Le Flow a organisé, du 26 janvier au 12 février, la 10ème édition de son festival Hip Open Dance. Ayant pour objectif l’aide à la professionnalisation des artistes de la scène hip hop, ainsi que la diffusion de leur art. Le premier centre des cultures urbaines européen a invité le public à vibrer au rythme de battles, de spectacles et même d’ateliers… Retour sur cet événement, vibrant, à l’aune d’une de ses soirées mettant à l’honneur la compagnie Brainstorm (lauréate des Hip Hop Games 2021), et du danseur Mousstik.
7 Février 2023. 19h58, les lumières s’éteignent. Les chuchotements se taisent. La salle du Flow, 1 Rue de Fontenoy à Lille, est plongée dans l’obscurité, tandis que la scène se révèle sous une lumière dorée. Ambiance intimiste, silencieuse, captivante, qui s’est retrouvée tout au long de Hip Open Dance pendant les deux dernières semaines.
Revendiquer l’ancrage lillois du hip hop autour du Flow
Hip Open Dance, c’est 46 rendez-vous au total pour répondre à un objectif, rappelé par Sylvain Desplanques, programmateur du Flow : (Re)Découvrir la “diversité des danses hip hop”, du krump au breakdance, en passant par l’afro house pour ne citer que celles-ci. Une pluralité d’événements sont accueillis, dans une mosaïque de centres culturels de la région. En plus du Flow, citons la Maison Folie Wazemmes et Le Grand Sud, mais aussi Le Colisée (Roubaix) ou encore Le Grand Mix (Tourcoing)… Pour Sylvain Desplanques, il s’agit de rappeler que “les Hauts de France est un pilier de la danse hip hop en France”. C’est pour cela que le festival – et le Flow plus généralement – ont à cœur de “mettre en lumière des forces de la région”.
Un ancrage régional, certes, mais cette édition se caractérise par un recentrage sur le Flow afin de doter ce dernier d’un véritable ADN, d’une “énergie de festival propre”. Sylvain Desplanques exprime une volonté de faire du Flow “un vrai lieu de vie en profitant du fait que les cultures urbaines ont, en ce moment, le vent en poupe, tout en pérennisant leur présence dans le paysage culturel”.
En effet, pour le programmateur du Flow, la structure surfe actuellement sur la vague de l’engouement autour des cultures urbaines : hip-hop, rap, street-art… Bénéficiant de cette nouvelle légitimité qui coïncide avec l’entrée du breakdance aux Jeux Olympiques de 2024, Sylvain Desplanques affirme que l’ambition du Flow va plus loin que cette “nouvelle hype”, qui s’apparente à un effet de mode. Il soutient que le Flow était implanté dans le quartier bien avant que cet enthousiasme frénétique pour les cultures urbaines n’émerge. Le Flow restera donc là, présent et dynamique, bien après que la bulle ait éclaté. La structure témoigne de la volonté durable de rendre accessible la culture urbaine, de l’ancrer dans les habitudes culturelles et dans une légitimité certaine.
Un pas vers l’enracinement du Hip-Hop dans les pratiques culturelles de tous, c’est le Hip Open Dance festival.
Et pour vous donner une idée de l’atmosphère de l’évènement, la Manufacture a choisi de vous raconter une soirée de ce festival…Une soirée basée sur l’esthétique du geste, du mouvement et de la relation au corps. Qu’est-ce que le corps ? Le sien, celui de l’Autre, des autres ? Quelle est son utilité ? Entre poésie et questionnements, le danseur Mousstik et la compagnie Brainstorm nous transportent dans un tourbillon hypnotisant et immanquablement dansant.
Mousstik, ou la magie de faire danser les objets
Retour rue de Fontenoy, le spectacle va commencer. En première partie, c’est Mousstik, le danseur Roubaisien habitué du Flow qui ouvre la danse avec une série chorégraphique nommée « Poétique du geste », dans laquelle il conjugue danse et manipulation d’objets.
Dès le début, alors qu’il fait rythmer des chaussures du bout de ses extrémités, recroquevillé, pour nous laisser voir des yeux à l’arrière de son chapeau, l’intention est claire : Mousstik souhaite faire danser les objets. Accessoires et costumes sont les acteurs de sa chorégraphie. Origami dont les pliages se muent en valse, bâton devenu carré, losange ou bien triangle au gré de sa danse… La chorégraphie est telle que le corps de Mousstik a pour but d’accompagner les objets dans une gestuelle théâtrale et au sein de tableaux graphiques où se succèdent formes, images et illusions d’optique. Cet accompagnement est réalisé par l’exploration du finger tutting (danse impliquant des mouvements de doigts complexes) et du breakdance avec des enchaînements de mouvements suspendus et saccadés.
On retiendra aussi de cette chorégraphie introductive le sourire communicatif de Mousstik. Face à un public, Mousstik a conservé dans sa danse l’humour qu’il partage habituellement via les réseaux sociaux. Pour les habitués de son compte Instagram, @mouss.tik, sa danse est à l’image de la fraîcheur qu’il renvoie sur la toile.
En bref, la proposition de Mousstik se distingue pour l’originalité d’une chorégraphie où le danseur n’est pas le seul à danser…
« Au-dessus des nuages », ou l’invitation à un voyage chorégraphique onirique
Cinq figures alignées sur scène sont plongées dans une ambiance dorée. Repères dans la pénombre qui nous entoure.
Le spectacle commence tout en douceur, alors que la musique nous emporte avec volupté. Le danseur au centre s’éveille de sa paralysie, et, face au public, commence son épopée chorégraphique. Les pas s’enchaînent, comme des notes sur une partition invisible, alors que les autres danseurs le rejoignent au fur et à mesure. Premier contact avec l’Autre.
Premier dysfonctionnement du corps. Le bras du danseur ne répond plus à ses commandes, extension molle de son corps pourtant ferme. Sur scène, on se questionne, on s’amuse de ce bras si lourd, auparavant si léger. Les danseurs s’inquiètent de voir leur meilleur allié, leur corps, les abandonner si simplement, dans un souffle. Il faut alors reprendre le contrôle de soi, se rééquilibrer, retrouver son identité, s’en créer une nouvelle. Trouver sa place en tant qu’individu dans le collectif.
Les cinq danseurs se relaient, se soutiennent, fusionnent et se séparent dans une danse aérienne et captivante. C’est une alternance entre phases hypnotiques grâce à leur précise synchronicité, et phases envoûtantes du fait d’une souplesse onirique des gestes. Se dessine ainsi sous nos yeux, l’histoire de cette compagnie, un chemin initiatique où le temps, le collectif, l’individualité sont autant de thèmes discutés sans l’usage des paroles. Les danseurs se frôlent, s’attirent et s’éloignent, formant une toile de fond, sur laquelle les liens qui les unissent se font et se défont. L’Autre apparaît tantôt comme un alter-ego, tantôt comme un parasite, miroir d’un moment, miroir de soi.
Sans quitter la surface de la terre, sans que les pieds ne quittent la surface de la scène du Flow, les danseurs prennent du recul sur leur environnement, prennent de la hauteur jusqu’à s’envoler au-dessus des nuages. Onirisme hypnotique, mathématique de la danse, et géométrie de l’espace se mélangent pour transporter le public aux côtés des danseurs, dans leur esprit, leurs tourments, et leurs questionnements.
C’est toute l’énergie d’une jeunesse aux prises d’un monde éclaté, en constante révolution qui frappe le public de plein fouet. Tel le souffle d’un vent délicatement puissant…
La compagnie Brainstorm est à retrouver sur Instagram : @cie.brainstorm
Teaser “Au dessus des nuages” Brainstorm :Cie BRAINSTORM “Au dessus des nuages” | As des As Concept 2020
Aftermovie de l’édition précédente : Aftermovie : Hip Open Dance 2022
Chloé Carissimi & Lou Deiss-Veiniere
Extraordinaire
Tout y est la qualité du phrasé la passion que vous y mettez et l’intérêt culturel apporté
On a été conquis
On en redemande
Bravo 👌👏