Ce week-end, on célébrait, à Lille, un événement bien particulier : les noces de porcelaine de Sciences Po Lille et de la Westfälische Wilhelms-Universität de Münster. Unis par les liens sacrés de l’enseignement supérieur, les deux établissements avaient en effet donné naissance, en 1999, à un double-diplôme franco-allemand en gouvernance européenne et internationale. La même année, la filière franco-allemande, ou FIFA, faisait, sous l’œil attendri de ses parents, ses premiers pas sur les bancs des amphis de Sciences Po.
1999-2019. Vingt années, et des centaines d’élèves qui auront foulé à la fois les pavés du vieux Lille et du Prinzipalmarkt. Car un anniversaire, c’est aussi l’occasion de réunir toute la famille afin de raviver d’heureux souvenirs. Car la FIFA peut se vanter d’en façonner chez chacun de ses membres. Les récits d’alumnis s’accordent à dépeindre une expérience unique, où l’alternance constante entre deux pays et systèmes universitaires force l’adaptabilité et l’ouverture d’esprit, et où le fait de n’être dans la norme nulle part cultive l’entraide et le sentiment d’appartenance. Une solidarité qui perdure même après l’entrée dans la vie active, facilitée par le prestige de la marque « FIFA ».
Autant de raisons de fêter cet anniversaire en grande pompe. Cette année, les deux époux ont mis les petits plats (de porcelaine) dans les grands. Allemand.e.s comme Français.e.s, professeurs, anciens ou actuels élèves, directeurs, amis, conférenciers… toutes les bonnes fées s’étant penchées sur le berceau de la jeune FIFA étaient conviées à l’événement.
Arrivée des invité.e.s et mots doux dans le discours d’entrée
Pour cet anniversaire, plusieurs personnes avec un rôle important dans l’existence de la filière – ces fameuses bonnes fées – ont répondu présentes. Patrick Mardellat, professeur en Sciences économiques et organisateur de l’événement, Pierre Mathiot, le directeur de Sciences Po Lille, Jean-Louis Thiébault, ancien directeur de l’IEP et signataire de l’accord en 1999, Johannes Wessels, le recteur de l’université de Münster, Martin Schmidt, le président de l’association « Chtimues », et enfin Isabelle Maras, représentante de l’UFA (réseau d’universités franco-allemandes) ont ouvert la célébration rue Angellier.
Dans l’amphi Hannah Arendt, chacun.e s’exprime, l’un.e après l’autre, en français, en allemand ou en anglais. Tous les élèves du cursus ont en effet reçu, de la part de leurs deux établissements-parents, une éducation rigoureusement polyglotte. De chaque discours semble émaner le même propos : à l’IEP comme à l’université de Münster, la filière franco-allemande est perçue comme un – rare exemple de – mariage réussi. Des trois doubles filières que compte Sciences Po Lille (FIFE, FIFB et prochainement FIFI), elle est la seule où la parité est de mise (20 étudiants allemand – 20 étudiants français). Cela favorise grandement les liens entre élèves, et les deux partenaires semblent comblés au sein de cette relation. Chacun admire les qualités de l’enseignement de l’autre, et ne manque pas de se le dire, à grand renfort de mots doux.
« L’université de Münster compte parmi les plus prestigieuses des universités » rappelle avec ardeur Pierre Mathiot. Puis c’est à Johannes Wessels, le recteur de l’université de Münster, de complimenter le système de « grande école » qu’incarne Sciences Po Lille. Cependant, il nous rappelle aussi que la filière ne doit pas être tenue pour acquise, et que l’on doit continuer à la faire vivre et évoluer. Ainsi, il a ramené un petit cadeau pour le directeur de l’IEP ; cela reste important, même après tant d’années, d’entretenir la flamme…
Des conférences fort à propos
Mais l’existence de la FIFA dépend d’une troisième institution, celle qui a permis la rencontre entre les deux : l’UFA (Université Franco-allemande). Cette institution franco-allemande regroupe 194 établissements et propose 185 cursus binationaux et trinationaux différents. C’est donc 6400 étudiants et 1500 diplômés par an. L’UFA c’est aussi une source de financement, elle nous permet, à nous étudiants, de toucher une bourse lorsque nous sommes dans le pays partenaire. Mais c’est avant tout un label de qualité qui permet une insertion professionnelle facilité, un soutien et un accompagnement tout le long de notre cursus.
Cet anniversaire est aussi l’occasion d’aborder des thèmes d’actualité qui touchent de près ou de loin le cursus. Les invités assistent ainsi avec attention à une conférence sur la montée de l’euroscepticisme tenue par un professeur de l’université de Münster, puis à une analyse des relations franco-allemandes par le Dr. Eric Sanger, maître de conférences à Sciences Po Lille.
Après un après-midi entier d’allocutions et d’activation de leurs petites cellules grises, les esprits aspirent à la détente, et les estomacs à la satiété. Cela tombe bien : les regards les plus affûtés auront en effet repéré, sur le programme, la mention d’une réception avec buffet dans la soirée. Mais où ?
Il faut tout de même un lieu à la hauteur de toute cette jolie (fi)famille ! Pas de panique, l’IEP et la WWU ont à nouveau tout prévu : ce sera la villa Cavrois, éminent témoignage du Bauhaus en périphérie lilloise.
Foulage de moquette et découvertes chez les Cavrois
Pour saisir l’ambiance qui règne à la Villa Cavrois ce vendredi soir, il faut y entrer ; nous vous y emmenons. De l’extérieur, le silence règne dans le parc, la bâtisse est discrètement éclairée, les brins d’herbe fraîchement tondus ondulent sous la brise nocturne. Une fois la porte passée, c’est l’émerveillement : jeunes comme moins jeunes invité.e.s s’étonnent durant la visite guidée de la villa. La décoration, très moderne et épurée pour les années 1930, impressionne, de même que les enceintes TSF incrustées dans toutes les pièces de la maison ; « c’est le Bauhaus domotique ! » s’exclame le public.
De la nécessité d’un buffet bien garni
Mais déjà, les attentions (et surtout les appétits) sont tournés vers d’autres horizons. En passant sur une balustrade qui surplombe le salon principal, on a aperçu les petits fours et le champagne disposés sur les tables en contrebas. Vite, vite, on se presse. Hop, hop, on attrape le roulé au fromage et la verrine concombre-carotte-ciboulette, un verre de champagne (ou de jus d’ananas pour les plus audacieux d’entre les convives) à la main, on sourit, on est bien.
Car c’est là que débute en fait la véritable soirée des 20 ans de la FIFA. Peu importe, au fond, le cadre, les mets, les codes, ceux-là, on finit par les oublier. Ce qui compte, surtout, ce sont les gens, l’échange, tant en français qu’en allemand, voire même en anglais, les paroles, les éclats de rire, les « Ahhh vous êtes là, ça fait tellement longtemps ! ». Dans la file d’attente pour le vestiaire, les promotions diplômées en 2016 se retrouvent. Dans la grande salle, les 1A désespèrent de ne pas pouvoir s’asseoir sur les sofas de cuir pour continuer à discuter. « Tu penses que si je pose mes fesses pile sur l’étiquette où ils ont mis « NE PAS TOUCHER », ça passe ? ». Au gré des mini (vraiment mini) éclairs au chocolat, le brouhaha s’amplifie. Les parents et les bonnes fées de la FIFA ont de quoi être fiers, ils ont réussi à faire perdurer cet esprit d’échange et de découverte de l’autre qui anime Sciences Po Lille et la WWU de Münster depuis 20 ans déjà… et, on l’espère, pour encore bien des décennies.
Joséphine Coadou, Hélène Lohou et Clara Bauer