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Réponse à Pourquoi la lecture ? du journal le Parrhésiaste

En promenant mon doigt à travers le monde des réseaux sociaux je suis tombé malheureusement nez à nez avec un article peignant une piètre image de la lecture. Le comble ne fut pas tant qu’il assassinait mon âme de lecteur en voulant mettre en avant, plutôt en arrière ici, les bienfaits de la lecture ; mais bien plus qu’il critiquait l’absurdité du contenu des réseaux. Pourtant, c’est bien sur Facebook que j’ai trouvé ces âneries. Néanmoins, on ne va pas juste se limiter au ring d’un octogone verbal dans cet article, mais essayer d’aller déconstruire certaines pensées qui caractérisent la lecture comme élitiste, exclusive et sacrée. Et puisque je ne veux pas exclure du raisonnement les puristes impurs que je détraque, je ferai la concession de démonter leurs idées en trois parties.

Round 1, le mythe du dernier lecteur

On l’entend souvent dire et pourtant peu de faits le prouvent, la lecture serait en désuétude dans nos sociétés contemporaines. Plus personne ne lit. Cependant, lorsqu’on se penche sur les chiffres d’un sondage réalisé par IPSOS en 2019, 88% des français âgés de 15 ans et plus se disent lecteurs. Et la moitié des interrogés disent lire quotidiennement. Comme quoi, ces Pokémons ne sont pas si rares en France. En réalité, cette fausse idée intervient dans un discours d’autopromotion de sa personne. C’est dire “moi je lis et toi tu ne lis pas”, cela marquant une différence qui est censée valoriser l’émetteur. Seulement, force est de constater que cela ne tient pas. En effet, l’alphabétisation croissante sur les derniers siècles a propulsé de nombreuses personnes vers la lecture. Ainsi, à quoi bon se pavaner d’une activité somme toute très commune ?

Round 2, déchirer le livre légitime

Hélas, le méchant lecteur arrogant a un autre argument dans son incunable ! Apparemment, il existerait une hiérarchisation des livres en fonction d’une valeur culturelle hypothétique. Lire Kant, c’est compliqué, et donc lire des mangas relèverait d’une valeur moindre. De plus, les auteurs des classiques seraient tous des génies et donc lire leurs livres nous permettraient d’entrer en dialogue avec eux. Ces deux idées qu’on retrouve dans l’article dont je fais la satire sont contestables en plusieurs points. D’abord, il est assez comique de penser qu’on puisse rentrer en dialogue avec des morts simplement en lisant des pages écrites parfois simplement pour se faire du blé. Ensuite, en ce qui concerne le génie, je suis d’accord ! Mais pas dans ce sens. En effet Kant, oui on peut le lire sans aspirine, donne comme caractéristique première au génie son originalité créative. Cela fait de chacun de nous des génies en quelque sorte, du moment qu’on crée quelque chose de nouveau. Ainsi, chaque livre possède sa valeur propre et il serait bien idiot de les hiérarchiser.

Round 3, en bref lire ou ne pas lire telle est la question

Mais dis-moi Jamy, lire des livres ça nous fait quand même apprendre des trucs ?

Ce dernier argument est irréfutable par nature, parce qu’en effet, lire reste une action indissociable à l’apprentissage. Néanmoins il est détestable que la lecture puisse être pensée comme unique levier de la culture. C’est pourtant bien ce que laisse envisager cet article lors de son exhortation à abandonner, je cite « les absurdités de notre époque » et de se confronter avec la lecture « à une autre vision du monde qu’on ne saurait retrouver en sortant au bar. »

Et pourtant, s’il y a bien un endroit où l’on peut se confronter à une autre vision du monde, c’est bien le bar. Pourquoi ? Parce que le monde y réside justement. Ce n’est pas en tournant les pages d’un livre que l’on entretiendra une discussion virulente au sujet de la politique actuelle ou bien d’un classico mal arbitré. Enfin, on peut opposer deux idées au jugement de valeur selon lequel la littérature ou les médias de notre époque ne produiraient que des bêtises. Premièrement c’est considérer ces contemporains comme des abrutis finis, et ça, je pense que ce n’est pas très gentil. Deuxièmement, il serait dommage d’abandonner le contenu littéraire de notre temps, car précisément il nous offre un regard différent sur notre réalité. Sartre l’avait bien métaphorisé d’ailleurs : « Il paraît que les bananes ont meilleur goût quand on vient de les cueillir : les ouvrages de l’esprit, pareillement, doivent se consommer sur place.»

Lisez ou non, Proust ou le bar, je vous laisse juger.

 

Je précise qu’il est possible de critiquer un article qui nous déplait du moment qu’il prend part dans l’espace public. C’est pour ça que je ne me suis pas gêné pour leur lancer la pierre ici, et évidemment, si vous aussi n’êtes pas d’accord avec mon charabia, je vous invite à me la renvoyer plus fort, si vous le souhaitez.

Gabriel Caillat

Article en question : https://www.leparrhesiaste.com/nouvelle-page

 

Musique à écouter pour se mettre dans l’ambiance :