En cette période de confinement, Valse avec le cinéma se propose de vous faire découvrir un film par jour, qu’importe l’époque, le genre et la nationalité. Chaque jour, je vous proposerai un de mes films favoris, en m’efforçant de varier. Cultivons ensemble notre goût pour la découverte et la culture cinématographique !
Le réalisateur à deux têtes
Les frères Coen, certainement un duo emblématique de réalisateurs à Hollywood. Derrière des films très célèbres comme Fargo, No country for old men, The big Lebowski, parmi les plus célèbres. Le réalisateur à deux têtes aime le farfelu et l’absurdité qui s’imbrique dans ce qui semble simple au départ. Ils aiment quand une personne complètement banale se piège dans des rouages tordues. Les frères Coen sont des passionnés de cinéma, une véritable encyclopédie qui touche à tout, qui connaît tous les registres. Cette richesse acquises par des années de lectures et de visionnages de films en tous genres s’illustrent dans toute leur filmographie : du film noir, des drames, du policier, de la comédie…Si chaque film s’exerce dans un style, Barton Fink, bien que le 4ème de leur filmographie, a déjà ce petit statut d’ovni, tant il mélange les registres.
Un plaidoyer artistique
Barton Fink est sorti en 1991. C’est un film qui raconte l’histoire du personnage éponyme, ayant percé avec ses pièces de théâtre, se voit confier l’écriture d’un film de catch de série B. Ce long métrage est avant tout l’histoire d’un artiste, qui, face à la grande industrie hollywoodienne, décide de faire des œuvres sur « les gens du peuple ». Les Coen dresse le portrait d’un artiste, très impliqué dans sa passion, qui pense avant tout à rendre gloire aux classes populaires et à s’épanouir dans son art plutôt que de faire des œuvres spectaculaires, grand public, calibré pour le succès. En marquant ce décalage via le séjour de Barton à Hollywood, les frères Coen proposent une critique très acerbe de l’industrie cinématographique, chose assez rare sur le grand écran. Il est ici question des tourmentes d’un artiste, confronté au syndrome de la page blanche. Ainsi tous les thèmes de la création sont rattachés aux thèmes qui touchent l’industrie, ce qui donne un résultat très crédible et inscrit dans une certaine réalité. Il en ressort un film très personnel, ou les Coen s’exprime sur l’état de la production cinématographique. Derrière le personnage de Barton se cache le regret de ne pas disposer d’une totale liberté artistique, synonyme d’épanouissement. Pour l’anecdote, les frères Coen sont indépendants. Aussi le script de Barton Fink a été écrit en 3 semaines, suite à une panne d’inspiration pour un autre film…Comme quoi ils semblent bien savoir de quoi ils parlent !
Une ambiance infernale pour un film symboliquement fort
L’action de Barton Fink se déroule principalement dans un hôtel. La caméra, à travers différents fondus et longs mouvements à hauteur d’épaule, montre la salubrité des lieux. Tout le décor à base de papier peint vieillot jaune vert montre à quel point le lieu semble ancien et peu accueillant. Notons par ailleurs la capacité incroyable du film à nous faire ressentir la chaleur via ce papier peint qui se décolle. Tous les éléments de l’hôtel paraissent aussi chauds que le soleil. Les personnages sont étourdis devant tant de chauds. Les pièces sont vides et manquent de vie, ni les fleurs ni les plantes viennent apporter un peu de fraîcheur aux lieux. Les journées de Barton sont très longues, répétitives, comme si ce dernier était bloqué dans une boucle temporelle. Il verra ses journées égayées par les rencontres avec son très étrange voisin. Au final, cette ambiance parvient à être si exceptionnelle par le doute et les nombreux éléments du décor. Ainsi le film joue énormément sur la symbolique, derrière la chaleur, le voisin de Barton, ce portrait dans la chambre qui ne cesse d’être mis en évidence, la boîte…le film en devient surréaliste. Les frères Coen ont avoué que le film pouvait avoir différents niveaux de lecture et que le symbolisme est très présent tout le long, sans donner de réponses…
Barton Fink est donc un film absolument génial, à voir ou revoir pour sa superbe ambiance, son propos et sa réalisation maîtrisée !
Amir Naroun