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Moral des troupes : “La moitié des étudiant.e.s ont envisagé la réorientation”

La Manufacture republie ici “le rapport sur le moral des troupes” réalisé fin novembre par Laura Caruso et Samuel Facchini dans le cadre d’un sondage auprès du groupe 5 des premières années de Sciences Po Lille. A travers de nombreux graphiques, ils nous livrent leur analyse sur le mal-être des étudiant.e.s dans cette période particulière.

Novembre n’est certainement pas le mois le plus à même d’insuffler la gaieté dans les cœurs. Mois de l’ennui, souvent, de la déprime, parfois, c’ est également le mois de l’échec pour certains. Avant même l’entrée en prépa ou en grande école, nombreux sont les élèves à redouter ce qui est réputé être le mois le plus difficile de l’année. Un pallier rude pouvant miner votre moral, et vous poussez à des réorientations impromptues. On ne pensait pas y être sujet, à Sciences Po Lille, alors qu’il est répété à loisir que “le plus dur, c’est d’y entrer” et pourtant, le rapport que nous allons vous en faire s’oppose largement à cette idée. 

Nous allons explorer avec vous les résultats d’un sondage anonyme mis en place le mercredi 18 novembre quant au moral du groupe 5, et, dans une perspective plus large, de l’appréciation de ce début d’année.

Petit point de méthode: Laura a mêlé dans le sondage des questions à appréciation chiffrée et des questions à réponses libres. Les étudiantes pouvaient ainsi noter leur appréciation sur 10 quant à certaines questions quand d’autres appelaient à des réponses rédigées. Concernant les questions à graduation, j’évoquerais ici la moyenne des résultats, afin de faire ressortir le ressenti général, quand le sentiment particulier sera davantage exploré au sein des questions libres. 

Commençons donc avec l’affirmation “Le plus dur c’est d’entrer à Sciences Po, la suite est facile”. À celle-ci nous obtenons un score moyen de 2,4, un score proche de 1 signifiant que l’affirmation est considérée fausse, quand un score avoisinant le 10 témoigne du ressenti inverse. 

Peu de commentaires sur ce point, qui introduit cependant assez bien les suivants.

À la question “Trouvez vous la charge de travail trop accablante ?”, c’est un score de 7,3 que nous obtenons. Le 1 est ici une absence de surcharge quand le 10 signifie le besoin de faire des impasses de manière récurrente. Complétant cette question, un graphique représentant le nombre d’heures moyen de travail hebdomadaire permet de se représenter la charge de travail réelle des étudiants. 

C’est un point essentiel que nous abordons ici: le sentiment de débordement. La majorité des élèves fait état de difficultés récurrentes quant à la complétion du travail demandé. Il est en cela des difficultés importantes au fait de se sentir épanoui au sein de l’IEP, ce qui explique, pour partie, les réponses à la question “Comment jugeriez-vous votre début d’année à Sciences Po Lille ?”

Le score s’élève cette fois-ci à 4,6. Le 1 correspondant à un très mauvais début d’année et le 10 à une excellente entrée en la matière. 

Un chiffre qui, s’il n’est pas catastrophique, apparaît donc faible et montre en cela un certain malaise au sein du groupe. L’épidémie est évidemment un facteur essentiel, mais il n’est pas le seul. L’accompagnement n’est pas toujours jugé satisfaisant, en témoigne les résultats, plus contrastée, à la question “Trouvez vous que nous sommes assez encadrés pour nous aider à réussir “

La réponse moyenne est cette fois de 4,9, avec pour barème 1 témoignant d’un accompagnement largement insuffisant et 10 un parfait encadrement. 

La dispersion est ici plus importante que précédemment, ce qui invite à la prudence quant aux conclusions éventuelles. On se limitera donc au fait que l’encadrement ne convient pas à la majorité, sans faire l’objet de critiques appuyées. Passons à la perception des capacités de réussite au sein de l’IEP par la question “Pensez-vous avoir les capacités pour réussir cette année ?”

La réponse est alors de 4,9. Un 1 signifie ici un sentiment d’illégitimité, de doutes quant aux chances de succès quand le 10 est le fait d’élèves ne rencontrant aucune difficulté.

Faut-il voir dans ce chiffre, encore une fois inférieur au curseur médian de 5,5, un syndrome de l’imposteur généralisé ? Pas vraiment, bien qu’il semble affecter plusieurs élèves dans le groupe. Un constat assez général de doute peut être dégagé, mais les situations ne sont clairement pas égales. Parallèlement au sentiment d’illégitimité, le sentiment de solitude est également essentiel dans l’examen de ce début d’année. Aussi, la réponse à la question “À quel point vous sentez vous seul ?” est une base utile dans la représentation du moral du groupe.

On obtient ici une moyenne de 6. Le 1 est révélateur d’un confinement apaise, sans rupture sociale quand 10 marque un sentiment de perte et de solitude jamais atteint auparavant.

La dispersion est très importante, témoignant par là de vécus très différents face à l’épidémie et la rentrée. On peut ici supposer que l’existence préalable d’un groupe de connaissances au sein de Sciences Po ou à Lille joue pour beaucoup dans le ressenti, même s’il n’est rien d’absolu quant à cela. Le peu de rencontres permis par le contexte actuel appuie clairement ce fait. Autre versant de la crise, le passage par le distanciel dans les cours sanctionne une perte logique d’attention parmi les élèves. 

Ainsi, à la question “Réussissez vous à suivre les cours visio ?” aucun élève n’a soutenu ne ressentir aucune gêne face au passage en distanciel (ce fait correspond au 10) quand il sont nombreux à témoigner de difficultés à demeurer attentif, le score moyen est ainsi de 4,5.

Enfin, et je me passerais de commentaire sur ce chiffre, la moitié des individus au sein de la classe ont songé à une réorientation.

Passons désormais aux questions à réponses libres.

Moins nombreuses, ceux 3 questions se concentrent sur la charge de travail et les besoins des étudiants pour mieux appréhender celle ci:

“Quelle matière demande le plus de travail et pourquoi ?”

C’est le Droit qui est, de loin, le plus cité, même si d’autres élèves mentionnent la charge de travail dans l’absolu et la nécessité de devoir sauter certaines lectures obligatoires pour avoir le temps de tout faire. Est mis en cause en Droit l’exposé aléatoire et sans note. L’on critique notamment le stress généré par un tel procédé, l’élève ne pouvant être sur de son passage, ainsi que le volume de travail nécessaire à la préparation de ces exposés, qui, se basant sur des constitutions peu communes, demande d’importantes recherches, et un lourd travail de mémorisation, faute d’absence de notes. Le temps et l’énergie ainsi consommés sont autant de ressources qui ne peuvent être employées dans les autres matières. 

“Avez-vous des choses à suggérer aux professeurs afin de diminuer les difficultés rencontrées ?”

De nombreuses remarques ont été formulées. Concernant les plus générales, le manque de méthodologie en conférence de méthode est régulièrement soulève, un paradoxe amusant, compte tenu de l’intitulé même de ce format de cours. Une plus grande écoute de la part des professeurs est également souhaitée, notamment en Droit vis-à-vis du caractère aléatoire des exposés. Une réduction dans l’absolu de la longueur des extraits étudiés serait aussi appréciée. Pour ce qui est des points par matière, l’absence de zoom en allemand est vivement critiquée quand la CDM d’économie manque de clarté pour beaucoup. La réduction du temps d’exposé, et des questions, pourrait permettre d’allouer plus de temps à l’explication des textes et principes économiques. Une reprise structurée sous forme de cours en droit serait un plus. 

“Des remarques supplémentaires ? Des choses à faire remonter ?”

Les réponses données reprennent pour partie la question précédente. L’on revient ainsi sur le droit et l’économie, qui ne sont pas coordonnés avec les cours magistraux, voire non liés (dans le cas de l’économie). Le décalage très important entre la lecture des textes d’économie et les explications relatives à celui nuisent largement à l’intelligibilité du cours, ce qui angoisse à l’approche d’un galop ou il nous est demandé une dissertation complète en 2 heures. Le cours d’italien, enfin, ne fait pas suffrage et peu apprécient la méthode de la profession jugée trop répétitive.

Voici, en guise de conclusion à ce rapport, quelques propos formulés par les étudiantes et étudiants:

Laura Caruso et Samuel Facchini