Quoi de plus logique pour la Manufacture que de partir prospecter dans la ville de la Manufacture, le musée de la mémoire et de la création textile. A Roubaix, dimanche 23 octobre 2022, Tourcoing accueillait Poitiers à l’occasion de la 4ème journée de Ligue A, la première division française de volley. Retour sur un match peu commun.
Une rencontre particulière
Le volley n’a jamais autant frôlé le cyclisme. Que faisait donc la ligue A à Roubaix ce 23 octobre ? La ville des exploits des Roger De Vlaeminck, Fabian Cancellara et autre Tom Boonen. La ville-arrivée de l’ “Enfer du Nord”, monument si redouté, si convoité par les cyclistes du monde entier qui s’achève traditionnellement au Vélodrome André-Pétrieux depuis près de 80 ans. A une dizaine de mètres de la ligne d’arrivée de Paris-Roubaix, se dresse le Stab vélodrome, nommé en l’honneur de Jean Stablinski, cycliste vainqueur notamment du Tour d’Espagne en 1958 et des championnats du monde sur route en 1962. Encore du cyclisme, donc. Mais dans cette enceinte, c’est cette fois la piste qui a inscrit à l’encre indélébile une part de son Histoire. En 2013, les championnats de France de cyclisme sur piste y élisent domicile. L’année dernière, ce fut au tour des championnats du monde.
Pour la saison 2022-2023, même lieu, mais changement de sport : le Stab sera la forteresse des volleyeurs de Tourcoing. Une de leurs forteresses, leur antre habituel Léo Lagrange étant actuellement en travaux. Le TLM se délocalise dans trois villes différentes : Harnes, Orchies et Roubaix. Pour leurs matchs à domicile, les joueurs de Tourcoing seront donc en perpétuelle réadaptation. Mais le Stab, en les accueillant à 7 reprises, sera leur point d’ancrage dans un contexte loin d’être idéal. Il était important alors de voir si ce lieu de pèlerinage de la “planète cyclisme” allait leur réussir. Invaincu en championnat après trois rencontres toutes gagnées en 5 sets, Tourcoing pouvait poser ses ballons avec une certaine confiance dans l’aire centrale, à côté des vélos entreposés là. En face, Poitiers arrivait moins confiant, avec seulement une victoire en trois rencontres. Le terrain était prêt, les joueurs échauffés, le public chauffé par le lapin Léo -la mascotte du club- : à 17h, le spectacle pouvait commencer.
« Une très bonne ambiance »
Le premier set ne fut pas à la hauteur des attentes qu’il nourrissait. Avec beaucoup de services manqués de part et d’autre, la mise en route s’est révélée difficile pour les deux équipes. Poitiers avait mieux débuté la partie, menant 9 à 6 après 8 minutes de jeu. Mais, rapidement, Tourcoing se montra plus régulier que son adversaire, notamment avec de belles attaques du capitaine Moritz Reichert ou de Ryley Barnes. Le réceptionneur-attaquant canadien, passé par Tours et arrivé à l’intersaison, gratifia le public nordiste d’une jolie fin de manche avec une attaque tranchante pour s’offrir une balle de set, suivie d’un service puissant mettant en difficulté Poitiers qui ne pouvait que concéder le premier set (25-21).
L’équipe du Stab vélodrome pouvait alors dévoiler sa surprise. En effet, les jeunes pistards Théo Bracke et Maxence Vantieghem ont été sollicités pour se livrer à une opposition de vitesse individuelle à chaque fin de set. Le premier, champion de France junior du kilomètre et champion de France de la vitesse par équipe, se prépare en vue des JO de Paris 2024 alors que le second, vice-champion de France junior de la vitesse individuelle et troisième des championnats de France junior de keirin, cherche à « décrocher des stages en équipe de France » et « avoir des tops 20 avec les élites » pour sa première saison chez les Espoirs. L’un est pensionnaire du VC Roubaix Lille Métropole, l’autre de l’EC Tourquennoise. Comme un symbole pour rapprocher un peu plus encore Roubaix et Tourcoing, pour rapprocher cyclisme et volley. Finalement, Maxence Vantieghem remporta leur premier duel dans « une très bonne ambiance ».
Le volley pouvait redevenir la star de la soirée. Poitiers entama le set encore de bien meilleure façon que les locaux. Tourcoing montra un visage offensif avec une importante présence au bloc, mais quelques scories et erreurs les privèrent du break. Renan Buiatti (voir par ailleurs) fit la pluie et le beau temps, et malgré ses efforts Poitiers remportait ce second set sur la plus petite des marges (23-25). Théo Bracke imitait Poitiers quelques minutes plus tard et égalisait 1-1 en remportant la deuxième manche de vitesse.
Le troisième set fut celui de la furia. Emmenés par un Ryley Barnes et un Renan Buiatti déchaînés, un Thibault Loubeyre très solide en réception (voir par ailleurs), Tourcoing étouffa son adversaire. Des attaques bien senties, des services qui gênaient l’organisation poitevine, une très forte présence au bloc avec régulièrement trois joueurs s’opposant à l’attaquant, tout ou presque réussissait aux hommes de Mauricio Paes. Les deux temps-morts demandés par Poitiers ne suffisaient pas à endiguer leur motivation. Le public poussait et criait au son des tambours. Tourcoing et ses supporters étaient sur leur petit nuage : rien ne semblait pouvoir les arrêter. 25-20, le score était sans appel, Théo Bracke pouvait à nouveau prendre le meilleur sur Maxence Vantieghem.
L’épreuve de vitesse individuelle entre Théo Bracke et Maxence Vantieghem à l’issue du troisième set.
Le niveau de jeu s’est sensiblement amélioré depuis le premier set et la qualité des échanges laissait présager un magnifique quatrième set. Le public ne fut pas déçu. Sur sa lancée, Tourcoing débuta tambour battant la manche. Mais, rapidement, Poitiers s’éleva au niveau de son adversaire du jour. Les deux équipes se rendaient coup pour coup. Porté par le central Lucas Van Berkel, étincelant et désigné meilleur joueur de la rencontre, Tourcoing dut batailler, sauva deux balles de set. Le Stade Poitevin s’accrochait, combatif, ne voulant pas rentrer sans point au compteur en Nouvelle Aquitaine et ne céda qu’au bout de la quatrième balle de match. Après un arbitrage vidéo haletant, le Stab tout entier, staff, joueurs, supporters, tous pouvaient exulter : le TLM restait invaincu cette saison (25-21, 23-25, 25-20, 30-28).
L’ultime balle de match.
Cette victoire confirme que les joueurs du TLM imposent leur loi en ce début de saison alors que suspendue au plafond, l’image du triple vainqueur de Paris-Roubaix Francesco Moser, alias le Shérif, promet de bien veiller sur Tourcoing chaque fois qu’ils reviendront au Stab.
L’interview : Thibault Loubeyre
Auteur d’un début de saison convaincant, le libéro du TLM -finaliste de l’Euro U22 avec l’équipe de France cet été et désigné meilleur libéro de la compétition- nous a fait le plaisir de répondre à quelques-unes de nos questions.
La Manufacture : Qu’as-tu pensé de votre première victoire dans ce vélodrome ?
Thibault Loubeyre : “Franchement, l’ambiance était super. J’avais un peu peur du fait que ça ne résonne pas trop dans la salle. Mais, au final, même si c’est grand cela fait un petit chaudron donc c’est cool. Les repères vont s’améliorer de match en match donc ça va être de mieux en mieux !
Ça fait plaisir aussi de gagner pour la première fois en 4 sets (NDLR : les précédentes victoires du TLM se sont toutes jouées en 5 sets). En plus, on prend 3 points. Alors que les 3 autres matchs, on en avait pris que 2 donc ça fait du bien. 4 matchs, 4 victoires. Il faut continuer comme ça, en espérant pouvoir faire un 3-0 à un moment.”
L.M. : Renan Buadi est arrivé cet été et il n’avait pas joué en club depuis longtemps, que peut-il vous apporter cette saison ?
T.L. : Physiquement, déjà, il est de mieux en mieux. Au début de l’année, c’était un peu compliqué. Mais là il commence à nous faire beaucoup de bien, sur toutes les situations. C’est un atout vraiment majeur dans notre équipe. Offensivement, il joue de mieux en mieux et, physiquement, il est super en ce moment donc c’est très positif !
L.M. : Tu remplaces cette année Julien Demay, ancien capitaine emblématique du TLM. Comment vis-tu le fait d’être considéré comme la relève au poste de libero ?
T.L. : C’est sûr que c’est une pression supplémentaire de devoir remplacer Julien parce que c’est un peu la “légende” de ce club. Mais c’est excitant de devoir le remplacer et ça me fait plaisir parce que j’ai l’impression que les gens sont à fond derrière moi.
Le joueur : Renan Buiatti
On ne pouvait pas le manquer. Du haut de ses 2m17, le facétieux international brésilien, recru phare de l’été tourquennois, a alterné le (très) bon et le moins bon contre Poitiers. Ses coéquipiers et les supporters ne lui en voudront pas pour son deuxième set en demi-teinte : à 14-12 son attaque ne trouva que le bloc et ses offensives à 20-18 et 21-23 furent assez loin d’atteindre leur but. Il faut dire que Renan Buiatti revient de loin.
En 2020, il avait signé à Tours. Mais une blessure au pied l’empêcha finalement d’y jouer. Le pointu a dû attendre 2022 pour retrouver un club : Tourcoing. Pour l’instant, ce pari semble être une bonne pioche. Buiatti reprend ses marques progressivement et, face à Poitiers, il a montré qu’il pourrait aider le TLM à passer un cap. Omniprésent au bloc, il a constamment maintenu ses adversaires sous pression et gêné leurs attaques, comme à 11-10 au troisième set. Surtout, il ne se limite pas à sa taille. Ses services, tout en toucher et flottants, déstabilisaient souvent les Poitevins comme 15-14 au premier set. Son attaque, puissante, pour recoller à 2-2 dans le deuxième set montre également que, lorsqu’il règle la mire, le gaucher est difficile à contenir.
Aussi, il semble s’affirmer comme un des leaders de cette équipe, n’hésitant pas à prendre ses responsabilités. Ce joueur a un je-ne-sais-quoi qui pourrait frustrer ses adversaires, et fasciner ses supporters.
Mathis Hardouin