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Le Festival international du court métrage de Lille : ça vaut vraiment le détour

La Manufacture suit cette semaine pour vous la 19ème édition du festival international du Court Métrage. Regards croisés, critiques et palmarès de cet évènement important du paysage culturel lillois. Premier opus et première info importante, d’après notre envoyé spécial Matthieu Slisse : ça vaut -vraiment- le détour ! Poussez avec lui les portes du théâtre de L’Hybride, une ambiance à découvrir…

Un format atypique

Parmi les neuf cents court-métrages envoyés cette année aux organisateurs, seuls trente-six ont été sélectionnés avec l’objectif de présenter un panorama de ce qui s’est fait de mieux en France et à l’international en 2018 et 2019.

La particularité du format est de fonctionner sans jury de spécialistes. Le choix du palmarès (qui sera dévoilé dimanche soir au théâtre Sebastopol) correspondra uniquement à un choix du public. 

Un plongeon rafraîchissant 

Il est 19h20, quand, au crépuscule d’un pluvieux soir de septembre, je pousse les portes de L’Hybride. Dès les premiers instants, je sens qu’une parenthèse s’ouvre, que je pénètre dans un environnement particulier, presque privilégié. Au loin, des conversations indistinctes, une odeur de bière, des rires, et l’agréable sensation d’avoir atterri dans un oasis artistique.

Les bénévoles à l’entrée sont eux-aussi contents de me voir arriver « habituellement, la presse est invité mais elle ne vient pas ici » me confie l’un d’eux, cheveux longs tenus ensemble par une queue de cheval. Le festival international du court-métrage bénéficie en effet de deux espaces de projections, et la cour du Palais des Beaux-Arts a cette dimension esthétique qui séduit forcément davantage les photographes et preneurs d’images des rédactions lilloises.

Projection de sourires

L’Hybride n’a peut-être pas ce sensationnel, mais elle a cette âme, cette sincérité. J’en parle presque comme d’une personne mais c’est ce sentiment qui m’a saisi lorsque, ma place récupérée, j’ai mis des images sur mes sensations initiales. Une unique salle aux poutres hautes. Sur la gauche, un long bar et sa carte inscrite à la craie sur de grands tableaux noirs. Sur les murs, des affiches éparses, et à droite, sur une imposante paroi, un bel et large écran projetant l’affiche du festival. Trois rangées de canapés larges et confortables finissent d’habiller l’espace. Des couples, des bandes de potes, surtout des jeunes entre 20 et 30 ans, font vivre les lieux, tous paraissent heureux d’être là, leurs larges sourires le confirmant.

La plupart, -certainement connaisseurs des lieux-  ont pris de l’avance et savourent bières, saucissons et fromages disposés sur de belles ardoises. L’ambiance est intimiste et détendue, avec comme point commun cette passion -ou du moins cette curiosité- pour le court-métrage. Ce format qui, l’espace de quelques minutes laisse place aux émotions, ouvre une respiration.

Personne ne connaît le programme, ici, pas de bande-annonce, pas d’appât de l’acteur ou de l’actrice star. De la surprise, avec tantôt des soupirs, tantôt des yeux brillants.

Une parenthèse enchantée dans un nouvel univers artistique

19h35, les lumières baissent lentement, et se lance alors, devant une salle bien garnie -une centaine de personnes au doigt mouillé- la séance du soir.Pour ma séance, six oeuvres françaises sont présentées. Trois animations, un documentaire, et deux avec des acteurs.
En bref : Un homme obsédé par une fouine, une animation psychédélique, une autre en noir et blanc mettant en scène une personne âgée touchée par la maladie d’Alzheimer, une animation stroboscopique, un documentaire sur des canulars téléphoniques visant à piéger un particulier en faisant intervenir chez lui les services de police (le Swatting) et enfin une oeuvre très humoristique sur les réflexions éclosant soudainement dans les esprits au moment du coucher « quel goût peut avoir la viande humaine ? »

Beaucoup de diversité donc, de formes et de thèmes abordés, certains sont muets, d’autres déclinent toute une panoplie de bruitages (criquets, mouettes, médicament effervescent se dissolvant dans l’eau, mouches volant dans les airs, aboiements, ventilation, bruits d’eau, réveil), d’autres encore utilisent une voix-off. Le tout témoignant du large horizon des possibles qui accompagne la réalisation d’un court-métrage. Le modèle que je croyais classique avec exposition, routine, effet perturbateur et chute n’a pas été utilisé une seule fois ce soir.

 

capture d’écran de Big Boy, l’oeuvre la plus surprenante du soir

Certaines oeuvres semblent même n’avoir ni queue ni tête à l’instar de l’animation psychédélique du soir : Big Boy. À l’heure où j’écris ces lignes j’en cherche toujours le sens. Et après tout, peut-être ne faut-il finalement pas trop chercher.  C’était sûrement sa vocation à cette oeuvre: faire parler d’elle  (et c’est réussi, la preuve j’en parle). Et à avoir pu scruter les réactions du public, Sourires gênés, regards vagabonds, murmures de « ça s’arrête quand » et à l’unisson au moment de l’image de fin « c’était quoi ça ?? », je ne suis pas le seul.  Le court-métrage peut lui aussi surprendre. 

 

Mon oeuvre préférée, c’est la dernière présentée ce soir Ododo d’Albane Chaumet (et dont vous pouvez voir une capture d’écran en image à la une). Un subtil mélange d’humour et d’imagination qui a fait rire en coeur la salle toute entière. Je ne vous en dis pas plus, puisqu’elle sera encore diffusée à deux reprises. 

Finalement, je dirais que cette heure et demi dans la pénombre réconfortante de cette salle fut une parenthèse enchantée. Un plongeon tout habillé dans un univers artistique bien plus profond que je ne le croyais. Et ce plongeon, je ne peux que vous le conseiller.

Y aller :
Où ? : à L’Hybride et au Palais des Beaux-Arts
Quand ? : jusqu’à samedi, programme consultable ici
Tarifs : 3€ à L’Hybride/ Prix libre aux Palais des Beaux-Arts
Pour voir les mêmes oeuvres que moi :
-ce soir à 22h à L’Hybride
-samedi à 22h également mais au palais des Beaux-Arts
Petit conseil : pour les Beaux-Arts, prévoyez un peu d’avance

Matthieu Slisse