Sortie de séance de cinéma. Je marche le long de la rue Nationale la gorge serrée et des milliers de pensées qui s’embrouillent dans ma tête. Les Misérables m’ont fait tant d’effet.
Je regarde autour de moi, hagarde, et ne vois plus rien de ce que je viens de voir dans le film. Je ne vois plus rien de ces immeubles, de ces décharges à ciel ouvert, de ces adolescents qui jouent mais qui ont perdu leur innocence. Trop vite disparues, oubliées, ces images. Mais la confusion, les interrogations persistent. Même une certaine colère apparaît. « Il n’y a pas de mauvaises herbes, il n’y a que de mauvais cultivateurs ». Cet extrait des Misérables de Victor Hugo conclut le film. Et c’est cette vérité qui blesse. Cette vérité qui dit que les politiques et le reste de la société, depuis trop longtemps, n’ont pas su faire germer et grandir les fleurs de ces cités. Au contraire, ce sont les pousses de la violence et de la haine, de l’abandon qui ont prospéré.
Depuis son prix du jury au festival de Cannes, Les Misérables ont connu un succès croissant. Salués par la critique et sans doute, avec la sortie en salle ce 20 novembre, par le public. Dans de nombreux médias, le film était « LA sortie cinéma de la semaine ». Curieuse et peut-être un peu naïve, j’y suis allée le jour de la sortie, ne m’attendant pas à recevoir une claque aussi magistrale. Je pensais, ou plutôt je m’imaginais, en savoir un minimum sur ce qui se passe dans les banlieues de Paris. Mon ignorance était abyssale. Je me pensais consciente d’une partie des violences de toutes natures dont les banlieues françaises et surtout parisiennes sont le théâtre, je ne me pensais pas si aveugle. « Une autre France », « Comment se fait-il que je ne le découvre que maintenant ? », « Mais où sont nos valeurs ? », toutes ces réflexions me sont venues au fur et à mesure du film, sans jamais trouver de réponse.
Malgré ces images trop vites disparues, on peut quand même entrevoir quelques lueurs d’espoir. La Marseillaise chantée en chœur lors de la victoire en finale de Coupe du monde de football en 2018 par la France est première scène du film. Les symboles de la nation sont faits pour cela : la communion. Mais ce tableau est bien vite remplacé par la réalité.
Je n’ai jamais autant ressenti la haine et plus généralement des sentiments d’acteurs aussi fortement que dans les scènes finales du film. C’est ce qui fait aussi sa réussite. Une intensité que l’on doit aussi à des unités de temps et d’espace réduites.
Bref, je suis touchée dans mes convictions par la justesse du jeu d’acteur, par ces problèmes dont je n’avais pas conscience, par l’intensité d’un tout. Révoltée, aussi, par cette réalité, par cet oubli, par cet abandon.
Je ne sais pas encore ce que ce film déclenchera mais je peux dire qu’il est nécessaire, car c’est peut-être ce dont je suis le plus sûre. Il est nécessaire à tous, simples citoyens, politiques, chefs d’entreprise… Emmanuel Macron s’est d’ailleurs dit « chamboulé » par le film et « prêt à agir ». Reste à voir ce que cela signifie.
Salomé Riffault