Si vous avez un jour fredonné sur « Come and get your love », vous avez forcément entendu parler de Redbone, mythique groupe de rock qui connaît un succès mondial dans les années 70. Mais connaissez-vous vraiment Redbone ? En 2019, Christian Staebler, fin connaisseur du groupe, et Sonia Paoloni dévoilent une biographie inédite des musiciens dans une BD intitulée « Redbone : L’histoire vraie d’un groupe de rock indien ». Accompagné des dessins de Thibault Balahy, ils font le récit original d’un groupe de rock pas comme les autres : un groupe de rock indien. Retour sur un parcours touchant.
Une histoire de famille et de racines
La bande dessinée nous ramène à la fondation de Redbone. Depuis petit, Pat et Lolly Vasquez rêvent de vivre de leur musique. En 1968, avec du travail et de la chance, ils signent avec un producteur de Los Angeles qui fait de leur rêve une réalité. Accompagnés d’abord de Pete De Poe et Tony Bellamy (viendront plus tard Arturo Perez ou Butch Rillera), ils signent leur premier album, encouragés par des stars montantes de l’époque comme Jimmy Hendrix ou Jim Morrison. Très vite, ils constatent qu’ils sont tous « natives », et malgré les incertitudes liées au racisme et le scepticisme du monde musical, le quatuor décide de se lancer en tant que premier groupe de rock indien.
Un succès fulgurant
Un peu plus tôt, Hendrix leur avait suggéré de s’appeler Redbone(« terme de l‘argo pour désigner un sang-mêlé, quelqu’un qui a du sang indien »), c’est Redbone qui sera choisi. Cette biographie dessinée retrace le succès du groupe, les premières émissions à la télévision,… Leur premier album, enregistré en quelques semaines, est une vraie réussite. Redbone en enregistrera un deuxième la même année. Les tournées s’enchaînent, d’abord aux États-Unis puis en Europe, le pari est gagné pour le groupe. Partout on danse sur « Crazy Cajun Cakewalk Band » (leur morceau fétiche) ou encore « Niki Honey ». Mais c’est « Come and get your love » qui fait de Redbone un groupe au succès international.
Un engagement évident
En parallèle du triomphe du groupe, l’éveil d’une conscience politique se fait au tournant des années 70. Les premières luttes pour les droits des indigènes ont débuté en même temps que naissait Redbone. A cette époque est créé l’AIM, l’American Indian Movement, un véritable moment de fédération et de prise de conscience pour les droits des amérindiens. Redbone a tout de suite soutenu le mouvement, alors que les violences policières envers les Natives est accrue dans certains états. En 1973, le groupe soutient notamment l’occupation du village de Wounded Knee (Dakota du Sud), dernier village martyre des guerres indiennes du XIXème siècle. L’AIM s’y mobilise pour protester contre la corruption dans les réserves et les violences contre les indigènes, soutenus par des personnalités majeures l’époque comme Marlon Brando, Jane Fonda, Angela Davis ou encore Johnny Cash.
Un combat qui dérange
Après 71 jours de siège, un accord est trouvé entre les manifestants et les agents fédéraux, mais rien n’est réglé. Le racisme et la corruption persistent, mais c’est un autre combat qui est gagné : celui de l’éveil des consciences. La lutte a attiré la presse, et a fait parler d’elle dans toute l’Amérique et au-delà. C’est un premier pas pour la reconnaissance du peuple amérindien. Redbone continue de chanter ses racines dans ses albums suivants, avec des chansons aux textes forts comme « We were all wounded at Wounded Knee » et « Wovoka ». Encouragé sur la scène internationale, les membres de groupe ne sont pourtant pas soutenu dans leur combat par les managers américains, qui refusent qu’ils jouent les morceaux revendicatifs…ce qu’il feront quand même ! L’engagement de Redbone et les quelques tensions internes finiront par leur coûter leur carrière, et le groupe se sépare en 1976. Les frères Vasquez restent soudés en musique, et sortiront un album live en 1994. Redbone laisse derrière lui un héritage fort, celui d’un engagement politique et musical au nom de la justice et de la reconnaissance des peuples natifs d’Amérique.
Cette bande dessinée biographique est un hommage à ce combat, qui continue encore aujourd’hui. La passion de la musique et le pilier formé par les frères Vasquez sert de fil rouge au récit, mais la condition des natives et le rapport des musiciens avec l’AIM en est la toile de fond. Les auteurs ont su trouvé un équilibre entre anecdotes pétillantes, faits marquants et rappels historiques, qui donnent à l’histoire de Redbone une force hors du commun. Un récit a lire à tout prix.
Enora Paniez