A l’été 2024, elle est candidate de la gauche pour Matignon. En mai 2025, elle sort aux éditions Seuil son ouvrage Où sont passés nos milliards ?. Le 3 novembre 2025, elle est l’invitée de L’Arène à Sciences Po Lille. Retour sur la conférence : “Quelles places pour nos services publics” ?
Invitée de L’Arène, Lucie Castets a donné à Sciences Po Lille une conférence sur le sujet “Quelles places pour nos services publics ?”. Cette question prend sa source dans un problème défini : les dépenses publiques augmentent mais les services publics ne vont pas mieux. De l’école à l’hôpital, le public rencontre des difficultés indéniables en termes d’effectif, de moyens et de capacité. Alors quelles solutions sont envisageables pour avancer vers une France de la justice sociale et climatique ?
Cette conférence s’inscrit également dans un contexte plus large, aujourd’hui certains mouvements dénoncent une inaction des services publics et appellent à leur tourner le dos. Pour autant, d’après Lucie Castets, il serait plus pertinent de les repenser en accord avec les évolutions sociétales notamment.
Les services publics : Dilapidateurs d’argent public ?
Interrogée sur la mise à mal des services publics et l’accroissement de la dette française, Lucie Castets a exposé où, selon elle, sont passés nos milliards. Pour l’économiste formée sur les bancs de Sciences Po et de l’ENA, une politique d’austérité n’est pas la solution face aux enjeux budgétaires du pays. D’ailleurs, elle refuse de céder à la panique quand le sujet de la dette est abordé. Les services publics doivent rester une priorité et une bonne gestion de ces derniers ne peut qu’entraîner une baisse des dépenses sur le long terme. En parlant des dépenses, pour l’ancienne candidate à Matignon, il est important de souligner que ces dernières augmentent en volume mais pas par rapport au niveau de PIB.
La hausse des dépenses publiques est liée au fait que les besoins sont de plus en plus importants. Selon Lucie Castets, les évolutions sociétales entraînent la hausse des besoins de l’éducation supérieure ou des dispositifs de suivi des violences intrafamiliales par exemple. Ce qu’elle rappelle par-dessus tout, c’est la part grandissante des dépenses publiques françaises cédée à la sphère marchande. En tout, ce serait 200 milliards d’euros annuels que recevraient les entreprises de la part de l’Etat. La France se présenterait alors comme l’un des pays de l’OCDE qui soutiendrait le plus les entreprises.
Selon elle, il serait dès lors judicieux de trouver une nouvelle place aux services publics ou de l’adapter dans le but de pallier ces failles de financement et de servir l’intérêt général en finalité.
Financer les services publics : le social pour répondre à la crise
50% de la population française serait prête à payer davantage d’impôts si cela entraîne une amélioration des services publics. Pour Lucie Castets cela signifie une chose : il faut revoir notre système fiscal et investir dans un service public qui assure une justice sociale. Penser un système pour succéder au capitalisme passe par l’affirmation de services de base offerts à l’ensemble de la population sans regard sur l’individu, son identité ou ses moyens financiers. Le service public comme “patrimoine de ceux qui n’en ont pas” : Lucie Castets n’est pas tout à fait d’accord avec l’expression. S’il est certain que le public doit s’emparer de la question des personnes vulnérables, une gestion réfléchie du public serait une bonne nouvelle pour l’ensemble des français. Et même pour les plus aisées : Les intérêts collectifs seraient plus efficaces que la somme des intérêts individuels.
Pour illustrer son propos, l’autrice de Où sont passés nos milliards ?, utilise le cas du service public de la santé. Une réduction des dépenses dans le domaine de la santé entraînerait automatiquement une hausse du prix des mutuelles. Dans un premier temps, cela empêcherait les personnes les plus précaires d’accéder aux soins. Dans un second temps, cela représente une hausse des coûts individuelle qui ne profite pas non plus au plus aisés. De façon plus globale, les dépenses faites en France en termes de santé ou de retraite sont certes les plus importantes de l’OCDE mais permettent surtout de réduire des dépenses privées qui seraient plus élevées que les dépenses collectives en finalité. C’est dans ce sens qu’il faudrait avancer vers un élargissement de l’action du public. Ainsi, la désocialisation des dépenses de santé amènerait à une hausse des dépenses par le biais de dépenses sociales. Lucie Castets mentionne le besoin d’un service public du logement ou encore d’un service public de la mort. Un service public efficace penserait en termes de besoins de sa population et non en termes de rentabilité.
Le service public au cœur de la bataille politico-médiatique
Des idées pour les services publics, Lucie Castets n’en manque pas. Le défi est de rendre ces idées attrayantes : les légitimer dans notre sphère politico-médiatique. La mise à l’agenda des questions sociales est un sujet compliqué. Comme nous le rappelle l’ancienne candidate à Matignon, l’opinion publique français est aujourd’hui à la merci de quelques paniques morales. Sécurité, immigration, ces sujets ont envahi nos téléviseurs et nos journaux, au dépend d’autres. Leur dominance médiatique est une des causes du vote extrême droite. Pour Lucie Castets la solution serait de traiter les sujets en termes d’intérêt et d’intérêt divergent. Une exigence pour que cela fonctionne : Une gauche forte, capable de tenir ses promesses et de mener des actions qui changent la vie concrètement.
Autrement, elle propose une réappropriation des questions monopolisées par l’extrême droite. Ne pas parler de sécurité serait une erreur. Selon Lucie Castets, les personnes les plus touchées par l’insécurité seraient les personnes fragilisées. Il y aurait, selon elle, une sorte de “snobisme” à gauche qui éloigne les programmes des préoccupations réelles des électeurs. Il faudrait changer l’angle d’attaque de la question sécuritaire. Elle souligne notamment le sujet de la baisse des moyens de la police de proximité et celui des criminels en cols blancs.
Suite à son intervention, Lucie Castets a accordé un temps de questions aux publics.
Elle a eu l’occasion de s’exprimer sur la question de l’épargne et de la succession, de l’attractivité du service public pour les étudiants, de l’optimisation des dépenses publiques, des fonctionnaires, du handicap ou encore du coût des études supérieures en France.
Cela a conclu une bonne heure et demi de conférence.
Yaëlle Fontaine et Louise Moreau

