Le 26 octobre dernier, le Cambrai Volley a disposé du Chaumont Volley-Ball 52, à domicile, dans une salle Vanpoulle chauffée à blanc. Une victoire référence pour le petit club cambrésien face à une grosse écurie du championnat français. Un succès qui met en lumière le travail remarquable réalisé au quotidien par des passionnés. La Manufacture y était pour vous.
Il y a des nuits qui n’ont définitivement pas la même saveur à la salle Vanpoulle de Cambrai. Ces soirées de gala qui marquent les esprits et qui permettent de lancer une saison sous les meilleures auspices. Francis, speaker emblématique du club, ne s’y trompe pas : « Ce soir je vais sortir mon plus beau costume, avec une touche de rose pour Octobre rose. On va essayer de mettre une grosse ambiance pour encourager l’équipe ». Le défi est de taille pour le Cambrai Volley. En face, se dresse le leader du championnat : Chaumont Volley-Ball 52. Champion de France en 2017 et finaliste du championnat de Ligue A l’an passé, le club de Haute-Marne est annoncé parmi les favoris au titre cette saison. Emmené par le technicien italien – de renommée internationale – Silvano Prandi, Chaumont a entamé le championnat de la meilleure des manières avec trois victoires en trois rencontres et seulement deux petits sets concédés. Intraitable. Gabriel Denys, manager général du Cambrai Volley et ancien coach de l’équipe, peine à cacher son excitation à l’idée d’affronter une équipe qui inspire Cambrai depuis quelques années : « Chaumont ressemble beaucoup à notre club. C’est une petite ville avec une faible culture du sport professionnel mais qui a su progresser depuis quelques années pour devenir un des meilleurs clubs de volley en France. Une vraie source d’inspiration ». Et il y a de quoi… Cambrai et ses 33.000 habitants, ville moyenne coincée à une heure de Lille et deux heures et demi de la capitale, souffre de la comparaison avec les autres club de Ligue A. Montpellier, Paris ou encore Toulouse : la force de frappe de ces équipes est incomparable. Là, est tout le défi du Petit Poucet cambrésien. Plus faible budget de Ligue A, le Cambrai Volley redouble d’imagination pour jouer les trouble-fêtes au sein de l’élite du volley français.
Une histoire de famille
Le Volley Ball Club de Cambrai (VBCC) voit le jour en 1994 sous l’impulsion de Jean-Philippe Carrez, membre fondateur et grand habitué des terrains de volley du Cambrésis. Après dix années dans les méandres de la Nationale, le club accède à la deuxième division (Ligue B) et c’est alors que Jean-Michel Machut prend la direction du club. À ce même moment, en 2004, la décision est prise de créer le Cambrai Volley Élan du Cambrésis (CVEC) et ainsi de le dissocier du Volley Ball Club de Cambrai afin de distinguer la partie professionnelle de la partie amatrice du club. S’en suit une longue marche de seize années vers l’accession en Ligue A. Chaque saison, le club progresse dans l’antichambre de la première division sans jamais parvenir à obtenir son ticket d’accès vers celle-ci. Jusqu’à la saison 2019-2020 et un petit coup de pouce du destin… Le Cambrai Volley pointe en tête du classement lorsque apparait la pandémie de COVID-19 qui écourte le championnat, fige les tableaux et entérine la montée en Ligue A. En octobre 2020, c’est le grand saut. Le promu Cambrai découvre l’univers de la Ligue A pour la première fois de son histoire. L’an 1 de la vie du club en Ligue A se déroule comme dans un rêve. Terminant à la sixième place de la saison régulière grâce à quinze victoires, le Cambrai Volley s’ouvre les portes des Play-Offs. Après avoir éliminé Narbonne en quarts de finale, le club s’incline contre Cannes en demi-finales, mettant fin à son épopée.
Cette saison, le Cambrai Volley continue son apprentissage « express » du plus haut-niveau. Avec une donnée importante qui vient s’ajouter à la saison précédente, le retour du public dans les salles : « C’est vrai que l’on pourrait dire qu’il s’agit de notre première véritable saison en Ligue A par rapport à la période COVID de l’année précédente », concède Gabriel Denys, avant d’enchaîner : « Le retour du public, c’est un vrai plus pour notre club ». En effet, Cambrai cultive son image de club familial au plus haut-niveau et s’en sert comme une force sur laquelle misent moins les autres équipes de Ligue A : « Nous faisons en sorte que les familles de joueurs se voient, que leurs enfants puissent aller dans les mêmes écoles et que les joueurs habitent au même endroit. Nous essayons de créer une osmose pour que chacun puisse vivre une belle aventure », abonde Gabriel Denys. Le ressenti est partagé par les plus fidèles supporters du club. Dans les travées de la salle Vanpoulle, Benoit – bénévole historique du club – nous confie : « Quand on voit les équipes à l’échauffement, on constate directement la différence de mentalité entre les grosses écuries du championnat et notre équipe. Les nôtres, ils se marrent à l’échauffement et échangent avec nous. Cette interaction entre supporters et joueurs est très agréable mais aussi assez unique ». Impression confirmée, lors du match face à Chaumont, quand Benoit interpelle Philipp Kroiss – libéro autrichien du Cambrai Volley – qui s’amuse avec un buzzer au bord du terrain : « Eh Pipo [surnom de Kroiss, ndlr], tu veux jouer à pouet-pouet ? ». Non loin de là, le fils de Benoit alimente le compte Instagram, qu’il a créé [Fan_Cambrai_Volley, ndlr], de clichés et de vidéos de l’entrée des joueurs sur le parquet.
Même son de cloche au sein de la direction du club. Jean-Michel Machut, dirigeant historique du Cambrai Volley, s’investit depuis près de vingt ans comme président et, même s’il a cédé la main à Laurent Debel depuis juillet dernier, il continue de donner de son temps pour aider le club. Une phrase revient sans cesse de la bouche de ces anciens qui ont façonné le CVEC : « Vous savez, ce club c’est notre bébé ! ». L’air de dire : un bébé, cela ne s’abandonne pas comme ça. Quand on lui demande d’où vient son attachement au club, il se remémore : « Je suis de Cambrai. À un moment de notre vie, ma femme a décidé d’occuper nos gamins en les mettant au volley. C’est comme cela qu’on s’est rencontré dans le cadre du volley avec Jean-Philippe [Carrez, ndlr]. On s’est donc lancé dans ce projet dingue de partir à la conquête de la Ligue B ! ». Les deux amis s’entourent très rapidement d’autres habitués du Cambrai Volley : « Une marque de fabrique », concède Jean-Michel Machut. En rencontrant toutes les composantes du club, nous prenons très vite conscience que la famille occupe une place centrale dans l’ADN du club : « Jean-Philippe Carrez a eu ses enfants qui ont joué ici. Du côté de la gestion financière, Michel Carcel a son fils, Pierre-Marie, qui est maintenant entraineur pour les équipes amatrices. Jean-Michel Machut aussi. Ce sont trois piliers qui connaissent le Cambrai Volley par coeur et le volley tout court », avant de poursuivre : « Mais il y a aussi Christian Petit, responsable de l’organisation des rencontres à domicile, et son fils, Raphaël, qui a rejoint le staff technique de l’équipe professionnelle ». La volonté est commune, au sein de la direction, de garder cet esprit familial malgré la professionnalisation progressive du club. La preuve en est, Sven, le fils de Gabriel Denys, suit son père partout au club en cette semaine de vacances scolaires.
Les coulisses d’un match pro
Le rendez-vous nous est donné à 15h à la salle Vanpoulle en ce mardi 26 octobre. Cambrai reçoit Chaumont, leader du championnat. Et même si l’affiche ne suscite pas l’engouement de tous les Cambrésiens rencontrés sur la place de la mairie, l’enthousiasme est bien palpable aux abords de la salle. Gabriel Denys est présent avec son fils, Sven, qui n’est jamais très loin : « J’ai pris ce poste de manager général notamment pour piloter tous ces bénévoles. Ils savent ce qu’ils ont à faire dans la mise en place de la salle ». La tâche est colossale. Une salle de volley municipale qui accueille les scolaires à l’année se transforme du tout au tout lorsqu’il s’agit d’être l’hôte d’une rencontre de volley professionnel. En effet, la Ligue Nationale de Volley (LNV) impose un cahier des charges très strict obligeant les équipes à se plier à des normes bien précises. Il est 15h, il ne reste que cinq heures avant le début de la rencontre, et pourtant tout reste à faire. Les bénévoles arrivent au compte-goutte dans la salle mais chacun apporte sa pierre à l’édifice. Certains positionnent les LED autour du terrain qui vont permettre de projeter les publicités tandis que d’autres montent sur des échafaudages pour accrocher les panneaux des partenaires ainsi que les portraits des joueurs et du staff aux murs. Ce moment regorge d’anecdotes insolites : « Ce matin, Ivan [Jecmenica, central, ndlr] m’a demandé que je mette son portrait sur le premier poteau de la salle. J’espère que Philippe [Kroiss, libéro, ndlr] ne va pas pester ! », nous confie Benoit, l’infatigable bénévole. Gabriel Denys est aux manettes et chapeaute toute l’organisation de la salle. On retrouve également Jérémie Vasseur qui est en charge du montage de toute la technologie autour du terrain permettant aux arbitres de vérifier les points litigieux. Et puis aussi, Raphael Petit qui s’occupe de positionner les ballons, de mettre le filet à la bonne hauteur ou encore de vérifier les normes imposées par la Ligue concernant la largeur ou la longueur du terrain. Gabriel Denys remercie les bénévoles et insiste une dernière fois sur leur rôle prépondérant dans la vie du club : « On essaye de les choyer, de les fidéliser et on fait en sorte qu’ils prennent plaisir lorsqu’ils nous aident. Ils ont un accès gratuit à la salle pour les matchs, c’est une manière de les remercier ». Nous faisons un petit détour par les vestiaires exigus occupés par les joueurs le matin même lors du décrassage de 11h à la salle et qu’ils occuperont le soir. Les chaussures taille 47 ou 48 sont bien rangées, les genouillères bien usées et les serviettes sentent encore un peu la sueur. Tout est prêt pour une grande rencontre.
Le coup d’envoi est donné dans une salle Vanpoulle, comble et chauffée à blanc, par le speaker Francis. Dans le premier set, les deux équipes se livrent une âpre bataille. Chaumont prend les devants grâce à l’efficacité du Cubain Oscar Mergarejo (meilleur scoreur chaumontais avec 23 points sur la partie). Avant que Cambrai ne revienne au score pour accrocher un tie-break que les locaux remportent 28-26 grâce à deux fautes de Chaumont. Dans le deuxième set, l’histoire se répète. Chaumont prend les devant avec une facilité déroutante. Des combinaisons en attaque parfaitement menées qui ne laissent que des miettes à Cambrai. Avant que le leader ne s’essouffle un nouvelle fois. Le Cambrai Volley, poussé par son public, profite de la baisse de régime de Chaumont pour passer devant dans la fin du deuxième set et l’emporter 25-23. 2 sets à 0. Cambrai récite sa partition après s’être inclinée la semaine précédente chez le promu Plessis-Robinson.
Pourtant, le troisième set ne se passe pas comme prévu. Chaumont, touché dans son orgueil, revient sur le parquet avec son « six de départ » et aligne les points conclus par des smashs faciles. Cambrai laisse filer le set et le perd 15-25. La partie change alors de dynamique. Chaumont semble sauter plus haut, taper plus fort, servir plus précisément. Laurent Debel, président du club, nous confie après le match : « Le quatrième set a été charnière car si on l’avait perdu, je suis sûr qu’on aurait perdu le cinquième dans la foulée… Et donc le match ». Le quatrième set est interminable, insoutenable. Cambrai, porté par un grand Vasyl Tupchii – meilleur marqueur (25 points) et MVP du match – fait déjouer Chaumont. Le groupe de supporters Blue Eagles 59 de Cambrai (créé en 2007) donne de la voix et fait monter l’intensité d’un cran dans la salle, bien suivi par les jeunes du club venus voir jouer leurs idoles. Scène à peine croyable, le bénévole Benoit, positionné en tribunes à côté du banc chaumontais, fait dégoupiller le Cubain Oscar Mergarejo à coup de railleries répétées. Un service de Chaumont dans le filet offre une première balle de match à Cambrai, qui ne conclut pas. Chaumont écarte plusieurs balles de match, avant de rompre. Le quatrième set, synonyme de victoire, est remporté par Cambrai 28-26. Le Petit Poucet Cambrai s’offre le leader du championnat. La salle exulte.
« Placer Cambrai sur la carte du volley français »
Le public cambrésien envahit le parquet pour un moment de communion avec ses joueurs. L’ADN familial vanté par la direction saute tout de suite aux yeux. Les joueurs sont accessibles et très proches des supporters qu’ils remercient chaleureusement avant de filer à la douche. À l’étage de la salle Vanpoulle, la buvette continue à faire le plein. Quatre-vingt-dix partenaires étaient conviés pour ce match de gala. Le pari du club a été réussi. Gabriel Denys voulait proposer un spectacle au public et aux partenaires, ils n’ont pas été déçus. Les quelques partenaires rencontrés sont ravis d’avoir assisté à une rencontre de haut-niveau. Leurs profils sont bien divers mais leur objectif commun : aider le Volley Cambrai à rayonner sur le plan national grâce à une contribution financière ou bien un échange de services. Tous sont conviés après la rencontre dans le salon VIP pour s’entretenir avec la direction, le coach Roman Ondrusek ou encore Gabriel Denys. À la fin de son discours, Laurent Debel ne manque pas de rappeler aux partenaires de récupérer le petit package offert par le club. C’est à Francis que revient le mot de la fin qui prend le temps de citer les dates des prochains matchs à Cambrai.
Du côté de la buvette, les joueurs arrivent pour continuer de discuter avec les supporters. C’est Jean-Philippe Carrez, fondateur et dirigeant du club, qui s’occupe bénévolement de servir les bières et autres boissons aux joueurs. Une situation surprenante qui résume à merveille l’esprit du club. Pas très loin, sa petite fille court partout pour récupérer les autographes de tous les membres de l’équipe. Entre deux signatures, Paul Villard, réceptionneur-attaquant arrivé au club en 2015, prend le temps de répondre à nos questions. Il savoure ce succès contre le leader du championnat mais sait combien la route est encore longue pour perdurer en Ligue A et viser les premières places du classement. Les bénévoles continuent de travailler pour ranger la salle et la rendre en bonne état. Vanpoulle est une salle municipale prêtée gratuitement par la mairie. Beaucoup rêvent que le club possède un jour sa propre salle mais de nombreuses étapes restent à franchir.
En attendant, le club s’est offert de nouveaux locaux flambants neufs en plein coeur de Cambrai, en face de la mairie. Les Cambrésiens ont la possibilité d’y acheter leurs tickets pour les matchs ou bien même des produits dérivés de l’équipe. Pour les salariés et bénévoles du Cambrai Volley, ce lieu permet de travailler et de se retrouver au quotidien. Il offre de la visibilité au club qui en a encore besoin pour toucher un maximum d’habitants du Cambrésis. Et même s’il arrive encore que certains citoyens se rendent dans les locaux en pensant y trouver la mutuelle APREVA, ancienne occupante des locaux, Jean-Michel Machut reste optimiste sur le futur du club. Le Cambrai Volley reste jeune dans l’élite française et apprend tous les jours l’exigence du très haut-niveau. Ses performances récentes contribuent à mettre en lumière la ville de Cambrai sur un aspect que cherche à developper la municipalité en vue des Jeux Olympiques 2024. De quoi faire dire à Jean-Michel Machut : « Avant, il y avait les Bêtises pour mettre Cambrai sur la carte de France, maintenant, il y a les Bêtises et le volley ! ».
Hugo FORQUES