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L’Arche de Noé, qu’est-ce qu’on en pense ?

Les premières minutes du film sont consacrées à une succession de témoignages glaçants, portés par des voix juvéniles. Ces voix, ce sont celles d’une succession d’adolescents, dont l’appartenance à la communauté LGBTQ+ a semblé être un motif de rejet pour leurs familles. Bryan Marciano propose ici un film sur un sujet dont l’ignorance embarrasse : le recueil par une association, de jeunes jetés dehors car leur homosexualité dérange. Une visée ambitieuse : les réinsérer dans le monde professionnel, mais par-dessus tout, leur redonner une légitimité à ce monde, qu’on leur a injustement arrachée.

Bryan Marciano se plaît à parler d’un drame drôle : une inclination qu’on retrouve dans la cadence du film. On compte un nombre incalculable de scènes d’une brutale et brûlante réalité, achevant le moral du spectateur. Mais le malaise ressenti ne dure jamais bien longtemps, trop vite rattrapé par les vannes et chamailleries des personnages (séchant aussi vite qu’elle n’était apparue, cette larme qu’on sent discrètement naître au coin de notre œil). On pourrait notamment citer cette scène du repas de Noël : l’un des bénéficiaires prend la discriminatoire initiative de cuisiner du porc, car « en France, on mange du cochon ! ». Mais son public ne se laisse pas atteindre et lui acère des insultes, qui bien qu’elles soient moqueuses, ne sont jamais réellement médisantes. En effet, malgré un passé souvent lancinant et amer, qui ne peut s’empêcher de resurgir et de hanter les esprits de leurs propriétaires, rien n’empêche ces jeunes de désirer une vie semblable à laquelle un jeune adulte doit prétendre. 

« Et si y’en a un qui s’en sort, même un sur cent, moi j’ai gagné »

Les personnages, eux aussi, sont emprunts d’un profond réalisme : la compassion à toute épreuve dont fait preuve Alex (Finnegan Oldfield), s’oppose abruptement à Noëlle (Valerie Lemericer) et Elodie (Elsa Guedj), qui elles, trop habituées au métier, en ont accepté la part de fatalité, sans pour autant relâcher leurs efforts. Du côté des plus jeunes, la diversité des profils dont ils sont les auteurs affirme avec brutalité que personne n’échappe à cette obscure réalité : en effet, même un futur juriste peut se retrouver sujet à de telles discriminations.

Enfin, s’il nous fallait résumer ce film,  je pense que cette seule phrase prononcée par Valérie Lemercier en serait capable : « Et si y’en a un qui s’en sort, même un sur cent, moi j’ai gagné ». Il n’est pas ici question de se laisser aller au désespoir, non, bien au contraire : le film s’affirme dans une démarche d’espoir et de sensibilisation, mais laisse néanmoins planer encore certains préjugés. 

 

 

Juliette Gauvin-Pontais