La montagne est un objet qui fascine au cinéma, à tel point qu’elle est devenue un genre. Tout un imaginaire autour de la montagne s’est construit, cet endroit dangereux, inaccessible, qui cristallise rêves et espoirs ; aller la où personne ne s’est rendu.
La montagne porte en son sein toutes les propriétés pour en faire un film facile et efficace, de la tension, des dynamiques de groupe ou un aventurier solidaire, le petit village de bouddhistes pour ajouter une dose de spirituel, des beaux plans gratuits et faciles d’accès…la montagne est un objet simple à filmer, en témoigne la quantité monstre de films de ce genre de tous temps, budgets et registres.
Le sommet des dieux a déjà pour lui des éléments le distinguant de cet amalgame alpin : c’est un film d’animation français, issu d’un manga dont l’auteur est légitime aux yeux d’un certain public ici. Si l’œuvre originale comme adaptée ont les codes classiques du genre alpin, Le sommet des dieux a d’intelligent sa forme. Le choix d’adapter un manga de Jiro Taniguchi est déjà pertinent. Son œuvre est très authentique, complètement ancrée dans le réel et le quotidien. Le défi se trouve dans son découpage. Taniguchi est un dessinateur qui pousse assez loin le découpage type BD, par là je veux dire qu’il n’hésite pas à multiplier des cases côte à côte pour progressivement illustrer le mouvement. Cet aspect extrêmement découpé n’est pas évident à transposer au cinéma, le risque est d’aboutir à un format très clip, mais je reviendrai dessus.
Comme je l’ai dit avant, Taniguchi est connu pour ses histoires sur le quotidien. Celles-ci ont une portée très didactique, avec des histoires où l’identification aux personnages est très facile. Hélas, le film n’a pas la justesse, ni la sensibilité de l’œuvre originale. Cela s’explique par la durée du film, 1h30, et son découpage. D’un côté, il ne peut pas se permettre de restituer la quantité de dialogue importante du manga. De l’autre, il n’hésite pas à aller très vite durant certaines séquences. De ce fait, le film garde l’essentiel, mais le résultat est un peu trop grossier, cliché et forcé. D’ailleurs, le film n’hésite pas à prendre ce format de clip pour aller plus vite, avant d’aborder son sujet principal, l’alpinisme.
Si Le sommet des dieux est un excellent film, c’est pour sa grande immersion dans ses séquences alpines, qui représentent le grand intérêt de ce long métrage. L’animation va permettre ici de repousser les limites techniques, et atteindre un résultat impossible autrement. Dans Le sommet des dieux, il est question du sommet de l’Everest, de grands vides mortels, de montagnes inaccessibles, tous ces lieux où peu d’humains mettent leurs pieds. L’animation permet justement, de représenter en détail, ces endroits où le tournage aurait été beaucoup trop dur, voir impossible, notamment dans le niveau de détails. Les parois, la neige, les petits éléments dans les grands panoramas, sont d’une extrême précision. Les plans aériens se multiplient, et permettent de contempler la grandeur des montagnes, et ses vides. Le sommet des dieux à un sens de l’échelle impressionnant, à bien des reprises lorsque les personnages risquent leur vie, impossible de ne pas ressentir du vertige.
Plus le film avance, plus il est subjuguant. Progressivement, il abandonne les dialogues pour se consacrer uniquement à ce qui importe : l’ascension d’une montagne plus que jamais magnifiée. L’alpinisme y est poussé, le découpage prends le soin de méticuleusement détailler chaque faits et gestes, tous les coups de pioches, les installations alpines, les cordes, les bottes qui s’accrochent sur les parois, Le sommet des dieux prends le temps d’animer l’alpinisme.
Que dire sur ce Sommet des dieux qui n’ait pas été dit ? Dans son genre, c’est sûrement le meilleur…..
Amir Naroun