Jean Lassalle, ancien candidat à la présidentielle 2017 et député des Pyrénées-Atlantiques, s’est vu refuser l’entrée à Sciences po Lille, la semaine dernière, en raison des différentes accusations de harcèlement sexuel lancées par le #balancetonporc.
L’annonce de sa venue avait suscité chez les étudiants de l’IEP un grand nombre de réactions, qui ont créé une réelle division au sein de l’école. Et c’est finalement, suite à la pétition lancée par l’association Bon Chic Bon Genre, association LGBTQIF, que l’Arène de l’IEP, organisatrice de l’événement, a préféré annuler la conférence, en raison de sécurité. Le débat n’aurait pu « être libre, constructif et ouvert à tous ».
Transformé en polémique, cet épisode s’est diffusé dans les journaux, comme Le Figaro ou Le Monde, mais ces derniers n’ont au final que relaté les faits, expliquant notamment que ce n’était pas la première fois que M. Lassalle se voyait refuser l’entrée, comme à l’Ecole de Management de Grenoble (GEM), le 14 novembre. C’est une vraie réflexion qui se pose alors : cette pétition est-elle dans l’optique d’une lutte contre le harcèlement sexuel, une lutte pour les droits des femmes, ou bien, s’oppose-t-elle à la liberté d’expression, droit universel de notre Constitution française ? C’est autour de ce débat que les paliens lillois se sont déchirés, n’étant parfois peut-être qu’une simple provocation plutôt qu’une véritable discussion.
Lutte contre le harcèlement sexuel ou liberté d’expression ?
Il est très difficile de juger dans un débat pareil, si tant est que les deux partis ont à un moment donné été en tort. Dans une moindre mesure, Jean Lassalle n’a reçu aucune plainte contre lui, il est donc présumé innocent, ce que BCBG assume clairement comme n’avoir jamais remis en cause. Mais, il reste néanmoins tout un tas d’accusations à son encontre qui pose un réel problème à la lutte prônée par l’association BCBG. En revanche, les commentaires portés sous les publications Facebook des deux partis, n’ont pas toujours été d’un civisme modéré, allant parfois jusqu’aux provocations voire à l’insulte. Il n’est plus question d’accusations ou de censure, mais surtout d’un point de non-retour que la polémique a atteint. Peut-être que l’Arène de l’IEP a raté son coup de com’ en proposant un tel événement pour « montrer aux étudiant-e-s le travail d’un député issu de la ruralité », mais il n’était pas nécessaire, sans doute d’atteindre une telle controverse. Certes, l’association parlementaire est revenue, à la suite du communiqué de BCBG sur son objectif, mais ce n’était pas suffisant. Aurait-il fallu laisser une chance d’ouvrir un débat directement avec le concerné ? Etant donné l’ampleur du désaccord et des réactions étudiantes, il aurait sans doute été difficile d’ouvrir la discussion, dans les deux parties.
C’est aussi, ici le problème qui se pose. Si les deux opposants, et particulièrement au niveau des étudiants, n’avaient pas fait monter la tension à un tel niveau, la venue de Jean Lassalle aurait pu être acceptée, et il aurait été possible d’ouvrir un débat direct avec l’homme politique. Sciences po est une école où les conférences sont nombreuses et où l’on ouvre les étudiants à une réflexion personnelle, du moins sur le papier. Un tel débat aurait pu en être l’occasion, même s’il est difficile d’imaginer la réaction de M. Lassalle face à une déferlante de questions accusatrices. BCBG, dans un second communiqué s’est excusé que la décision « ait dû être prise dans de telles conditions », mais l’association reproche à l’administration, aux étudiants opposants et aux journalistes d’avoir minimisé la question du harcèlement sexuel, en mettant en avant la présomption d’innocence, sachant la gravité des accusations. Il est évident qu’aucune des deux associations n’a voulu se positionner en tant que juge, mais c’est l’incompréhension des revendications portées qui a mis à mal Sciences po et ses étudiants.
Coline Fournier