Des millions de manifestants, un gouvernement immobile, une issue encore difficile à présager : les manifestations à Hong-Kong témoignent d’une crise politique majeure, d’une intensité extrême.
Un peu d’histoire…
Pour comprendre la crise il est nécessaire d’avoir en tête l’histoire du pays. Hong Kong, situé au sud-est de la Chine, est initialement une province chinoise. Mais au XIXe siècle l’Empire britannique attaque la Chine et les batailles se terminent par le Traité de Nankin. Par ce traité, Hong Kong est cédé aux Anglais pour 99 ans et devient une colonie britannique.
La rétrocession de Hong Kong à la Chine a lieu le 1ᵉʳ juillet 1997. La domination britannique terminée, Hong Kong adopte le statut de région administrative spéciale de la République populaire de Chine. Haut-lieu de la finance internationale, le territoire est régi par une loi fondamentale spécifique. Région semi-autonome, elle dispose de ses propres lois, gouvernement et justice. Aussi, les libertés individuelles (liberté d’expression, d’association et de manifestation) sont garanties, libertés inconnues en Chine continentale. Hong Kong forme alors « un pays, deux systèmes », formule énoncée par Deng Xiaoping en 1997, qui signifie que le territoire peut faire partie de la Chine sans qu’on y applique les mêmes règles en matière politique et économique. Ce statut est supposé être garanti jusqu’en 2047, mais de nombreux Hongkongais accusent le gouvernement central chinois de vouloir mettre le territoire au pas avant cette date.
Les manifestations : origines et revendications
L’élément déclencheur : l’annonce, fin avril 2019, par le gouvernement pro-Pékin d’un projet de loi permettant les extraditions vers la Chine continentale. Cette loi permettrait de transférer aisément vers la Chine toutes personnes considérées par Pékin comme « fugitives », c’est-à-dire suspectes ou criminelles. Mais le champ des personnes considérées comme criminelles est très large (allant des journalistes aux ONG). Les Hongkongais craignent alors des procès injustes et des détentions arbitraires. Le 9 juin, s’est alors déroulée la plus grande manifestation à Hong Kong depuis 1997. Près d’un million de Hongkongais de toutes générations et de toutes classes sociales descendent dans la rue pour demander le retrait de ce projet de loi. Au bout d’une semaine de rassemblements et de blocages, la cheffe de l’exécutif Carrie Lam annonce la suspension du projet. Le lendemain, près de deux millions de manifestants défilent habillés en noir en exigeant sa démission.
Malgré l’annonce du retrait de projet de loi, les manifestations continuent et ne cessent de prendre de l’ampleur. En réalité cette décision a surtout mis le feu aux poudres après des années de revendications contenues. Maintenant, si les Hongkongais souhaitent le retrait du projet de loi, ils veulent également le retrait du qualificatif d’émeute jusqu’alors associé à leurs actions et l’amnistie de tous ceux qui ont été arrêtés. Aussi, ils étendent leurs revendications en souhaitant la création d’une commission d’enquête indépendante sur les exactions policières et l’application du suffrage universel.
Escalade de violence et inaction du gouvernement
A l’origine, les manifestations étaient pacifiques mais progressivement la violence se durcit au vu de l’absence de réaction du gouvernement. Plusieurs milliers de manifestants pro-démocratie envahissent les rues de Hong Kong, le visage dissimulé malgré l’interdiction du gouvernement. En effet la loi anti-masque est vécue comme une atteinte à la liberté de manifester, ce qui entretient les violences et les abus. Le 1er juillet, jour anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, la police a fait usage de matraques et de gaz lacrymogènes contre de jeunes manifestants. Le même jour, des militants pro-démocratie ont pris d’assaut le Parlement local, rompant avec le caractère jusque-là pacifique des mobilisations.
Un nouveau Tian’anmen?
Au vu de la situation qui s’éternise et de l’inaction du gouvernement, l’issue du mouvement semble aujourd’hui difficile à définir. Ces événements rappellent-ils Tian’anmen, protestations de 1989 qui se sont concluent dans la violence et la répression causant la mort de près de 10 000 personnes ? Impossible de l’affirmer aujourd’hui. Néanmoins, on peut noter qu’une intervention militaire de la Chine contribuerait à dégrader son image et à réduire la crédibilité du gouvernement qui peut craindre que les revendications hongkongaises ne s’étendent à toute la Chine. Pour l’instant, comme le dit Jean-Philippe Béja, sinologue et directeur de recherche au CNRS, « on se trouve dans une impasse »…
Rafaëlle Koskas