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Pour Sama : un « daily vlog » syrien inouï

 Le 9 Octobre dernier est sorti le documentaire “Pour Sama”, primé à Cannes de l’Œil d’or du meilleur documentaire. Retour sur un reportage poignant qui raconte l’horreur du siège de la ville syrienne d’Alep à travers le regard d’une jeune mère.

Waad et Hamza al-Kateab forment un jeune couple ayant fait partie des derniers résistants de la ville d’Alep (Syrie), de 2011 à 2016. Elle, est journaliste et filme son quotidien à l’aide de sa caméra fétiche. Lui, est médecin et sauve chaque jour des centaines de blessés, victimes de la violence des bombardements. Tous deux activistes, ils s’opposent depuis le départ au régime de Bachar al-Assad. Ils ont participé ensemble aux premières manifestations étudiantes, à l’époque où Waad était encore étudiante en économie, et Hamza en médecine. C’est à ce moment que Waad a commencé à filmer sur un smartphone, puis à l’aide d’une caméra.

Dans ce conflit et à travers ce reportage, Waad deviendra nos yeux sur les événements à l’intérieur du quartier résistant d’Alep. Elle assiste derrière son objectif à la mise en place du conflit dans Alep, des manifestations pacifiques du début de la guerre, aux sièges qui épuisent un peu plus chaque jour la population de la capitale. Waad capture, et fait un témoignage de chaque instant, c’est sa façon à elle d’aider, d’exister : « J’ai ressenti une grande responsabilité envers ma ville, ses habitants et nos amis : il fallait que je raconte leur histoire afin qu’elle ne soit jamais oubliée et que personne ne puisse déformer la réalité de notre vécu. ».

Avec la naissance de sa première fille, Sama, une étincelle d’espoir naît pour Waad. Cela lui donne une raison de plus de témoigner de la vie à Alep, comme pour laisser une trace de la première année de sa fille. Evidemment, la situation n’est pas idéal pour élever Sama, et sa mère nous fait part de sa culpabilité d’avoir des enfants dans ce contexte de guerre. Malgré tout, c’est l’amour qui permet de tenir. Dans ce film, Waad s’adresse directement à Sama : « Tout ce qu’on a fait, c’était pour toi ». Comme un hommage, c’est une transmission d’une mère à sa fille, un héritage. Waad et Hamza, résistants avant l’heure, choisissent de transmettre cette fibre rebelle à leur fille à travers ce film.

Ce reportage est un récit poétique et vrai du peuple d’Alep, ce qui lui reste comme espoir ou désespoir. Il montre le quotidien de milliers de Syriens anéantis par l’acharnement du dictateur Bachar el-Assad pilonnant Alep, détruisant son peuple. Edward Watts, le co-réalisateur du documentaire, se sent investi dans cette cause : « Pour Sama est le film le plus important sur lequel j’aie jamais travaillé. La réalité de ce qui s’est passé en Syrie s’incarne dans le courage, l’honnêteté et l’altruisme de Waad, Hamza et Sama. Ce sont des gens extraordinaires. Ils sont un exemple pour nous tous en ces temps de grand tumulte. »

La dernière image du documentaire, Waad marchant dans le rues désertes d’Alep, Sama dans les bras, est marquante de beauté et d’espoir. Dans ce reportage d’une vie, tout parle au spectateur. On a l’impression d’y être, on tremble à chaque obus qui explose, on pleure à chaque mort, on rit à chaque blague, on sourit en voyant Sama et on reste surtout sans voix devant les ruines qu’ont laissées le régime de Bachar El-Assad et l’armée russe.

Récompensé à Cannes de l’Œil d’or du meilleur documentaire, Pour Sama est un reportage dont on ressort les larmes aux yeux et bouleversé à jamais.

Bande-annonce :

                                                                                                                                                                                       

Enora Paniez