Le 23 janvier 2024 a eu lieu la première de Seizeaucentre, pièce mise en scène et écrite par Pascal Rambert spécialement à l’intention des élèves du Studio 7 de l’École du Nord, et pour le 20ème anniversaire de celle-ci.
Une salle pleine à craquer. Une patinoire installée en plein milieu de la scène. Seize visages familiers en plein milieu de celle-ci. Ces seize visages sont ceux des élèves, du Studio 7 de l’École du Nord, que l’on retrouve un peu partout sur le site du théâtre. Les dramaturges adorent les silences, mais cette fois-ci, la tension s’entend par le claquement violent des crosses de hockey et le grincement des patins contre la glace, sur laquelle seize joueurs de hockey tournent en rond.
Cette pièce met en abyme le tournage d’un film, qui met en scène les membres d’un club de hockey sur glace. Eux-mêmes sont joués par les élèves du studio 7 : ce sont donc des joueurs de hockey, dans un film, dans une pièce de théâtre. Pascal Rambert prend ici le contexte d’une activité collective, un sport d’équipe, et « ouvre le crâne » de chacun des personnages, pour exposer « au public, et au reste du monde » leurs pensées. En effet, sont mis en lumière des tensions, des amitiés, des amours, des questionnements, des vies, « une bande de jeunes gens, le cœur lourd, perdus dans leur tête, qui se rentrent dedans ».
Le spectacle a été écrit à la demande de David Bobée, directeur du Théâtre du Nord : « je veux que tu écrives pour les élèves » a-t-il dit. « C’est une part de nous », me dit un des comédiens. « On devait raconter notre vie à Pascal, de notre naissance à aujourd’hui, et il est parti de ça pour écrire la pièce », en en changeant bien sûr beaucoup d’aspects. Cette pièce est donc une fiction, basée sur des faits réels, d’où le mystère qui en découle. D’après Pascal Rambert, son metteur en scène, aucun message n’est délivré. Il ne réalise pas de pièces à sujets, ou avec une intention particulière, autre que celle de « faire parler les gens ». Cette absence de message spécifique est d’ailleurs joliment exprimée à la fin de la pièce : « les œuvres existent dans la tête de ceux qui les regardent ».
Pour les comédiens, le véritable enjeu était d’apprendre à faire du patin, spécialement pour la pièce : « une vraie galère ». Mais c’est un nouvel art maitrisé pour ces élèves, comédiens et même acteurs, à l’issue de plusieurs semaines de travail intense sur Seizeaucentre. On remarquera également la capacité d’une des comédiennes, Fantine Gelu, à tenir en équilibre sur une grande boule blanche, en plein milieu de la patinoire, en délivrant un monologue poignant : « je ne sais pas patiner, mais je sais me maintenir en équilibre dans la vie ».
Ce spectacle se caractérise par un impressionnant jeu d’images, de sons, de corps, de mots : « des sexes, un décor, des corps qui se sont émancipés, pareil pour les mots », sans omettre les émouvants passages musicaux. Un de ces passages a d’ailleurs été inspiré de la vie d’une des comédiennes, Jade Crespy, dont j’ai pu apercevoir le père, qui lui avait appris cette chanson, présent dans le public, et fier de sa fille.
La pièce est jouée du mardi 23 au samedi 27 janvier , et elle fait partie des représentations programmées spécialement dans le cadre du 20ème anniversaire de l’Ecole du Nord : il y a déjà eu Fées, en novembre 2023, et il y aura Tragédie, en juin 2024.
Crédit pour les photos : Frédéric Iovino
Lina Melhem