François Hollande était l’invité de la Fondation Jean Jaurès ce mardi 15 octobre 2024 à Sciences Po Lille pour présenter son nouveau livre : Le défi de gouverner, édité chez Perrin et paru le 5 septembre dernier. L’ancien Président a répondu aux questions des étudiants. Il est revenu sur son mandat, son nouveau rôle de député, le Nouveau Front Populaire et les sujets globaux actuels.
Le contexte politique français actuel a suscité des questionnements chez les étudiants qui ont eu l’occasion de les exprimer auprès de François Hollande. Pour lui, nous sommes aujourd’hui témoins d’une crise politique et pas d’une crise de régime. Il a rappelé son attachement aux institutions de la Ve République. La fin d’un clivage clair entre la droite et la gauche est pour lui à l’origine de la complexité de la situation politique exceptionnelle actuelle. Il place la Sociale-Démocratie comme un système viable et fort pour résoudre la crise. C’est là, pour lui, le seul modèle permettant de concilier croissance, lutte contre les discrimination, protection de la planète et adaptation face à un capitalisme en mutation.
L’ancien Président a été interrogé sur sa carrière politique et sa situation actuelle en tant qu’élu depuis juin dernier à l’Assemblée Nationale. Il a répondu à une première question à propos du Conseil Constitutionnel, institution où il a fait le choix de ne pas siéger. Il a partagé aux étudiants son opinion à ce sujet : pour lui la présence des anciens présidents de la République en cette institution peut être la source de conflits d’intérêt. Le prédécesseur d’Emmanuel Macron a été questionné sur son passage à l’Elysée de 2012 à 2017. Il admet avoir des regrets concernant cette période de sa vie : ce dernier évoque le fait de ne pas avoir candidaté pour un second mandat ou le choix de certains ministres, ce qui a amusé l’amphithéâtre Hannah Arendt. Aujourd’hui, François Hollande siège à l’Assemblée Nationale, notamment à la Commission des Affaires Etrangères. Il considère son expérience à la présidence de la République comme bénéfique pour ce poste : un ancien Président est, pour lui, davantage écouté sur la scène internationale dans divers domaines comme la culture, la diplomatie ou encore l’application des droits de l’homme.
Si c’est par la voie du Nouveau Front Populaire (NFP), alliance entre le Parti Socialiste, le Parti Communiste, la France Insoumise et Europe Ecologie les Verts, que François Hollande a remporté les élections législatives anticipées de juin dernier dans la première circonscription de Corrèze. Il explique que, de son point de vue, la culture des coalitions n’est pas ancrée dans la pratique politique française comme elle peut l’être en Allemagne. Il a une vision particulière de la constitution des gauches en France aujourd’hui.
L’invité de la fondation Jean Jaurès a répondu aux questions des étudiants de Sciences Po Lille concernant sa vision de la gauche française aujourd’hui. En effet, dans son livre récemment sorti, il se veut historien et penseur des rapports entre la gauche et le gouvernement au cours du siècle dernier.
Un étudiant demande alors à l’ancien Président si la gauche est toujours destinée à décevoir quand elle est au pouvoir. L’auteur de Le défi de gouverner apporte une réponse structurelle à cette interrogation. Pour lui, la gauche déçoit souvent car elle aurait des ambitions et des promesses qui peuvent la dépasser. À contrario, la droite n’aurait pas d’ambitions sociales particulières et profiterait des contextes de crise pour s’installer au pouvoir. Ce serait donc plus simple d’être déçu par la gauche que par la droite. Un autre questionnement sociétal se porte sur le sujet du vote populaire : comment la gauche peut-elle le récupérer quand l’extrême droite se renforce ? À ce propos, l’ancien président pense qu’il faut remettre en avant le travail comme valeur principale de la gauche : mieux le reconnaître et mieux le rémunérer.
Les questions sur le NFP, 2027 ou encore Jean-Luc Mélenchon n’ont pas manqué dans l’amphithéâtre Hannah Arendt ce mardi 15 novembre. François Hollande a été interrogé sur l’influence du candidat insoumis des élections présidentielles de 2022 sur la constitution du NFP. Pour lui, les 68 députés insoumis et son score en 2022 lui apporte une influence de 5 sur 10. Il souligne cependant que, pour lui, Jean-Luc Mélenchon n’est pas capable de remporter les élections de manière claire. Il ne se présente pas, par ailleurs, comme favorable à une candidature commune de la gauche aux prochaines élections présidentielles. Il a récemment déclaré dans la presse que 2027 serait le moment de “confrontation des deux gauches”. Interrogé sur ce propos, François Hollande fait un rappel historique : sous la cinquième République, la gauche aurait toujours gagné en candidatant séparément. Il souhaite une reconstitution d’une force socialiste forte en vue de ce scrutin. Enfin, une question porte sur le temps que le NFP a pris pour désigner une proposition de potentiel Premier Ministre. L’ancien président s’est alors déclaré comme étant favorable aux noms de Huguette Bello et Laurence Tubiana dès le départ mais que l’enjeu était d’élargir la coalition. Il souligne également qu’il n’y a pas actuellement de déni de démocratie de la part du gouvernement de Michel Barnier puisqu’il n’a pas été censuré et qu’il n’y a pas de majorité à l’Assemblée Nationale.
Enfin, c’était l’occasion pour le nouveau député de Corrèze de manifester son opinion sur une diversité de thèmes nationaux et internationaux, du grand sujet climatique aux enjeux diplomatiques contemporains. Il s’est exprimé quant à l’état des finances publiques en France actuellement. Pour lui, le problème viendrait de la façon dont l’argent est dépensé. Il est favorable à une “utilisation intelligente des ressources” pour réduire le déficit en dépensant de façon réfléchie pour des sujets considérés comme majeurs comme la question climatique. Pour François Hollande, il est nécessaire de sortir de l’idée qui présente la gauche comme la force politique dépensière et la droite comme l’économe. Finalement, il conclut ce sujet en déclarant que la politique économique n’est pas seulement une politique fiscale et budgétaire.
Une étudiante de la filière internationale franco-allemande a interpellé l’ancien président à propos des relations entre la France et l’Allemagne et sur ses travaux avec la chancelière Angela Merkel. François Hollande perçois les relations entre les deux pays comme essentielles pour l’équilibre européen, qui serait, lui aussi, essentiel pour la mise en place de politiques particulières concernant le climat ou encore la crise migratoire. Il décrit les rapports comme qualitatifs et fondés sur le travail et des projets communs. Pour lui, cette relation est d’autant plus importante à l’heure où des gouvernements d’extrême-droite s’installent rapidement en Europe, menaçant l’Union Européenne d’immobilisme. Dans le cadre des questions internationales, l’invité de la fondation Jean Jaurès a été interrogé à propos des Accord de Minsk de 2015, accord où la France et lui-même ont joué un rôle crucial. Ces accords avaient pour objectif la fin des combats entre les forces ukrainiennes et les séparatistes soutenus par la Russie dans la région du Donbass. L’ancien Président ne regrette pas les discussions avec Berlin et Moscou qui ont pu mener à des négociations de cessez-le-feu dans la région. Pour lui, l’actuelle guerre en Ukraine est plutôt due à une croyance russe que les démocratie-libérale ne réagiraient pas à l’invasion.
La discussion s’est close après une heure. François Hollande a quitté l’amphithéâtre Hannah Arendt après avoir déclaré : “je vous donne rendez-vous en 2027”.
Louise Moreau et Kim Le Roy.