Alors que les yeux de nombreux supporters sont rivés sur le report des Jeux Olympiques de Tokyo en 2021, peu semblent se préoccuper de ce qu’il va advenir des Jeux Paralympiques de Tokyo. En plus de cumuler le report, que devient ce symbole de l’intégration par le sport, mis à mal par cette pandémie de Coronavirus ? Bref, il est temps de parler de ce report largement passé sous silence.
XVIème Jeux Paralympiques, officiellement prévus cet été du 25 août au 6 septembre, les Jeux paralympiques de Tokyo 2020 auront aussi été victimes du Coronavirus. Ces Jeux qui devaient voir entrer au programme olympique le para-badminton et le para-Taekwondo auront finalement lieu du 24 août au 5 septembre 2021. Organisés tous les quatre ans, ces Jeux réservés aux personnes en situation de handicap sont l’occasion de voir s’affronter des sportifs autour de 22 disciplines.
Ces Jeux, organisés pour la première fois en 1960, à Rome, rassemblent des athlètes handicapés physiquement et mentalement, dans le but de réaliser des performances aussi impressionnantes que celles des athlètes valides. Classés en différentes catégories en fonction de leur handicap et du degré d’importance de celui-ci, les athlètes s’affrontent pour la plupart sur les mêmes sites olympiques que les valides.
Confinement, entraînement et incertitudes
Comme les athlètes valides, les réalités du confinement s’imposent aussi aux athlètes paralympiques. Préparation olympique rallongée, certes, mais préparation olympique confinée. Et coup au moral assuré. Bien sûr, un report des Jeux offre une plus grande période de préparation, mais c’est aussi un moment de stress pour ces athlètes, qui sont soumis aux aléas des entraînements en temps de confinement. Malgré tout, certains arrivent à garder le sourire et le moral, comme la nageuse Claire Supiot, atteinte d’une maladie dégénérative et qui expliquait que le report « était prévisible et c’est une bonne nouvelle parce que les Jeux sont reportés et non pas annulés ».
Pour certains jeunes athlètes, le report des Jeux Paralympiques laisse la place à d’autres interrogations. Certains avaient notamment aménagé leur temps d’études en vue des Jeux, d’autres pris une année sabbatique… Difficile de cumuler Jeux et cours, ce qui conduit beaucoup d’athlètes à aménager leur temps d’étude lors d’une année olympique, pour réaliser leur préparation dans les meilleures conditions qu’il soit. Ainsi, cela risque non seulement de conduire à des inégalités au sein de la communauté sportive, entre les athlètes dont les études pourront être modulées pour accomplir leur rêve olympique et ceux qui ne pourront malheureusement pas y parvenir. Moment difficile en perspective pour des athlètes qui se sont battus comme les autres pour avoir la chance de venir à Tokyo.
De même, les effets du confinement, du report, des imprévus, sont des facteurs à prendre en compte, auquel on peut ajouter la question de la progression de la maladie pour certains sportifs, atteints de maladies dégénératives. Certains vont peut-être se rendre en moins bonne forme à Tokyo, peut-être même que certains résultats seront moins qu’espérés. Comment faire de la natation dans son jardin ? Du tennis-fauteuil dans son salon ? Ces difficultés du quotidien, que nous n’envisageons pas forcément à notre échelle sont pourtant le lot des sportifs confinés, dans l’attente de l’avion qui les emmènera vers Tokyo.
Les effets du report sur les carrières sportives des athlètes
Ce report reste un coup dur pour les athlètes paralympiques. Tout d’abord, pour des raisons médiatiques. Ces épreuves, même si elles attirent un public moins large que celles de leurs homologues valides, sont une source de visibilité importante pour les athlètes qui y participent. Un moyen de briller et de montrer que les valeurs du sport transcendent les capacités physiques et mentales, pour réunir tout le monde. C’est ce que pointait du doigt la sportive canadienne Aurélie Rivard, qui soulignait qu’une annulation des Jeux Paralympiques aurait été une catastrophe pour les athlètes qui y concourent.
Ce report est aussi, pour certains, un coup dur économique. Certains sportifs précaires bénéficient lors des Jeux de primes en cas de médailles (qui sont en France, égales que le médaillé le soit aux Jeux olympiques ou paralympiques), qui peuvent aider, notamment dans les sports peu reconnus en France. De même, autre source de revenus, celle des sponsors. Or, le report des Jeux peut soudainement être un problème vis-à-vis de ces derniers. Ainsi, certains sportifs ne s’engagent parfois que pour une durée déterminée avec leurs sponsors, parfois uniquement le temps d’une olympiade. Les contrats sponsors vont-ils être rallongés ? C’est ce qu’espère nombre de sportifs dont les contrats arrivaient à terme, car certains permettent aux sportifs d’acheter du matériel, essentiel dans la quête d’un titre ou d’un résultat olympique.
Le silence est (médaillé) d’or…
Le report des Jeux Paralympiques a cependant été très peu médiatisé, à l’image du handisport en général. Si les Jeux sont un moment de visibilité pour nombre de ses sportifs, c’est aussi parce que les autres compétitions ne sont pas (ou très peu) retransmises à la télévision, peu médiatisées. Il est rare d’entendre ou de lire un compte-rendu d’épreuves handisports. Pourtant, il y aurait nombre de belles histoires à raconter. Ce manque de communication, surtout autour du report des Jeux, a été souligné par Théo Curin, jeune nageur de 19 ans, qui soulignait (à juste titre !) que les sportifs paralympiques accomplissaient les mêmes sacrifices que les autres au quotidien et que ce report les impactait donc tout autant…
Ce silence laisse aussi de côté les familles des athlètes, engagées dans le processus de préparation aux Jeux, tout comme les sportifs. Les Jeux ne sont jamais vécus individuellement. Il est bien dommage d’oublier que les athlètes paralympiques font aussi briller la France à leur manière, comme le montre l’excellent bilan des Jeux de Pyeongchang en 2018, avec un total de 20 médailles (dont 7 en or). Ainsi, il est possible d’espérer que ce décalage des Jeux à 2021 va permettre de mettre en place une meilleure stratégie de rediffusion des épreuves paralympiques, pour permettre à ces sportifs de s’illustrer devant nos télévisions.
Aurore GANDER