Passer au contenu

Côté Ciné #9 : HOLY MOTORS (2012)

 

Marre des films trop linéaires ? Le modèle de scénario avec un début-milieu-fin bien propre ne vous intéresse plus ? Personne ne se pose ces questions, mais j’ai quand même une réponse : allez voir Holy Motors de Leos Carax. Connu notamment pour avoir réalisé Les amants du Pont-neuf, Leos Carax fait un retour acclamé en 2012, après treize ans sans long-métrageau compteur, avec Holy Motors, son film le plus novateur et grand favori pour la Palme d’or (qu’il ne gagnera finalement pas au grand dam de nombreux.ses critiques). Le mot « novateur » est ici utilisé à bon escient car je peux vous garantir que lorsque le générique de fin défilera, vous pourrez dire de manière confiante que vous n’aurez jamais vu de film-concept pareil.

Côté scénar’ :

Où commencer ? Même le début de ce film pourrait en constituer la fin. Je m’explique. Nous suivons pendant 1h45 un même homme, se nommant sobrement Monsieur Oscar, qui, lors de ses journées, incarne une diversité de personnages n’ayant aucun lien entre eux et aux narratives totalement différentes. Tantôt vieille mendiante boiteuse errant dans les rues de Paris, tantôt mafieux devant régler des comptes, tantôt vadrouilleur mangeur de fleurs et kidnappeur de top model, toutes ces narratives se suivent sans aucun lien entre elles, si ce n’est cette limousine blanche…

C’est en effet à bord d’une limousine blanche réaménagée en dressing-room excentrique que Monsieur Oscar se rend d’un point à l’autre de Paris pour ces « rendez-vous » sans lien apparent entre eux, et profitant de son temps en voiture pour enfiler un nouveau déguisement et devenir un nouveau personnage. Et ainsi le film nous emmène aux quatre coins de la capitale dans des aventures si variées et bizarres qu’on a du mal à croire que l’on suit le même personnage tout du long.

Un film cryptique aux nombreuses interprétations :

C’est une expérience déroutante de regarder un film qui ne semble pas avoir de but, je vous l’accorde. Mais c’est ce qui fait que vous vous en souviendrez. Son but est en fait de vous désorienter, et ce jusqu’à la dernière scène. Ce film, en nous privant de fil rouge pour suivre une histoire dont on ne voit pas la finalité, nous fait en réalité questionner sur nos vies elles-mêmes. Quel est le sens de ce que nous faisons ? A bien y regarder, nous n’avons nous même pas vraiment d’objectif final et nous nous contentons d’incarner des personnages différents et de jouer des rôles durant notre vie, à la façon d’un Monsieur Oscar.

Ce questionnement est posé par la scène finale du film (ce n’est pas un spoiler ne vous inquiétez pas, en même temps que pourrait-on bien spoiler dans un film sans scénario ? Mais vous pouvez tout de même garder la surprise en vous abstenant de lire ces prochaines lignes avant d’avoir vu la scène en question), la limousine blanche finit par se garer dans un immense hangar où des centaines d’autres limousines identiques sont garées, il n’y aurait donc pas qu’un seul Monsieur Oscar mais une multitude, jouant en permanence des rôles. Nous serions ainsi tou.te.s des « Monsieur Oscar », non ?

Côté recommandation :

Dur dur de parler d’un tel film dans un article sans paraître brouillon. Vous serez sûrement, comme moi, confus et confuses à la fin de ce film, et c’est normal, c’est le but.

Ce film semble n’avoir aucun semblant de scénario et les scènes n’ont vraisemblablement aucun lien entre elles. Mais c’est là justement tout le génie du film. En effet : quel est le point commun de 99% des films que vous voyez ? La réponse est qu’ils ont un début, un milieu et un dénouement liés par un scénario. En regardant Holy Motors, vous vous abstiendrez de toutes ces notions et vivrez une aventure que vous n’aurez jamais vécue : un voyage nihiliste sans aucun sens. Ça fait très cliché de dire cela, mais ce film vous fera vous questionner sur la personne que vous êtes réellement et sur les rôles que vous jouez dans votre vie de tous les jours, et ce sont des questions qui méritent d’être posées pour savoir qui l’on est vraiment.

C’est sans nul doute un film dont vous vous rappellerez longtemps tant son concept n’a jamais été vu dans le cinéma d’auteur, et encore moins dans le cinéma d’auteur français. Mais, encore une fois, chacun est libre d’aimer ou de ne pas aimer et d’interpréter ou non un film. Je souhaite cependant bien évidemment que vous l’appréciez autant que moi.

La bise cinéphile.

Rayane Hocini