La Manufacteur publie l’édito d’un de ses rédacteurs, Hugo Jumelin, qui a souhaité s’exprimer sur l’actualité récente en France
Lundi dernier, en voyant les images de l’intervention policière sur la place de la République à Paris, un sentiment m’a envahi : la Honte. Comment est-il possible de renier à ce point les valeurs d’accueil, de liberté, de fraternité qui sont les fondements de la démocratie et de la République sur la place qui porte son nom ?
Cette semaine, un drap de honte a recouvert la République, et on ne peut se cacher derrière l’adage que la France serait « le pays des droits de l’Homme », quand on censure les contre-pouvoirs au monopole exécutif de l’Etat. Pour Rober Badinter, « lorsque la France se targue d’être la patrie des droits de l’Homme, c’est une figure de style. C’est la patrie de la déclaration des droits de l’Homme, aller plus loin relève de la cécité historique ».
La cécité historique, c’est penser que toute chose acquise est due, que l’Etat a des prérogatives, mais plus de devoir. Et surtout, la cécité historique, c’est croire que protéger l’Etat revient à protéger la démocratie. Celle-ci a pourtant souvent été gagnée contre l’Etat, avant d’en faire partie intégrante, et rarement dans le calme et la conciliation.
C’est pourquoi on ne peut prétendre défendre la démocratie lorsque les journalistes sont interdits de filmer les violences policières, lorsque l’on autorise la destruction d’abris de personnes en situation d’extrême pauvreté. Et surtout, on ne peut prétendre défendre la démocratie lorsque l’on refuse de parler de violences policières, ni même de violences commises par des policiers. La démocratie suppose de se remettre en cause, et un Etat cesse d’être démocratique lorsqu’il refuse de reconnaitre ses torts. Le ministre de l’Intérieur se trompe lorsqu’il affirme que « la police exerce une violence, certes, mais légitime. C’est vieux comme Max Weber ». Ce n’est pas la violence en soi qui est légitime, mais la délégation de ce pouvoir à l’Etat par le peuple. Aussi, la violence ne continue d’être légitime que tant qu’elle est acceptée par les citoyens, faute de quoi c’est l’Etat qui cesse d’être légitime.
La honte, c’est se camoufler, se cacher derrière un épouvantail. C’est faire diversion pour éviter d’avoir à se montrer, à se dévoiler, à justifier les manquements à ses principes fondamentaux. Aujourd’hui, l’Etat a honte.
Hugo Jumelin