Bientôt la gratuité des transports en commun dans la métropole européenne de Lille ? Pas exactement. Depuis que Martine Aubry a annoncé vouloir rendre les transports en commun gratuits dans certains cas le 5 septembre dernier, les débats s’enchaînent. Décryptage d’une proposition qui fait polémique.
Une mesure sociale et de lutte contre la pollution
Il faut tout d’abord relativiser la mise en place de la gratuité des transports en commun. Elle ne concerne pas tout le monde et ne sera pas quotidienne.
Après de nombreuses réclamations de la part d’associations et de groupes politiques, les choses ont commencé à changer début septembre. Tout s’est accéléré dans un tweet de la maire de Lille le 5 septembre 2019 :
« J’ai demandé la gratuité dès 2020 pour les jeunes de moins de 18 ans, les étudiants, lycéens, les personnes en situation de handicap, les retraités à faibles revenus et la mise en place de la gratuité les jours des pics de pollution »
Visiblement, le déplacement à Dunkerque de Martine Aubry ce jour-là lui a donné des idées. En effet, les transports en commun y sont gratuits depuis un an déjà. Elle avait rendez-vous ce matin-là pour discuter de ce sujet justement.
La réponse de la MEL
Face a cette proposition de la maire lilloise, le président de la MEL, Damien Castelain, a réagi rapidement. Il a soumis l’idée de gratuité des transports en commun pour tous les jours de pics de pollution (à savoir, quand la circulation différenciée est mise en place) au vote du conseil de la métropole européenne de Lille le 11 octobre dernier. Verdict : Application sans titre de transport dès le 1er janvier 2020 !
A noter que la gratuité des transports en commun en cas de pics de pollution s’applique aussi aux TER de la MEL (sur décision de la région des Hauts-de-France), mais pas aux V’Lille. La mesure reste, de plus, expérimentale.
Par ailleurs, Damien Castelain a précisé qu’il était ouvert au débat concernant la gratuité totale des transports en commun. Mais il s’est déclaré « hostile » à l’adoption de cette mesure selon la Voix du Nord. A priori, la gratuité totale n’est donc pas pour tout de suite.
Et ailleurs ?
Instaurer la gratuité totale des transports en commun à Lille serait une première en France. En effet, pour le moment aucune collectivité de plus de 200 000 habitants n’a franchi le cap. Dunkerque, avec un peu plus de 88 000 habitants est, jusqu’à présent, la plus grande ville à avoir rendu gratuit ses transports en commun. Même si, avec l’agglomération, on atteint environ 200 000 habitants, soit à peu près la taille de Lille (sans le reste de la MEL néanmoins).
Lille n’est pas la seule ville à réfléchir à la gratuité des transports en commun. Le débat s’est aussi invité à Caen, Toulouse, etc. Dans cette dernière métropole, les habitants passeraient en moyenne 6 jours par an dans les bouchons selon le classement TomTom 2019. Selon ce classement, un Lillois passerait quant à lui 121 heures par an dans les embouteillages, soit 5 jours. Et la situation se détériore chaque année.
Rendre les transports en commun gratuits n’implique pas forcément d’augmenter les impôts locaux. A Dunkerque, Niort et Châteauroux ils n’ont pas augmenté par exemple. Le manque à gagner est souvent financé par un « versement transport » payé par les entreprises. Mais cela implique parfois de renoncer à des projets ; Ainsi, Dunkerque a renoncé à l’ouverture d’une salle de spectacle. La fréquentation des transports aurait aussi explosé dans ces trois villes selon les mairies.
Une promesse électorale avant tout ? Les optimistes…
« J’espère que les positions des uns doivent moins à une montée de fièvre électorale qu’à la lutte contre le réchauffement climatique ! » a déclaré Sébastien Leprête (maire de La Madeleine) à France bleu Nord le 12 octobre dernier.
Il en va de même pour Julien Poix, un des militants principaux de la France insoumise de Lille qui s’est exprimé sur Twitter : « L’automne arrive et les promesses électorales se ramassent à la pelle ». Il était justement en train de partager un communiqué de son parti dénonçant la hausse des prix des transports en commun.
Une chose est sûre, la question de la gratuité des transports en commun sera au cœur de la campagne électorale des municipales. Le tweet de Martine Aubry du 5 septembre pourrait d’ailleurs être interprété comme le signe qu’elle se présentera à sa propre succession.
Alors que les élections n’ont lieu qu’en mars prochain, certains partis politiques ont déjà affirmé leur volonté de mettre en place la gratuité totale des transports en commun. C’est le cas de Génération.s et de sa candidate Faustine Balmelle-Delauzun qui affirme sur Twitter : « Depuis la création de GenerationLille nous travaillons et portons la gratuité des transports pour tou.te.s »
Pendant ce temps, le groupe EELV se réjouit de cette avancée.
… et les pessimistes
Mais il y a aussi ceux, plus pessimistes, qui déclarent que la gratuité totale des transports en commun est difficilement réalisable, et pénalisant pour le contribuable. Ainsi, le site internet de Violette Spillebout (candidate LREM aux municipales) ne mentionne pas la gratuité totale des transports en commun. Au contraire, les villes montrées comme des exemples à suivre en termes de mobilité sont Grenoble, Strasbourg, Montpellier… Autant de villes qui, certes, ont valorisé l’usage du vélo et les voies piétonnes, mais où les transports en commun ne sont pas gratuits.
Les candidats ou futurs candidats de droite, à savoir Marc-Philippe Daubresse (LR), Thierry Pauchet (actuel chef de file de l’opposition lilloise, droite) et Eric Cattelin-Denu (RN), ne se sont pas encore exprimés sur la question. En tout cas, Sébastien Leprêtre, maire de la Madeleine, s’est empressé d’expliquer sur Twitter que les transports en commun gratuits ne l’étaient jamais pour tout le monde:
En bref, rien ne garantit la mise en place de la gratuité des transports en commun à ce jour. D’autant plus que les sondages sur les élections municipales sont contradictoires et encore au stade embryonnaire.
Marion Galard