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TRIBUNE. Pour des Sciences Po à la hauteur des enjeux écologiques

À l’occasion de la journée mondiale de la biodiversité, les associations écologistes des Instituts d’études politiques co-signent une tribune appelant les étudiant.e.s et les administrations des IEP à s’engager collectivement dans le défi de la transition écologique et présentent une liste de dix propositions à appliquer en urgence au sein de ces écoles. Cet appel fait suite à la rédaction du rapport “Un IEP dirigé vers l’avenir” par des étudiant.e.s de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye composé de propositions concrètes afin de faire de l’écologie une priorité dans leur établissement. La démarche est désormais collective et soutenue par des personnalités publiques à l’instar de Jean Jouzel ou Dominique Bourg. L’implication de Sciences Po Lille est très attendue. 


La crise sanitaire que nous vivons rappelle la vulnérabilité de notre modèle de civilisation, déjà fragilisé par la crise écologique et sociale. Au vu de l’urgence, les Sciences Po doivent s’engager dans une transition écologique concrète, ambitieuse et collective. Les Sciences Po, qui aspirent à former leurs étudiant·e·s aux grands enjeux contemporains, doivent prendre en compte les défis environnementaux, sociaux et démocratiques que pose la crise écologique. Ils ont la responsabilité d’agir, dès aujourd’hui, pour engager, aux côtés d’autres institutions de l’enseignement supérieur, une transition écologique concrète et planifiée. Depuis des décennies, la communauté scientifique, relayée par la société civile, nous alerte. Plus que jamais, nous devons engager un changement conséquent de nos modes de vie. Or, jusqu’ici, les efforts faits à la marge ne sont pas suffisants pour atteindre les objectifs des accords internationaux et rectifier la trajectoire écocidaire sur laquelle nous nous sommes engagé·e·s. Le temps des petits pas est désormais révolu. Artificialisation des sols, dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, inégalités climatiques : la crise écologique et sociale fait désormais partie de notre quotidien. Il est temps d’agir. Collectivement.

Face à la mesure du changement à atteindre, nous appelons nos établissements à prendre leurs responsabilités et à agir de manière participative et concrète. Avec le concours d’associations et de collectifs, les étudiant·e·s s’activent déjà depuis de nombreuses années afin de faire évoluer les pratiques de leurs écoles respectives, sensibiliser à la crise écologique et sociale et, surtout, montrer qu’une autre voie est possible. Nous souhaitons aujourd’hui répondre à l’appel lancé par les étudiant·e·s de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye pour une convergence des mouvements écologistes dans tous les Sciences Po. Pour ce faire, nous avons constitué un collectif composé de l’ensemble des associations écologistes des Sciences Po. De manière concertée, nous avons donc établi une liste de 10 propositions à mettre en œuvre d’urgence. 10 propositions pour une transition écologique concrète et planifiée. 10 propositions pour que les Sciences Po soient enfin à la hauteur des enjeux écologiques.

Pour une gouvernance écologique, inclusive et éthique

1. Écrire une Charte contraignante et commune à tous les Sciences Po, faisant des enjeux écologiques et sociaux une de leurs priorités. Conditionnée à la participation de la communauté étudiante, enseignante et des membres du personnel, la rédaction de la Charte doit être précédée de la réalisation du « Grand Baromètre » de l’établissement (créé par le collectif Pour un réveil écologique).

2. Rédiger, ou mettre à jour, le « Plan Vert » (loi Grenelle I, 2009). Celui-ci doit être rédigé ou mis à jour par le Comité mentionné dans la proposition 3, et reprendre les éléments déjà établis par le

Référentiel et le Canevas de « Plan Vert » en établissant des objectifs précis. Il doit faire l’objet d’une révision régulière, adaptée aux spécificités de chaque campus.

3. Créer un comité de planification de la transition écologique et sociale, chargé d’élaborer le « Plan Vert » de l’établissement et de contrôler sa mise en œuvre. Il doit être composé à 1⁄3 d’étudiant·e·s, 1⁄3 de membres de l’administration (direction, équipe pédagogique, équipe administrative, membres du personnel) et 1⁄3 de scientifiques extérieur·e·s à l’établissement

4. Créer dans chaque campus des Sciences Po, selon le mode de gouvernance correspondant, un poste de chargé·e de mission de la transition écologique, aux compétences décisionnaires. Accompagné·e du Comité, iel sera chargé·e de mettre en œuvre le « Plan Vert » (loi Grenelle 1, 2009) de l’établissement. Membre du Conseil d’Administration, iel veillera à ce que toutes les décisions soient désormais pensées à travers le prisme des enjeux écologiques et sociaux.

Pour un enseignement et une recherche à la hauteur des enjeux écologique.

5. Intégrer les enjeux écologiques et sociaux à tous les enseignements. Il s’agit d’inclure dans les maquettes fondamentales, de manière obligatoire, des enseignements sur les enjeux actuels afin de nous préparer aux défis du XXIème siècle.

Nous attendons un corpus sur les limites planétaires et l’écologie scientifique, sur les humanités environnementales, sur l’histoire, l’économie et les pensées écologiques ; avec une attention particulière portée aux problématiques sociales. Il doit être établi sur l’ensemble des années de formation des étudiant·e·s. Ouvrir le champ des projets professionnels en relation avec la transition écologique et sociale aux étudiant·e·s dès la 1ère année.

6. Créer un pôle de recherche liant les sciences sociales et l’écologie. Il doit être commun aux Sciences Po et à des établissements de recherche dans le domaine des sciences de la Terre et du vivant.

7. Développer des partenariats avec des établissements de l’enseignement professionnel, technologique et d’ingénierie afin d’adopter une approche pluridisciplinaire dans une démarche

écologiste et sociale, notamment dans les domaines suivants : rénovation thermique, conservation de la nature, paysages, gestion de l’eau et méthodes de recyclage.

Pour des campus éco-responsables

8. Décarboner les activités des Sciences Po, en réalisant notamment dans chaque campus un bilan carbone annuel public qui ne reste pas lettre morte, ainsi qu’une réduction des déplacements

obligatoires polluants (mobilité internationale des étudiant·e·s, déplacements obligatoires des salarié·e·s, professeur·e·s et intervenant·e·s).

9. Eco-responsabiliser les campus, en mettant en place des solutions spécifiques à la situation de chacun d’entre eux. Il s’agit, entre autres, d’établir un plan végétalisation et biodiversité, de réduire les déchets, mais aussi de mettre à disposition des étudiant·e·s une restauration soutenable, éthique et locale en collaboration avec les acteurs concernés.

10. Conditionner les partenariats financiers, logistiques et professionnels à un cahier des charges public établi par le comité de planification de la transition écologique et sociale.

Nous demandons la mise au vote d’une déclaration de principes reprenant nos propositions lors du prochain conseil d’administration de nos écoles respectives.

Notre collectif s’est rassemblé pour faire résonner la voix de l’écologie dans les Sciences Po, et interpeller nos directions dans une démarche publique et transparente.

Nous nous sommes nourri·e·s des travaux menés par nos associations respectives ainsi que d’initiatives inspirantes telles que les Fridays For Future, les « Plans verts » mis en place par certaines écoles et universités, et la proposition de loi sur l’intégration des enjeux écologiques à l’enseignement supérieur (2019). Nous espérons ainsi contribuer, comme d’autres étudiant·e·s l’ont fait auparavant, à la mobilisation et à la transformation écologique de l’enseignement supérieur français. 

Signataires

 

Sciences Po Environnement Paris, Solidarités Sciences Po Saint-Germain, Echo’Logik Bordeaux, Agir Alternatif Grenoble, Volonterre SPL Lyon, Gaïa Sciences Po Toulouse, Collectif pour la Décroissance Campus de Sciences Po Reims, Sciences Po Zéro Fossile Campus de Sciences Po Poitiers, La Ruche Sciences Po Lille, Association Sekoia Sciences Po Aix-en-Provence, Les Décaentés Campus de Sciences Po Caen, Comité d’Action pour le Système-Terre Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Révol’vert Sciences Po Rennes, Echophilia et Alter’bureau. 

 

Soutiens

Aurélien Barrau

Astrophysicien

Valérie Cabanes

Juriste et présidente d’honneur de Notre Affaire à tous

Gaël Giraud

Ancien chef économiste à l’Agence française de développement et président d’honneur de l’Institut Rousseau

Dominique Bourg

Philosophe, directeur de la rédaction de la revue la Pensée écologique

Margot Duvivier

Présidente du Réseau français des étudiants pour le développement durable

Jean Jouzel

Climatologue et directeur de recherche émérite au CEA

Julien Vidal

Ancien chef économiste à l’Agence
française de développement et
président d’honneur de l’Institut Rousseau

Pour signer la pétition, cliquez ici

Image à la une : Léa Lo Van de Sciences Po Paris