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L’OTAN s’entraîne et muscle sa capacité de défense et de dissuasion

Le 24 janvier 2024 a marqué le début des plus grandes manœuvres de l’OTAN depuis des décennies. Cela s’inscrit dans le contexte plus global du renouveau de l’Alliance après l’agression russe de l’Ukraine. Qu’est-ce que signifie cet exercice militaire et pourquoi l’OTAN prend de telles mesures? 

 

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est une alliance politico-militaire fondée en 1949 pour assurer la sécurité de la communauté euro atlantique. Pendant la guerre froide l’OTAN a veillé sur la protection de l’Europe contre la menace soviétique et une attaque de la part du Pacte de Varsovie en renforçant simultanément les liens transatlantiques. Pourtant, la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement de l’URSS en 1991 ont occasionné l’émergence d’une nouvelle réalité géopolitique et du monde unipolaire dirigé par les Etats-Unis.

 

Avec la fin de la menace soviétique, l’alliance se retrouve sans objectif clair, ce qui l’a amener à se focaliser sur d’autres objectifs. L’Alliance a pivoté, en conséquence, vers la sauvegarde de la stabilité régionale en Europe et au-delà, la promotion des valeurs démocratiques et la lutte contre le terrorisme. Néanmoins, il semble que les dirigeants des états de la communauté euro atlantique, engagés dans la réalisation d’autres objectifs, aient négligé le fondement de la sécurité: la dissuasion, la défense, qui aux côtés de la prévention, de la gestion des crises et de la sécurité coopérative demeurent les tâches cardinales de l’OTAN.

 

Mais les évènements récents en Ukraine, d’abord en 2014 lors de l’annexion de la Crimée, puis en 2022 lors du déclenchement de “l’Opération Militaire Spéciale” par Vladimir Poutine, ont changé la donne. Cet acte violent et illégal de Moscou a sensibilisé l’Occident sur le besoin de repenser le rôle de l’OTAN et de se concentrer réellement sur sa capacité de dissuasion. Par conséquent l’OTAN, ainsi que les pays membres eux-mêmes, ont conçu des changements dans leurs approches stratégiques et se sont efforcés d’augmenter leurs potentiels militaires. La Pologne s’est tout particulièrement démarqués dans cet démarche de réarmement.

 

Les états membres de l’OTAN ont renforcé la présence permanente des troupes sur le flanc Est avec la contribution importante des Etats-Unis, disposant actuellement des 100 000 soldats en Europe. De plus, l’Alliance a envisagé de transformer sa Force de réaction rapide qui serait déployée vite après une attaque sur le territoire couvert par l’organisation, notamment de porter ses effectifs de 40 000 à 300 000 hommes et d’augmenter son équipement. Les Alliés se sont également accordés à consacrer au moins 2% du PIB (produit intérieur brut) à la défense. En effet, le développement des forces armées puissantes nécessite l’augmentation de la production industrielle et donc effectivement l’investissement financier dans le secteur de défense. Toutes ces améliorations visent à protéger la communauté euro atlantique de la menace russe. Par ailleurs, le plus récent concept stratégique de l’OTAN datant de 2022 définit la Russie comme le danger le plus important et le plus direct pour la sécurité, la paix et la stabilité de la région. 

 

Certes, ces modifications devraient servir leur but, mais la dissuasion effective repose aussi sur la capacité de montrer sa force à ses adversaires et les décourager d’agir contre soi en influençant leurs calculs politiques et stratégiques. En parallèle, les forces armées doivent toujours rester en pleine forme physique et maintenir la préparation opérationnelle. A cet égard, il est important de se pencher sur le sujet de l’exercice Steadfast Defender (“Défenseur inébranlable”) lancé par l’OTAN le 24 janvier 2024, le premier mouvement tactique étant le départ du bâtiment américain USS Gunston Hall de Virginia qui suite à une série de manœuvres se dirigera vers l’Europe.  

 

Steadfast Defender se manifeste comme la plus grande manœuvre que l’Alliance ait organisée depuis 1988 (en 1988 se sont tenues les manœuvres Reforger rassemblant 125 000 troupes). Elles impliqueront 90 000 troupes de tous les 31 états membres et de la Suède (se trouvant proche de l’adhésion à l’OTAN), au minimum 1100 véhicules de combat (y compris 133 chars et 533 véhicules de combat d’infanterie), plus de 80 avions, drones et hélicoptères, et 50 navires – des porte-avions aux destroyers. Les exercices se dérouleront de fin janvier jusqu’au 31 mai dans plusieurs pays européens et dans différentes conditions climatiques, chacun divisés en deux phases. Lors de la première étape durant à mi-mars les opérations se concentreront sur l’accroissement des capacités dans les zones maritimes à travers l’Atlantique et dans l’Arctique, alors que la deuxième phase (de mi-février à fin mai) mettra l’accent sur les renforts déployés dans tous les domaines, de l’Arctique au flanc Est. Une partie de ces missions sera dédiée au déploiement de la Force de réaction rapide en Pologne. 

Steadfast Defender a pour but de mettre en application les plans de défense régionaux que l’OTAN a dressés pour savoir comment répondre à une attaque russe. Au sommet de Vilnius 2023 les dirigeants des états membres ont convenu des premiers scénarios de défense depuis la guerre froide, indiquant ainsi l’évolution dans la pensée stratégique de l’OTAN provoquée par la menace russe. L’Alliance doit activement se préparer à chaque éventualité non seulement en théorie mais aussi en pratique. De ce fait, les Alliés et la Suède exécutent les plans de défense en s’exerçant aussi bien dans les pays baltes – les plus susceptibles d’être envahis après l’Ukraine, aux marges de l’OTAN, notamment avec Finlande et la Roumanie – qu’en Pologne, occupant la position stratégique sur le flanc Est. L’exercice Steadfast Defender sera complémenté par et coordonné avec les manœuvres nationales dans les différents pays de l’OTAN.

 

Comme le commandant suprême des forces alliées en Europe Christopher G. Cavoli a désigné Steadfast Defender, cet exercice constitue une démonstration claire de l’unité, de la force et de la détermination de l’OTAN à protéger ses membres. Ces manœuvres, d’une ampleur inconnue depuis 1988, soulignent nettement un tournant dans la planification stratégique de l’Alliance, qui se produit face à la menace russe accrue. L’exercice cherche à tester les plans de défense de l’OTAN en situation réelle et d’entraîner les troupes alliées en augmentant leurs capacités opérationnelles. Cependant, ce qui est le plus essentiel, l’Alliance signale à Moscou sa mobilisation pour protéger et défendre la sécurité et la paix de la communauté euro atlantique. Après tout, il vaut mieux dissuader et empêcher une attaque ennemi que de devoir réellement mener une guerre.     

 

Jakub Witczak

Crédit photo : site de l’OTAN https://www.nato.int/cps/en/natohq/photos_212467.htm

Sources: 

 

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