Troisième et dernier volet de notre série d’interview des listes candidates aux élections étudiantes du Conseil d’Administration de Sciences Po Lille. C’est aujourd’hui au tour de la nouvelle liste Alter’Éco de répondre aux questions de La Manufacture. Et ce sont Gabriel Bluet (tête de liste), Hugo Nechelis (3e), et Nirina Malard (4e) qui s’en sont chargé.e.s mercredi à la sortie d’une “consultation participative”.
La (re)naissance d’une liste?
Alter’Eco est la nouvelle liste de cette élection pour le CA. “On ne voulait pas de ce choix binaire et limité, à savoir entre Avenir et SUD pour les élections de l’école” expliquent Hugo et Gabriel qui en sont à l’origine. L’initiative a débuté par une démarche participative : “les étudiants et étudiantes avaient besoin d’avoir une liste à l’écoute de leurs attentes” affirme Gabriel. Des réunions ouvertes à tous.tes ont été organisées dans l’objectif de “représenter toutes les opinions” ; iels rapportent fièrement que même des étudiant.e.s de SUD auraient participé à ces consultations. L’écologie est vite apparue comme le centre des revendications étudiantes, la liste en a donc fait sa priorité. Le deuxième axe de la liste consiste à proposer un programme “100% applicable” car pour eux “Généralement, les 9 dixièmes des propositions étudiantes ne sont pas appliquées“. Pour cela, les représentant.e.s mettent en avant la consultation de l’administration afin de tester et de négocier la teneur effective de leur programme. Si les candidat.e.s reconnaissent l’atout de l’expérience des autres listes, iels mettent en avant la richesse des enseignements acquis lors de leurs rencontres avec l’administration. Pour appuyer le sérieux de leur démarche, Gabriel ajoute “On a également organisé une expertise technique venant de l’école d’agronomie de Lille”.
Selon Hugo et Gabriel, les membres de la liste d’Alter’Eco se connaissaient très peu “avant”, et toutes les opinions politiques sont représentées. La Manufacture a toutefois noté qu’Hugo Nechelis faisait partie de Nous, liste se revendiquant comme “sociale” et élue au CA l’année dernière. Mais il affirme qu’il n’a plus aucun lien avec celle-ci désormais: “Je n’avais plus spécialement envie de revenir au conseil d’administration, jusqu’à ce que je découvre Alter’Eco”. “Aucun lien avec Nous” tente alors de rassurer Gabriel, qui déclare même qu’il a appris l’ancienne activité d’Hugo qu’au moment où des critiques ont été lancées à ce sujet. Si des similitudes existent dans le processus d’élaboration du programme ou certaines propositions, Alter’Eco n’est donc pas une réincarnation de la liste Nous.
“On ne voulait pas d’un choix binaire et limité au CA”
Un nom de liste familier…
Il est venu le temps de poser la vraie question de cette campagne : est-ce que le nom Alter’Eco vient du magazine Alternatives économiques? “Pas du tout” affirment-ils, en rigolant. “En fait, on voulait inclure la notion “d’alternative” dans notre nom, tout en utilisant l’adjectif “éco” comme écologique”, “ou école” explique en souriant Gabriel.
L’écologie avant tout !
En partant du constat d’une préoccupation forte pour l’écologie chez les étudiant.e.s, la liste en a fait sa priorité. «C’est un peu la marche de l’histoire » sourit Hugo pour qui l’ « écologie à vocation à appartenir à tout le monde ». La liste prévoit donc des mesures très concrètes comme la mise en place d’un tri sélectif efficace, déjà annoncé par Nous l’année dernière mais non mis en œuvre faute de poids suffisant au CA, selon les candidat.e.s. Iels proposent également de réaliser un bilan carbone de l’école, car « avant de faire un régime il faut pouvoir se peser », ou encore de favoriser les déplacements à vélo et valoriser les 3A éco-responsables. Pour réaliser ces objectifs, les représentant.e.s de la liste mettent en avant le sérieux de leur démarche. En effet, s’ils avouent avoir un programme plus court que leurs concurrent.e.s, iels font le « pari » de le réaliser entièrement. Pas de déclarations de bonnes intentions ou de promesses en l’air, donc, pour Alter’Eco qui revendique un véritable travail de fond. En constatant que très peu de mesures mises en avant par le Comité de Mobilisation pour le climat ont été suivis d’effets, iels revendiquent, quant à eux, un processus de négociation préalable avec l’administration afin de garantir la faisabilité de leurs propositions. Ce collectif, créé lors de la grève du 15 mars dernier, serait alors trop “réduit“, pour la liste qui souhaite élargir et rendre effective l’écologisation de l’IEP. Ses représentant.e.s tentent tout de même de rassurer en affirmant qu’il n’y a aucune volonté de se substituer aux associations ou collectifs existants. Iels en veulent pour preuve la présence dans leur liste d’une membre de La Ruche, Léa Schewe. Les représentants d’Alter’Eco se félicitent même d’avoir mis à l’agenda la question écologique pour les élections au CA , en faisant remarquer qu’elle était peu présente lors des échéances de l’année dernière. Iels accueillent donc avec bienveillance le positionnement des autres listes sur cet enjeu, se déclarant même “ravis de constater des similitudes“. Pourtant, reprendre l’ensemble des mesures proposées lors de la pétition de l’année dernière (voir notre article à ce propos: http://manufacture.paliens.org/2019/05/01/revendications-des-etudiant·e·s-pour-lecologie-a-sciences-po-lille/), comme le propose SUD est “trop facile” selon les représentant.e.s d’Aler’Eco, qui pointent la non faisabilité d’une telle annonce.
“L’écologie a vocation à appartenir à tout le monde, c’est un peu la marche de l’histoire”
La méthode participative invoquée
La méthode participative, les réunions en assemblées générales ouvertes à tous.tes, sont mises en avant par Alter’Eco comme leur “matière première”. L’expression “c’est venu des étudiants et des étudiantes” pour expliquer la mise en place de chaque proposition est ainsi ressortie régulièrement au cours de l’interview. Iels en revendiquent la priorité en insistant sur le fait que ces consultations ont commencé il y a un mois, contrairement à Avenir qui aurait commencé cette méthode il y a une semaine seulement. Et iels veulent par ailleurs continuer à mener ces réflexions participatives tout au long de l’année. Concrètement, des petits groupes sont formés selon une thématique choisie par les étudiant.e.s présent.e.s. Les discussions permettent de définir des propositions, incorporées dans le programme une fois qu’elles ont remporté l’adhésion de la majorité. Les interviewé.e.s présentent également la méthode participative comme une “superbe démarche pour intéresser les étudiants et les étudiantes aux élections“, en soulignant l’importante méconnaissance des enjeux de cette élection chez les étudiant.e.s.
“Les élections nous montrerons ou pas si les opinions des étudiants présents lors des consultations sont représentatives de celles de la plupart des étudiants”
Toutefois, il faut rappeler que selon Nirina, environ une cinquantaine de personnes ont participé à ces consultations sur les 1950 étudiant.e.s dans l’IEP. Ces cinquante personnes sont-elles vraiment représentatives des “étudiants et étudiantes” dont parlent les candidat.e.s? S’ils reconnaissent une limite certaine à cette méthode, iels comptent sur les élections pour garantir une légitimité. “Les élections nous montrerons ou pas si les opinions des étudiants présents lors des consultations sont représentatives de celles de la plupart des étudiants” indique Gabriel, en ajoutant que “50 étudiants et étudiantes, qui donnent plusieurs heures de leur temps pour réfléchir au futur de leur école, c’est déjà pas mal ! “. A suivre donc pour savoir si le pari sera gagné au lendemain des élections.
Le consensus contre la politisation à outrance
Pratique rare, au cours de notre interview, les représentant.e.s d’Alter’Eco citent volontiers leurs concurrents pour également vanter leurs propositions. En effet, pour eux, la recherche de l’intérêt général nécessite le fait de ne pas tout jeter chez les autres. « Quoi qu’il en soit, nous serons amenés à travailler avec les autres listes, car ce sont nous les étudiants et étudiantes qui seront minoritaires au CA » développe Gabriel. Pour Alter’Eco, donc, la plupart des enjeux internes à l’école sont consensuels entre les étudiant.e.s. « Il faut arrêter de surpolitiser sans cesse les évènements » suggère le représentant pour qui les programmes pour le CA ne doivent pas avoir de « teneurs idéologiques ». De fait, pas de positionnement politique pour cette liste qui se veut avant tout la représentante de l’intérêt général en recherchant le compromis.
« Il faut arrêter de surpolitiser sans cesse les élections pour le CA »
En effet, à la suite des consultations, les représentant.e.s annoncent avoir trouvé des propositions consensuelles qui iraient dans l’intérêt de la volonté générale. Comment savoir, alors, ce que ces élu.e.s voteront sur les sujets non prévus dans le programme, s’il n’y a pas d’idéologie sous-jacente ? «Nous jugerons en fonction de ce que pensent les étudiants et étudiantes en général» nous assure Hugo, « par les discussions, consultations, pétitions…Il y a de nombreux moyens d’avoir un aperçu des tendances » ajoute Gabriel qui avoue être volontairement imprécis dans les propositions du programme afin de ne pas engendrer des frustrations et de pouvoir évoluer en fonction de la conjoncture. Ainsi sur le “débat passionné” du lien avec l’université, les membres de la liste s’interrogent sur le terme mis en avant. “Collaboration” ou ‘rapprochement“, ils veulent quoi qu’il en soit continuer et approfondir les liens avec l’université pour mutualiser les ressources (labos, ressources documentaires…) ainsi que pour mieux accompagner les étudiant.e.s qui passent de l’université à l’IEP. Iels indiquent qu’une réflexion sera menée sur le sujet au cours de l’année prochaine, mais souhaitent également élargir la vision de cette thématique aux relations entre Sciences Po et l’éco-système lillois.
“Les attaques font partie de la campagne”
Enfin, la campagne pour le CA a comme chaque année son lot de tensions, d’attaques, de blagues ou polémiques. « Cette année on a concentré les attaques » déclarent les étudiant.e.s qui tentent de positiver en l’expliquant par le fait qu’Alter’Eco a « bousculé les lignes ». Pour cette liste, les attaques font partie de la campagne et avouent même qu’iels auraient pu les formuler s’iels étaient des opposant.e.s d’Alter’Eco. Iels déclarent néanmoins ne pas vouloir tomber dans les oppositions stériles, en se gardant de toute critique frontale des deux autres listes. Gabriel, mentionné sur un post Facebook, regrette cependant la méthode de certain.e.s. Pour lui, « Les attaques personnelles, c’est un cap important qui a été franchi ». Le fait que ces attaques aient visé Avenir et Alter’Eco s’inscrit dans une logique de “décrédibilisation“, selon les candidat.e.s. Néanmoins, iels exposent leur motivation pour bien montrer que ces attaques ne les arrêteront pas : “on est prêt à mener la bataille jusqu’au bout !”. Le ton est donné pour le débat interliste qui aura lieu ce jeudi soir et pour lequel les candidat.e.s se préparent.
Alban Leduc et Marion Galard