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Rupture Russie / Royaume-Uni : entre tensions et vérités cachées

Le 4 mars 2018 à Salisbury dans le sud de l’Angleterre, Sergueï Skripal et sa fille Loulia sont retrouvés inconscients sur un banc et sont hospitalisés dans un état critique. Après une semaine d’enquête, la police britannique affirme que la cause de leur empoisonnement est un agent neurotoxique du doux nom de Novitchok… Petit point sur les faits et leurs conséquences politiques. Ou comment une tentative d’assassinat brise les liens diplomatiques de 2 pays.

Qui est Sergueï Skripal ?

C’est un russe de 66 ans, ancien colonel du service de renseignement russe, réfugié au Royaume-Uni. On est donc face à un espion russe devenu agent double pour les services de renseignements britanniques durant les années 90. Il a ainsi livré au Royaume-Uni l’identité de nombreux agents secrets russes exerçant en Europe (pour la modique somme de 100 000 dollars). Finalement repéré par les russes, il est arrêté en décembre 2004 par le Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB) et est reconnu coupable de haute trahison en 2006 puis emprisonné dans un camp en Mordovie.

En 2010, après un échange de prisonniers dans le cadre du « Programme des illégaux », il est libéré et se réfugie au Royaume-Uni. Monsieur Skripal, personnage sulfureux, se révèle donc être potentiellement un homme avec de nombreux ennemis…

Le Novitchok : les dessous d’un poison redoutable.

Novitchok désigne non pas un poison spécifique mais une série de gaz neurotoxiques innervants développés par l’Union soviétique en pleine guerre froide dans les années 70-80. Ce poison appartient à la 4ème génération d’armes chimiques mises au point lors du programme « Foliant ». Il agit sur une enzyme permettant la relaxation musculaire, et la victime, peu à peu incapable de respirer normalement, meurt par étouffement.

C’est un des plus puissants poisons jamais fabriqués. Les gaz Novitchok n’ont cependant jamais été employés sur un champ de bataille.

Bras de fer diplomatique entre la Russie et la Grande Bretagne.

La Russie s’est vue d’emblée désignée comme coupable idéal : le poison, d’origine russe, a poussé la première ministre Theresa May à demander des explications. Elle a en effet lancé un ultimatum le 14 mars dénonçant une « tentative d’assassinat » et « un affront à l’interdiction de l’usage des armes chimiques ». Même si Londres assure que le dialogue ne sera pas rompu, on peut réellement parler d’un bras de fer diplomatique entre les deux pays. Le Royaume-Uni a, en effet, suspendu les contacts bilatéraux avec Moscou, expulsé 23 diplomates russes (sur les 59 présents au Royaume-Uni), annulé l’invitation adressée au chef de la diplomatie Sergueï Lavrov et également annoncé que la famille royale britannique ne se rendrait pas à la Coupe du monde de football en Russie (qui a lieu du 14 juin au 15 juillet 2018).

En réaction à cette hostilité, la Russie clame son innocence. Ce qui ne l’empêche pas de contre-attaquer. Le ministère russe des Affaires étrangères a ainsi déclaré «  Si l’on fantasme, on peut s’imaginer que tout cela a pu être mis en scène outre-Atlantique ». Vladimir Poutine, après sa réélection, en profite pour remettre une couche, désignant les accusations de Theresa May de « grand n’importe quoi ». Il souligne que la Russie a « détruit toutes ses armes chimiques » et rajoute « La première chose qui me vient à l’esprit, c’est que si un gaz chimique militaire existait, les gens seraient morts sur le coup. C’est évident. (…) La deuxième chose, c’est que la Russie ne dispose pas de ce type de moyens. Nous avons détruit toutes nos armes chimiques sous la supervision d’observateurs internationaux. »

La Russie a donc expulsé à son tour 23 diplomates britanniques et a stoppé les activités du British Council dans le pays.

Une part d’ombre demeure…

Cette affaire laisse cependant en suspens quelques éléments. On peut se demander quel est le réel problème de cette situation : la tentative d’assassinat en elle même ou la réapparition d’une arme chimique ? Car l’élimination d’espions n’est pas une pratique qui vient soudainement d’apparaître en 2018. Par exemple, en 2006, Alexandre Litvinenko, un opposant russe et ex-agent du KGB puis du FSB est empoisonné à Londres au polonium 210, une substance radioactive extrêmement toxique produite en Russie. Un air de « déjà-vu » donc… Pourquoi des réactions aussi vives alors qu’il n’y avait eu aucune répercussion politique en 2006, peut-on se demander ?

La relation passe véritablement de froide à glaciale cette année, mais pourquoi ? Le ton est plus dur concernant l’affaire Skripal car le Royaume-Uni a déjà nombre reproches envers la Russie comme par exemple des approches d’avions ou navires russes dans les eaux territoriales britanniques ou encore l’accusation de la responsabilité de la cyber attaque mondiale de juin 2017 avec le virus NotPetya. Et la liste est bien longue…

Est-ce une paranoïa du Royaume-Uni envers la Russie ? Ou bien la Russie est-elle réellement coupable ? Dans ce cas là, pourquoi faire assassiner cet homme maintenant et qui en a donné l’ordre ? De nombreux points sont encore à éclaircir sur ce qui promet d’être une crise diplomatique non négligeable…

Chloé Volle