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Valse avec le cinéma #2 : First Love (Takashi Miike)

Nouvelle chronique de la nouvelle série ciné de La Manufacture. Prenez place sur votre fauteuil, le film va commencer…… Au programme cette semaine : le dernier succès de Miike à Cannes : First Love et le dernier yakuza !

 

Miike : un réalisateur prolifique qui fait de l’absurde sa spécialité

Miike signant des autographes (2007) Photo Silvio Bassi

Takashi Miike est un réalisateur japonais, avec une carrière que je qualifierais d’unique. Actif depuis les années 1990, le Monsieur a fait une centaine de films différents, ce qui est pour ainsi dire énorme pour une période courte ! Parmi ses films les plus connus, Audition (1999) dont l’horreur a marqué les mémoires, Ichi the killer (2001) célèbre pour son ultraviolence et son ironie. Il est aussi l’auteur de tout un tas de films qui portent sur les yakuzas, souvent très absurdes, mais avec l’avantage de varier les époques. Il arrive aussi bien à mettre en scène la science-fiction (Full Metal Yakuza) ou la post-apo (Yakuza Apocalypse).

Cet attrait qu’à Miike pour un type de cinéma très niche vient de ses goûts. Miike aime le cinéma, c’est un spectateur avant tout. Il avoue être fan de film de kung-fu, notamment ceux mettant en scène Bruce Lee, les westerns, les films de sabre, les films de gangsters…Cet amour qu’à Miike pour la série B, se retrouve au cœur de son art. Touche à tout, le réalisateur s’est exprimé dans différents registres, à sa façon. Cette expérience acquise est très importante pour First Love.

Qui dit absurde ne dit pas forcément absence de cohérence….

 

First Love : une histoire avant tout premier degré.

Quel fut mon étonnement, après avoir vu la bande d’annonce quelques mois avant la sortie, en connaissance de cause, de voir que First Love, est avant tout un film premier degré. Encore une fois je serais très bref dans le synopsis.

Ce film nous raconte l’histoire d’un jeune yakuza, désireux de gagner en puissance et en indépendance au sein de son clan. Il calcule tout un plan tortueux pour voler quelques kilos de drogues à son groupe, avec pour jackpot à la clé, une belle somme d’argent. Pourtant, ce qui était un simple plan dans une bande de voyous prends des proportions énormes, lorsqu’un policier, une toxicomane, un boxeur, une folle ainsi que tout un groupe de gangsters chinois, voient leur chemin se croiser. Le résultat ? Un cocktail explosif.

L’intrigue du film part d’un postulat sérieux, presque classique des films de gangster. Plutôt que de faire l’erreur de tout enchainer avec une dose d’absurde, First Love prend le temps de se poser. Le film a une structure en crescendo. Les enjeux et les personnages sont très clairement présentés au début, toute la farce du jeune yakuza est présentée en détail. Ce soin donné aux différents éléments du film permet de mieux les exploiter tout le long. Plus le film avance, plus les chemins se croisent, jusqu’à arriver à un final ou Miike s’amuse. La structure du film est très plaisante, elle maintient le spectateur qui se demande comment la situation va évoluer. C’est le fait de voir une situation, qui au départ était rigoureusement planifiée, qui rend certaines scènes si jouissives. Si l’effet recherché est si efficace, c’est parce que le spectateur constate le décalage entre l’attente et le résultat grâce à un super montage. Le film se suit très bien, il ne perds jamais son spectateur entre les différents personnages.

 

Un film qui multiplie les registres

Pourtant il ne faut pas s’y tromper. First Love n’est pas un film de gangster classique.

Le film se concentre principalement sur le personnage de Leo, une étoile montante de la boxe. Dépité par une nouvelle, il croisera par hasard la jeune Monica, une femme toxicomane. Ce duo se trouve être l’un des moteurs de l’histoire. Le film prend donc le temps d’accorder des scènes intimistes entre ces deux jeunes gens. De loin ils sont différents, pourtant leur désespoir les réunit. Les dialogues des deux personnages, sans voler très haut, ou révolutionner quoi que ce soit, sont cohérents. Ils permettent au film de se poser avant de s’envoler. Puis, cette relation offre au film un certain romantisme, avec quelques envolées. La romance n’est pas inutile, bien au contraire, les deux protagonistes évoluent. La relation n’est pas forcée, le film ne perd pas son temps avec de la niaiserie ou une relation forcée.

Miike se permet aussi une critique sociale assez intéressante. Il dépeint, à travers Monica, le portrait des personnes marginalisées de la société à cause des addictions pour drogues. Ce personnage n’est pas glorifié, elle a le droit à des scènes pathétiques. Plus globalement, le film montre un mépris envers les voyous. En quelque sorte, First Love se moque des films de yakuza ou le gangster, mis en avant, se bats contre les méchants dealeurs. L’outil cinématographique est au service de cela. Miike essaye de montrer une vie qui n’apporte que des problèmes. Il filme un cadre misérable qui ne donne pas envie d’être vécu. Certains décors sont très sombres et sales. Les contre champs et les idées de mise en scène sont très nombreuses, mais je ne rentrerais pas dans les détails pour ne pas gâcher le film.

En clair, Miike varie les registres, à l’image de sa filmographie.

 

Un film réellement absurde ?

 

Ce qu’il y’a de très bien dans First Love, c’est que plusieurs éléments du film tombent dans l’absurde un moment ou un autre, sans jamais perdre en cohérence. Comment ce procédé marche-t-il ? Car le film ne franchit pas de limites, il ne cherche pas à choquer. Il se met comme une frontière à ne pas dépasser. Ce qui fait que quand le film tombe dans la comédie pure, il n’annule pas le développement et le reste du film. Puis, le film ne repose pas uniquement là-dedans. Il a autre chose à proposer, l’absurde vient juste appuyer un élément de l’histoire de façon comique. Le résultat est assez drôle.

Le seul réel problème que j’ai avec ce film, c’est la mise en scène de l’action. Le souci est qu’elles deviennent presque illisibles, car la caméra bouge beaucoup trop, elle ne se pose jamais. L’image tremble, en plus d’avoir une chorégraphie riche. Le résultat en devient indigeste. Ce film regorge d’idées de mise en scène, cela reste une de ses autres grandes qualités.

Je vous encourage à voir ce film, il est rare de voir des films de Miike dans nos salles. En plus d’être de bonne facture, ce film reste accessible et vous fera découvrir un nouveau cinéma.

 

Amir Naroun