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A J-244, un Super Tuesday qui redistribue les cartes

Ce mardi étaient appelés aux urnes plus d’un quart des électeurs américains dans le cadre des primaires démocrates et républicaines en vue de l’élection présidentielle 2020. Et si le candidat Donald Trump reste incontesté dans son parti, la course est bien plus serrée pour les primaires démocrates. Quatorze États appelés aux urnes donc, dont des bastions démocrates comme le Vermont de Bernie Sanders, le Massachussetts d’Elizabeth Warren, ou encore la Californie. Quatorze États représentant 1344 délégués, sur les 3979 attribués qui désigneront le candidat démocrate le plus à même de battre Donald Trump le soir du 3 novembre prochain. ¨Présentation des principaux enseignements à retenir.  

La renaissance Biden et la déception Warren

Dix États sur quatorze remportés, dont le « gros lot » du Texas (228 délégués). Un sans-faute dans les États du Sud-Est (Virginie, Caroline du Nord, Tennessee, Alabama, Arkansas, Oklahoma). Une victoire dans le Massachussetts de Warren. Le Super Tuesday de Joe Biden n’a pas été loin d’être la soirée rêvée, dépassant désormais Bernie Sanders. Un scénario improbable alors que l’ancien Vice-Président était encore à la rue il y a moins d’une semaine après sa quatrième place dans le New Hampshire.

Pour Sanders, la dynamique s’effondre, malgré le gain (très probable à l’heure actuelle) du plus gros État en terme de délégués attribués, la Californie, et de son bastion du Vermont.

Surprise aussi du côté d’Elizabeth Warren qui ne récolte qu’une trentaine de délégués, et termine même troisième dans son État d’origine, le Massachussetts ; mais aussi pour Mike Bloomberg, qui n’obtient que 14 % des voix dans son « électorat-cible » de la Californie, après avoir investi pas moins de 78 millions de dollars de fonds personnels dans cet État.

 

New York Times, 2020 live results

Une coalition centriste contre la révolution Sanders

Si le « momentum » a basculé du côté de Biden lors de l’annonce des résultats du Super Tuesday, la dynamique électorale du Vice-Président avait surtout été boostée par les abandons quasi-simultanés de « Mayor Pete » [Buttigieg] et d’Amy Klobuchar pour apporter leur soutien au candidat Biden. Ce ralliement, accompagné du soutien de l’ex-candidat O’Rourke, s’expliquant par la forte dynamique et le statut de favori de Bernie Sanders après les résultats anticipés dans les États de l’Iowa, du New Hampshire, du Nevada et de la Caroline du Sud. Car pour beaucoup, la « révolution socialiste » prônée par Sanders (assurance maladie gratuite, salaire minimum universel…) est incapable de battre le Président sortant ; Pete Buttigieg résumant ainsi la position de l’establishment démocrate : « Nous ne voulons pas d’un duel entre Sanders et Trump ».

Au lendemain des résultats du Super Tuesday, c’est également Mike Bloomberg, 9ème homme le plus riche du monde et ancien maire de New York, qui a abandonné pour Biden, après avoir dépensé plus de 500 millions d’euros en frais de campagne sur fonds personnels. Il laisse désormais le champ libre au Vice-Président Biden pour mener le camp « modéré » démocrate à la nomination en juillet prochain, dans une course à quatre  avec l’outsider Bernie donc, mais aussi la sénatrice Elizabeth Warren et la très méconnue députée Tulsi Gabbard. Et si le poids de cette dernière est inexistant dans la confrontation, seul un retrait de Warren pour Sanders pourrait rééquilibrer légèrement la balance au profit du « radical oncle Bernie ».

« Biden – Sanders : Is this race over ? »

Malgré tout, la messe semble être dite pour les démocrates dont la décision finale sera validée les 13, 14, 15 et 16 juillet prochains à Milwaukee dans le Wisconsin. Si l’électorat latino favorise largement Sanders, il souffre dans les États à majorité afro-américaine du Sud-Est. La perte du Texas mardi et les futurs résultats en Floride ou en Louisiane qui donneront vainqueur sans surprise Joe Biden sont le symbole une nomination définitive sans plus grand suspens.

Dans les chiffres, plus des deux-tiers des électeurs ne se sont pas encore rendus aux urnes, et plus de 2000 délégués restent à distribuer. Et alors que Bernie Sanders a besoin de 57 % de ces délégués pour obtenir la nomination (475 aujourd’hui), Joe Biden n’en a lui plus besoin que de 52 % (527 aujourd’hui). Une différence minime mais majeure au vu des règles et modalités différenciées entre les États pour le comptage des voix (caucus, vote électronique, vote) et l’attribution des délégués (« winner takes it all », proportionnelle, majorité avec proportionnelle…).

En se risquant à un petit pronostic, on peut imaginer un retrait de Warren mi-mars (entre les votes du 10 et du 17 mars) affichant implicitement son soutien à Sanders, tandis que Gabbard (1 délégué sur 3979 pour l’instant) n’a aucun intérêt à se retirer, gagnant en visibilité avec une candidature sans objectif pour ces primaires. Quant à la nomination, le scénario se profilant à l’heure actuelle est celui d’un choix se portant sur Joe Biden avec plus ou moins 2200 « délégués » (1991 nécessaires pour la nomination) ; malgré l’opportunité que cela donne à Donald Trump de réutiliser, comme en 2016, sa rhétorique du candidat du peuple face à « l’establishment blanc » que symbolisait Hillary Clinton et que symbolise Biden.

Romain Cauliez