Dans l’optique du vote de projet d’EPE qui se tient aujourd’hui, jeudi 22 avril, la Manufacture donne la parole aux listes d’élu.e.s étudiant.e.s pour qu’elles puissent mettre en avant leur vision du projet.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’EPE et quelle vision en avez-vous ?
L’EPE, ou établissement public expérimental de son joli nom, est censé être un regroupement de plusieurs établissements supérieurs (Sciences Po Lille, l’ESJ, l’ENSAPL, l’Ecole centrale de Lille et l’Université de Lille). Lorsqu’il nous a été présenté il devait être l’outil d’une ouverture d’horizon de Sciences Po Lille vers une plus grande intégration de l’IEP dans le tissu de l’enseignement supérieur lillois. Donc le projet en somme, c’était de créer une structure plus importante, plus imposante, capable de nous donner accès à tout un panel d’enseignement et de moyens pour les étudiants. C’est du moins le projet qui a été soutenu par la liste Ensemble pendant la campagne et lors du premier CA, mais depuis, notre vision a bien changé. L’EPE aujourd’hui ressemble plus à une fusion des universités bis qui rate avant même d’avoir commencé. L’EPE c’est la Super Ligue de demain.
Le vote est pour le moment prévu le 22 avril, savez-vous déjà quelle va être votre position et voulez-vous la communiquer ?
Le 22 nous voterons contre. Notre position ne bougera plus.
Votre position a-t-elle évolué entre le moment où on vous a proposé le sujet et
aujourd’hui ?
Bien sûr. Lors des élections, nous nous étions positionnés favorablement pour l’EPE. Nous pensions alors que c’était un merveilleux moyen d’obtenir plus de ressources pour les étudiants et les professeurs. Malheureusement ce n’est plus du tout le cœur du projet.
Dans ce projet, est-ce que les plus désavantagés sont vraiment les écoles ou plutôt l’Université ?
Les écoles ne représentent rien numériquement dans ce que pourrait être l’EPE. Je ne suis pas certain que notre poids politique pourrait compenser notre poids réel dans la balance des négociations. Le risque est de nous retrouver empêtrés dans un système à deux vitesses. Notre crainte réside aussi dans notre capacité à nous faire représenter au sein des organes délibérants. Cela a été un point noir dans nos discussions, et c’est aussi ce qui va motiver notre vote du 22.
Concrètement, qu’est ce que changerait l’EPE pour Sciences Po Lille ?
Plus de moyens, un meilleur accès à certains types de marchés publics, peut-être même une meilleure visibilité internationale, et une reconnaissance nationale avec le label d’excellence I-SITE. Mais tout cela nous coûterait notre souveraineté, peut-être notre indépendance, et dans quelques années une fusion refusée par les étudiants depuis déjà bon nombres d’années ici à Sciences Po Lille. Surtout que l’EPE n’est pas la garantie d’obtenir ce label d’excellence, rien ne nous dit que nous pourrons bénéficier de tout cela une fois dans l’EPE.
Ne peut-il pas y avoir un intérêt à mettre en commun des enseignements, des programmes de recherches et des financements ?
Si bien évidemment, mais pas au détriment des étudiants, pas aux dépens de notre capacité à décider de ce qui est bon pour nous ou pas.
Ne craignez-vous pas qu’à terme, l’EPE favorise les doubles cursus avec les écoles partenaires (type parcours ESJ aujourd’hui), au détriment des licences “classiques” de l’université de Lille, qui se retrouveraient discréditées ?
Il faut déjà voir si l’EPE peut tenir plus de 2 ans avec des écoles qui rentreraient à contrecœur. Au-delà de ça, les doubles cursus sont une bonne chose pour ouvrir les étudiants vers d’autres champs de l’enseignement supérieur, et nous ne pensons pas qu’elles portent le discrédit sur d’autres licences dites plus classiques. Le projet actuel est tellement concentré sur les statuts, l’administratif et l’I-SITE que quand ils se rendront compte qu’ils peuvent faire des choses intéressantes, les écoles seront déjà reparties d’où elles venaient.
Carte blanche (exposez-nous votre discours en vue du vote du 22 avril)
Notre discours est clair, nous voterons non à l’EPE le 22 avril car nous considérons l’intérêt des étudiants au-dessus des intérêts d’une fusion administrative dont on a pu constater les affres lors des fusions de Lille 1, 2 et 3. Malgré tout, nous regrettons sincèrement la tournure d’un projet qui aurait pu apporter énormément à l’enseignement supérieur lillois, à Sciences Po Lille et aux étudiantes et étudiants. Au-delà de notre non franc et sincère c’est surtout beaucoup de déception, et de regret de voir que malgré nos efforts pour faire changer les statuts et les orientations politiques de ce projet, l’Université de Lille et son président ont souhaité persister sur une ligne qui n’était, de fait, plus la nôtre.
Propos recueillis par Hugo Jumelin