique. Dans un mois, un certain nombre de dirigeants européens seront renouvelés à l’issue des élections pour le parlement européen. A mi-chemin entre ces deux moments forts, La Manufacture est donc allée interroger des membres de différentes jeunesses politiques pour connaître l’implication de ces grèves climatiques sur les organisations politiques et ce qu’il en ressortira pour les prochaines élections européennes.
Nous commençons notre cycle d’interviews par des représentants des Jeunes Génération-s, qui ont répondu à nos questions et dont nous avons tenté de rapporter les réponses le plus fidèlement possible.
Les Jeunes Génération-s c’est quoi ?
C’est une organisation qui est assez indépendante du parti politique Génération mais qui met cependant en place une importante coordination avec celui-ci, ce qui est primordial pour effectuer des actions communes. Cela fait que deux ans que les Jeunes Génération existent, donc nous fonctionnons de manière autogérée depuis le début, on commence seulement à avoir des fonds et à créer nos propres statuts. Cette forme d’organisation était plutôt agréable car toutes les décisions étaient prises de façon horizontale. Mais il vient un moment où une certaine verticalité devient nécessaire. Quant à nos projets, nous souhaitons organiser pour l’instant des « Cafés débat » pour tendre ensuite vers la réalisation de projets concrets.
Quel a été votre rôle et votre positionnement sur la grève du climat du 15 mars ?
L’objectif des jeunes Génération est d’amener les jeunes à la politique, donc on soutient cette grève pour le futur afin de montrer que les jeunes se mobilisent. C’est toujours une publicité en plus pour le climat. On a donc fait des appels à la grève et nous apporterons un cadre militant car un cortège de notre formations sera présent dans la manifestation. Les eurodéputés de Génération ont aussi beaucoup favorisé ce mouvement qui est partis de Bruxelles, devant la Commission.
Selon vous, la jeunesse est-elle la clé de la bataille contre le changement climatique, et peut-elle faire davantage bouger les choses, que ne le font les politiques ?
La jeunesse, c’est l’avenir ! C’est donc un pilier pour les politiques futures. Ce qui est important c’est qu’on prenne conscience des problèmes et qu’on apporte des solutions très concrètes, que les adultes n’ont pas su prendre. Si on peut arriver à mobiliser la jeunesse, on pourra peut-être y arriver. Ainsi la jeunesse est “force de mobilisation mais aussi de proposition”. Par exemple, bien que la loi travail ambitionnait une flexisécurité dégradante pour les travailleurs de tous les âges, il n’y aurait pas eu de garantie jeune dans la loi travail si il n’y avait pas eu de mobilisations.
Pour autant, si la démarche individuelle est importante en tant qu’organisation politique nous avons conscience du besoin de taxes pour les plus grands pollueurs. L’action politique est donc nécessaire. « Il ne suffit pas de pisser dans la douche mais il faut un virage politique important ! ». Et pour nous c’est l’action européenne qui serait la plus efficace pour ensuite encourager les Etats membres à mener une véritable transition écologique en rupture avec le productivisme.
Cette jeunesse est-elle davantage connectée/alertée sur le réchauffement climatique, plus que le gouvernement dans lequel nombre de ses membres n’ont pas grandi autour de la conscience écologique ?
Oui, clairement la jeunesse est davantage mobilisée et c’est le problème car nous avons maintenant besoin d’une action par le haut, comme un “New Deal vert” par exemple. Nous souhaitons donc rester au sein de l’UE, tout en étant contre l’ultra-libéralisme, car pour nous, le libéralisme économique n’est pas compatible avec une transition écologique. Rester dans l’UE nous permettrait ainsi de créer un rapport de force mondial avec la Chine, les Etats-Unis…
Au delà des manifestations qui semblent plus symboliques, avez-vous pensé à d’autres formes de soutiens/mobilisations/actions de façon à alerter sur le dérèglement climatique ?
A notre échelle, nous allons organiser des « cafés débats » avec l’intervention de spécialistes, de scientifiques et d’élus engagés à gauche et pour une écologie radicale pour identifier des revendications, rechercher des solutions concrètes à ces revendications et tendre à les réaliser sur le terrain.
Entre la sortie des US de l’accord de Paris sur le climat, l’échec de la COP 24 etc… on a l’impression que la bataille de l’écologie est difficilement tenable ; selon-vous est ce le cas ou est ce un manque de volonté politique ?
C’est normal de se prendre des murs pour un politicien. Mais dans la politique de Macron, le problème c’est qu’il essaie simplement de montrer qu’il agit. C’est peut-être difficile pour lui, mais nous n’allons pas le plaindre, il a beaucoup de moyens que nous n’avons pas (experts, conseillers…). On constate qu’il ne fait preuve d’aucune volonté politique.
Et ce manque de volonté politique se retrouve chez les partis candidats aux élections européennes. Puisque le PS s’inscrit dans la continuité en choisissant comme Spitzenkandidat Timmermans, un socio-démocrate, qui était au sein de la Commission Juncker. Les insoumis et même le RN c’est la rupture qui prendrait trop de temps. Les Verts se montrent également bien moins ambitieux pour la transition écologique à l’échelle européenne que nous en ne proposant qu’un investissement de 100 milliards d’euros par an pour cette transition, ce qui insuffisant. Et les autres partis, ce n’est pas de changements radicaux. Nous sommes donc pris en tenaille entre les néo-libéraux d’une part, et les identitaires d’autre part.
Que pensez-vous de la réponse de M. Blanquer à l’annonce de cette grève pour le climat : engager des débats dans les classes à l’horaire de la manifestation ?
Déjà, il faudrait que ce soit cadré, avec des intervenants, donner des clés pour questionner l’alliage concret entre l’écologie à la politique de demain. Certes le débat est bénéfique mais seulement si il y a un impact derrière, il faudrait donc des experts qui puissent réaliser des actions concrètes, il y besoin d’encadrement (formation de professeurs). Car les débats souvent utilisés comme un moyen de se dédouaner, alors que les lycéens peuvent déjà de débattre, la preuve ils sortent dans la rue. Le débat a donc déjà été fait. Même avec une éducation qui nous a formé au consumérisme et au productivisme, la jeunesse est quand même dans la rue. Il y a une telle prise de conscience, que l’éducation est primordiale mais pas suffisante.
Maintenant c’est d’une action politique qu’on a besoin. Certes, on nous dit la politique ça prend du temps, mais les dirigeants actuels jouent de ce temps, et là quand ils décident de donner la possibilité d’en parler juste aujourd’hui c’est une façon de canaliser le mouvement.
Que diriez-vous aux jeunes qui refusent de se mobiliser ou ne se mobilisent pas ? Et aux gens qui ne voient pas d’intérêt dans cette grève pour le climat ?
Ceux qui prennent la question de haut, qui la méprisent, sont inconscients. Mais ceux qui disent qu’ils n’ont pas le temps, il faut pas hésiter à leur donner des clés pour se mobiliser: signer des pétitions, aller voter… Quand on tracte on rencontre beaucoup de gens qui ne savent pas comment fonctionne l’Europe, que l’on peut par exemple voter pour le parlement. Donc on pense qu’il faudrait sensibiliser et former les gens, les citoyens européens, leur dire expliquer les enjeux et écouter ce qu’ils ont à dire. C’est pas grave qu’ils ne s’investissent pas mais il faut qu’ils aient conscience que ce qu’ils ne font pas d’autres le feront et ça prendra donc plus de temps. Il ne faut pas trop de culpabilisation car ça ne marche pas, mais il faut responsabiliser les gens pour en faire des acteurs de ce mouvement.
Propos rapportés par Fantine Dufour et Alban Leduc