J-2 avant le premier tour des municipales dans Lille et sa région. Pour certains, ce premier tour sera pourtant composé de deux votes, un pour le conseil municipal lillois, l’autre pour le conseil communal de référence. C’est le cas de Lomme et Hellemmes, communes associées de Lille. Pour le dernier volet de notre série Manucipales, nous sommes allés à la rencontre de ces électrices et électeurs particuliers.
Si l‘on passe bien le panneau affichant le nom de la commune en arrivant à Hellemmes ou Lomme, google map indique toujours la localisation à Lille. En effet, ces deux communes se sont associées à la capitale des Flandres, en 1977 pour la première, en 2001 pour la seconde. Concrètement c‘est comme si ces deux communes étaient des arrondissements de Lille. Elles disposent d‘un maire délégué qui siège au conseil municipal lillois et qui préside le conseil communal uniquement consultatif. Les communes associées présentent également une annexe de la mairie où sont établis des actes de l’état civil et une section du centre communal d’action sociale. Ce statut particulier a pour objectif officiel de fusionner des compétences pour une meilleure efficacité tout en garantissant une certaine identité aux communes associées. En réalité, cela permet également à Lille de dépasser le seuil des 200 000 habitants et ainsi bénéficier de dotations de l’État plus généreuses, on parle également d‘un arrangement politique visant à garantir la présence du PS.
Le risque d‘une “défusion”
Ainsi, le 15 mars prochain les habitants des deux communes autonomes seront invités à mettre deux bulletins dans l‘urne, l‘un pour élire le conseil municipal lillois, l‘autre pour celui de la ville à laquelle ils sont rattachés. Un système original et complexe mal connu chez les habitants, comme chez les élus, pourtant premiers concernés. Médiacités a effectivement publié en octobre dernier, un rapport interne à la mairie qui fait état d‘une fusion complexe et sans réelle vision entre les trois villes. Ces auteurs font même état d‘une « défusion dans la douleur » si les villes n’étaient plus gérées par trois maires PS après les prochaines municipales. C‘est dans ce contexte particulièrement important que La Manufacture est allée à la rencontre d‘électeurs et électrices de ces trois communes pour recueillir leurs ressentis sur ce sujet.
Efficacité vs identité locale
„Ah non je ne savais pas…“. Si pour la plupart des Lillois et lilloises interrogés, un flou entoure ces communes associées, dans celles-ci, tous les interviewés savent de quoi il s‘agit. Christelle, électrice à Hellemmes n’a pas suivi la campagne, mais “sait par contre très bien comment fonctionne le système des communes associées”. „On en a marre, on veut plus d‘autonomie ! “ avance tout de suite Christelle habitante de Lomme, qui rajoute „on est sous perfusion des subventions de Lille“. Les trois villes partenaires ayant adoptées un budget commun, Hellemmes et Lomme reçoivent chaque année des dotations pour couvrir les frais supplémentaires. Dylan, alternant de 23 ans trouve au contraire que ce partenaire permet de faire des économies : „j‘ai un pote mécano à la mairie de Lomme qui reste défoncé h24 donc si on mutualise les services avec la mairie de Lille, ça permettra de faire des économies!“. Le levier économique est effectivement un argument défendu par les villes associées qui vantent des réalisations jugées impossibles sans, comme la construction d‘une médiathèque à Lomme ou encore le déploiement du pass Lille & moi pour l’accès aux bibliothèques ou au zoo. Si Justine, étudiante lilloise, se dit „comprendre cette logique „économique“ elle préfère cependant défendre „l‘indépendance des petites villes“.
“Hellemes” ou “Lille-Hellemmes”? Tout dépend des panneaux et des intentions…
Un référendum local pour l’indépendance?
L‘identité des deux villes associées est effectivement encore forte. Certains habitants avaient ainsi tenté d‘organiser un référendum sur le maintien ou non des liens avec Lille à Lomme, des candidats le proposent encore aujourd’hui dans leur programme, c‘est par exemple le cas des listes soutenues par la France Insoumise. Pierre, retraité, défend également cette idée d‘indépendance en pointant les difficultés pratiques de cette union. Les adresses ayant fusionnées, elle indique que „c‘est une galère pour se retrouver, certains camions de chantier se trompent même d‘adresse, en se retrouvant à Lomme plutôt qu‘à Lille“. Si au niveau des affichages publiques, Dylan affiche son désarroi face aux inconnus de cette élection „toute ma famille habite ici depuis la guerre et pourtant je n‘ai jamais vu aucun d‘entre eux“, Marie-André, militante de la liste „Notre parti c‘est Lomme“, emmenée par Denis Vinckier regrette elle le double dispositif de vote mis en place, „il faut que le maire de Lille et des communes associées soient de la même couleur, sinon ça risque de coincer“. Son candidat étant soutenu par Marc-Philippe Daubresse, elle regrette la longue mainmise du Parti Socialiste sur la ville. Brigitte, retraitée Hellemmoise avoue même avoir déjà voté pour une liste dans sa commune et une autre différente pour Lille. C’est pour les challenger” explique-t-elle.
„Cette campagne municipale je la vomis! “
Pour Caroline, lilloise de 31 ans, cette association s‘inscrit dans la politique de la ville qui consiste à „construire en détruisant la biodiversité plutôt qu‘à rénover“. Elle s‘explique, „c’est comme le quartier de Vauban ou de Wazemmes qui étaient des villages et se sont fait absorbés par Lille, l‘étalement urbain continue toujours“. Enervée par cette logique, elle continue „cette campagne municipale je la vomis! “. Car au-delà des différences de point de vue entre les habitants des trois villes associées, une même distance face aux politiques semble se dessiner. Etienne, jeune actif lillois, avoue que „cela n‘a pas de sens“ pour lui, sans trop savoir expliquer ce décalage. „Je préfère lire un bouquin plutôt qu‘un programme politique“ ajoute-t-il, prouvant que tous ces montages administratifs complexes paraissent trop éloignés aux citoyennes et citoyens, pourtant concernés.
Alban Leduc