Les Jeux Olympiques de Tokyo auront-ils lieu ? Dans tous les cas, ils seront inédits. Ils ont déjà été reportés d’un an et avec les Jeux de Paris qui approchent, un nouveau report semble inenvisageable. De plus, s’ils venaient à être annulés, cela serait une première depuis 1944 ! Tant sportivement que financièrement, ça serait un drame.
Des Jeux inédits
Les Jeux Olympiques sont apparus il y a bien longtemps, dans la Grèce Antique. Il a ensuite fallu attendre 1896 pour que les premiers Jeux Olympiques modernes voient le jour grâce à Pierre de Coubertin. Depuis, ils ont lieu tous les quatre ans. Les Jeux d’été n’ont été annulés qu’à trois reprises (en 1916, 1940 et 1944). Il s’agit d’un des plus grands événements planétaires. Tous les quatre ans, les athlètes des quatre coins de la planète se retrouvent pour s’affronter dans le plus grand des fair-play. Idéalement, il s’agit également pour les différents pays de respecter une période de trêve. En effet, les Jeux sont avant tout un moment de partage. Les hommes doivent laisser leurs différents de côtés afin de profiter de la fête.
Mais, l’année dernière, un invité surprise est venu jouer les troubles fêtes (plus besoin de le nommer, sa réputation le précède !). Après des semaines d’attente le verdict est tombé : les Jeux Olympiques de Tokyo n’auront pas lieu en 2020 mais en 2021. Pour les sportifs, ainsi que pour les autorités japonaises, il s’agissait à la fois d’une frustration et d’un soulagement. Il était clairement inenvisageable de rassembler des millions de personnes venues des quatre coins de la planète dans une même ville alors que le nombre de contaminations augmentait de manière exponentielle. Pour la première fois dans l’histoire, les Jeux Olympiques ont été reportés. Et aujourd’hui encore, à cinq mois et demi de leur ouverture, le 23 juillet prochain, ils restent une réalité incertaine. Une chose est sûre, c’est qu’ils seront inédits.
Un nouveau report inenvisageable pour l’organisation et les athlètes
Les Jeux Olympiques sont une compétition pour laquelle certains consacrent leur jeunesse. C’est le rêve d’une vie, pour lequel certains nagent des centaines de kilomètres par mois, courent des milliers de kilomètres, mettent entre parenthèses leurs études ou projets professionnels. C’est la raison pour laquelle ils se lèvent tous les matins pendant quatre ans. Cet événement planétaire est bien souvent synonyme de début et de fin de carrière. On se rappelle des larmes de Michael Phelps sur le podium du 4x100m à l’issu des Jeux de Rio, venant conclure la plus belle des carrières à laquelle un sportif puisse rêver. Les championnats du monde et d’Europe ne pourront jamais les remplacer. Priver un athlète des Jeux, c’est remettre en cause une bonne partie de sa vie et réduire à néant tous ses sacrifices.
Au-delà de l’enjeu sportif, il y a également un aspect financier. Les Jeux coûtent chers et cela n’est un secret pour personne. Les pays hôtes dépensent des milliards dans les infrastructures et l’organisation. Si une partie de cet investissement doit être compensée par la durabilité de ces infrastructures, une autre partie est censée être compensée par la venue des athlètes et des touristes. Les recettes réalisées grâce à l’hébergement des athlètes, de leurs staffs et des spectateurs, ainsi que leurs consommations sur place, sont censées limiter à court terme, le coût de l’organisation. De plus, la majeure partie des billets ont été vendus et le gouvernement espère ne pas devoir les rembourser. Une annulation pure et simple entrainerait une perte énorme pour le Japon. Rien qu’en reportant l’événement, il a déjà perdu près de 35,6 milliards d’euros (ce qui correspond environ à 1% de son PIB).
Au-delà de ces enjeux essentiels, il est important de ne pas concevoir une olympiade comme quatre longues années. Ce sont, initialement quatre années de préparation nécessaires. Or, Paris 2024 arrive à grands pas. Espérons que d’ici-là, le Covid aura fait profil bas.
En attendant, le gouvernement japonais se bat pour que Tokyo 2021 ait lieu malgré une opposition grandissante de la population. Environ 80% de celle-ci ne souhaite plus accueillir la compétition. Elle représenterait un trop grand risque de contamination.
Des Jeux, mais à quel prix ?
Un scénario normal serait irresponsable. C’est pourquoi le gouvernement japonais, ainsi que le CIO, réfléchissent petit à petit aux modalités de l’organisation. Deux cérémonies d’ouverture sont prévues afin de limiter le nombre d’athlètes à 5 000 dans l’enceinte du stade. Les athlètes ne pourront arriver que quelques jours avant leurs épreuves et repartir dès qu’elles seront finies. Ils seront testés à leur départ, à leur arrivée et régulièrement tout au long de leur séjour. Les personnes ayant plus de 37,5°C ne pourront pas pénétrer dans le stade. Pour éviter la situation catastrophique de l’Open d’Australie (des joueurs ont fait le voyage dans des avions présentant des cas positifs et ont du rester confinés pendant une à deux semaines sans pouvoir se préparer), l’organisation songe même à mettre en place des lignes aériennes spéciales. Le nombre de spectateurs sera également revu à la baisse. Une compétition à huit-clos est même envisagée pour certains. Pour Tony Estanguet, membre du Comité des athlètes du Comité International Olympique, mieux vaut des Jeux à huit-clos que pas de Jeux.
Quoi qu’il en soit, ils ne seront pas ceux du partage. Seule la performance sportive sera à l’ordre du jour. Mais pour certains sportifs, être dans une bulle, sans spectateurs, c’est tout simplement inimaginable. Certains n’arrivent à se surpasser que s’ils entendent la foule les encourager. La performance, c’est également une bonne partie d’adrénaline et personne ne remplacera l’énergie que procure les cris de milliers de personnes. En ce qui concerne les journalistes, les médias, le staff, etc… rien n’est encore décidé. Aura-t-on des Jeux commentés à distance comme ce fut le cas notamment pour le Tour de France 2020 ? Quel protocole sera mis en place pour les athlètes ? Mister Vaccin pourra-t-il sortir Tokyo de cette impasse ?
Si ce n’est le cas, les Jeux n’auront probablement d’Olympiques que le nom. Les valeurs de partage et de fête resteront à la porte…
Tokyo 2021 s’apparente de plus en plus à une corvée. Celle de pouvoir permettre aux athlètes et aux organisateurs de mettre un terme à cette olympiade pleine d’incertitudes. Espérons que les prochains Jeux arriveront à surpasser cette épreuve, afin de redonner les vraies couleurs de l’olympisme à cette compétition. Les Jeux doivent rester un moment de fête, de partage et de rêves.
Qui du Covid ou des Jeux gagnera ? Je vous laisse… faire vos Jeux !
Judith Deck-Schegg