Vainqueur des Irlandais ce samedi 31 octobre, le XV de France sort de ce tournoi des VI Nations grandi. Le come-back du “French-Flair” a de quoi ravir l’envie des joueurs et supporters, à la veille de l’Autumn Cup. Et cette nouvelle compétition venant clôturer 2020 est l’occasion bienvenue pour les Bleus de témoigner de cette confiance retrouvée. Il est en effet l’heure pour la désormais quatrième nation du rugby mondial de confirmer.
« On grandit, on gagne et on se régale sur le terrain ».
Charles Ollivon, capitaine du XV de France depuis l’arrivée de Fabien Galthié à Marcoussis, illustre bien l’état d’esprit qui se dégage du groupe France depuis le début du tournoi des VI Nations. En grande difficulté sous les ères Novès puis Brunel, « les Bleus » revivent. Une reconstruction express entamée dès février 2020 par le staff technique du nouveau sélectionneur : le jeu offensif est prometteur, l’agressivité débordante et les individualités épatantes. Alors oui, tout n’est pas parfait. Le nombre de pénalités concédées (11,8 en moyenne) ainsi que les réceptions de ballons hauts ne sont pas dignes d’une nation Top 4 mondiale. Mais la fraicheur de cette équipe compense jusque-là ses carences. En témoigne les victoires au Millenium de Cardiff contre les Gallois (23-27), au Stade de France face au XV de la Rose (24-17) et du Trèfle (35-27), samedi. Les cadres, auparavant trop esseulés, à l’instar de Dupont ou Fickou, tractent désormais leurs coéquipiers, jeunes et talentueux.
« C’est un peu comme les All Blacks : ils ont cette mentalité de marquer à tout prix »
Aux alentours de 21 heures, dans un Stade de France confiné, Romain Ntamack, demi d’ouverture tricolore, donne le coup d’envoi dans ce que l’on a appelé “la finale” du tournoi des VI Nations 2020. En cas de victoire bonifiée – et un différentiel de 31 points – les Bleus deviendraient lauréat de leur premier trophée depuis 2010. Si le scénario s’obscurcit, les Irlandais reviendront à Dublin couronnés. Il n’en sera rien.
Un coup de pied, un point de fixation et un large-large suffisent au néo-ailier francilien, Gaël Fickou, de contourner, d’un « chick-chack » sublime, le pilier droit et le demi de mêlée tréflés, avant de servir Antoine Dupont, « Monsieur soutien intérieur » du XV de France. Seulement, les lacunes aperçues face au pays de Galles samedi 24 octobre, resurgissent, à l’instar de l’arrière Anthony Bouthier, coupable d’une énième faute grossière – parmi les 14 concédées – entrainant son expulsion 10 minutes. Et à ce niveau, une infériorité numérique se traduit très régulièrement par un essai. Statistique confirmée par Cian Healy, malgré pléthore de sauvetages défensifs du huit de devant, combatif et cohésif.
« C’est un peu comme les All Blacks : ils ont cette mentalité de marquer à tout prix », souffle Jonathan Sexton, plaque tournante du système irlandais.
Un nouveau qualificatif vient alors en tête : sérénité. Malgré les pénalités, l’égalisation et la bataille de tranchées engagée par le XV du Trèfle, qui en fait sa spécialité, les cadres français ont pris la parole et les individualités leurs responsabilités. À l’image du deuxième essai français à la demi-heure de jeu : une initiative au ras du ruck par Dupont, un jeu de mains digne des plus belles heures toulousaines et un dribbling maitrisé par François Cros. Essai de pénalité et carton jaune. Le « French Flair » est de retour. Le principe moderne de cette thèse rugbystique est simple : une défense inversée très agressive, un jeu de vitesse dans le désordre, et des talents.
Et c’est en quelque sorte l’illustration de l’essai aplati par Romain Ntamack. Une récupération d’Anthony Bouthier, un jeu au pied de Gaël Fickou, un nouveau soutien fulgurant de Dupont et une finition du numéro 10 bleu. Bis repetita avec l’essai de Virimi Vakatawa après un jeu au pied pour lui-même de son demi d’ouverture. Victoire. Entre temps, Robbie Henshaw réalise l’exploit d’inscrire 5 points (60’) après trois plaquages manqués. Jacob Stockdale fait rententir le coup de sifflet final par un essai plein de réussite à la suite d’un cafouillage. Si la France ne remporte pas le tournoi au détriment des Anglais, elle conquiert le cœur des supporters. Une première grande victoire pour les hommes de Fabien Galthié.
Enthousiasme interne, tensions externes
Si l’on ajoute à cela les bons résultats des clubs français en Champions Cup – Racing Métro 92 finaliste, Stade Toulousain demi-finaliste – on se surprend à penser que le rugby tricolore se porte bien. Est-ce le cas réellement ? À première vue « Oui ». Mais la réalité est différente, plus complexe disons. Les relations entre la Fédération française de rugby (FFR), présidé par Bernard Laporte, et la Ligue nationale de rugby (LNR), représentant les clubs professionnels, ne sont pas au beau fixe. En cause ? La tournée d’automne prolongée à 6 matchs et 7 semaines, afin de renforcer les trésoreries des fédérations fortement impactées par la crise sanitaire, contre les 5 rencontres en 5 semaines autorisés par les clubs. Tous les matchs reportés – tournoi des VI Nations, tournée d’été – sont calés durant cette fenêtre internationale. Une décision que conteste les groupes professionnels. Leurs meilleurs éléments sont indisponibles pour les rencontres nationales. Cela représente un manque criant à court terme, handicapant à plus long terme.
Un consensus a été (enfin ?) trouvé mi-octobre : chaque joueur ne peut être inscrit que sur trois feuilles de match. Une première difficulté pour Fabien Galthié & Co, qui misent sur la continuité et la stabilité. Une aubaine pour la LNR, et le Stade Toulousain, pourvoyeur principal des « Bleus ». Une chance pour les jeunes joueurs, à la porte du XV de France. Des futurs néophytes déjà conquérants en Top 14 mais vierges de toute référence internationale, telle que Sélévasio Tolofua, auteur d’un début de saison tonitruant, Mathieu Jalibert, joker de Romain Ntamack, ou encore Hassane Kolingar, pilier moderne du Racing Métro 92, vont découvrir ce rythme international : exigeant et énergivore. Et une belle surprise n’est pas à négliger.
Un nouveau format de compétition
Des débuts internationaux, qui vont être toutefois repoussés au 22 novembre pour ces nouveaux arrivants. Il reste effectivement aux 23 de l’équipe-type des 6 Nations une dernière feuille de match disponible selon l’accord FFR-LNR précisé plus haut. Après cela, ces derniers ne seront donc plus sélectionnables cette année. Et Fabien Galthié compte bien les utiliser (avant l’arrivée des petits nouveaux), face aux îles Fidji, en ouverture de l’Autumn Nations Cup, nouvelle compétition du rugby mondial. Regroupant les nations les plus dominantes de l’hémisphère Nord en deux poules de quatre, elle fait office de tournée d’Automne. Les pays de l’hémisphère sud, habituellement en tournée européenne à cette date, restent eux confinés derrière l’exception fidjienne.
Au sein de la poule B, les Bleus font office de tête de série, en compagnie des Fidjiens, des Écossais et des Italiens. Mais avec un groupe très amoindri, les compteurs sont remis à zéro. Dauphin européen des Anglais, le groupe France aura à cœur de gagner pour disputer une finale, face au leader de la poule A composée du XV de la Rose, des Irlandais, des Gallois ainsi que des Géorgiens, le petit poucet. Le rendez-vous est pris pour Charles Ollivon et les siens au Stade de la Rabine, enceinte accueillant habituellement le RC Vannes. Un bon lancement est essentiel pour la suite de la compétition, confiée donc à une “équipe B” où plusieurs nouveaux joueurs connaitront vraisemblablement leur première sélection. Et à la clé, un premier trophée en vue pour l’ère Galthié ?
Julien Baudot, étudiant à l’ESJ