Il y a un mois des milliers de jeunes séchaient les cours pour alerter les gouvernants sur leur inaction en matière climatique. Dans un mois, un certain nombre de dirigeants européens seront renouvelés à l’issue des élections pour le parlement européen. A mi-chemin entre ces deux moments forts, La Manufacture est donc allée interroger des membres de différentes jeunesses politiques pour connaître l’implication de ces grèves climatiques sur les organisations politiques et ce qu’il en ressortira pour les prochaines élections européennes.
Nous continuons notre cycle d’interview avec le point de vue des Jeunes Insoumis-es porté par Aurélien Lecoq qui a accepté de répondre à nos questions.
Les Jeunes Insoumis-es c’est quoi?
Les jeunes Insoumis-es se distinguent des autres mouvements de jeunesse politique, puisque nous ne sommes pas indépendant vis à vis du mouvement, c’est à dire que nous n’avons par exemple pas de trésorerie propre. Nous sommes donc une branche thématique du parti, qui est elle même divisée en “groupe d’action” répartis sur tout le territoire en fonction des villes et des différents établissements qui fonctionnent de manière autonome mais qui se coordonnent également en fonction des besoins. Ainsi nous organisons diverses actions comme des conférences, du tractage, des formations pour jeunes militants….
Quelle est votre vision sur la grève des jeunes pour le climat du 15 mars?
Pour nous, la grève du 15 mars est apparue comme le point de départ des mobilisations sur le climat, surtout à Lille, nous avons donc décidé d’organiser des actions toute la semaine qui a précédé le 15 pour faire en sorte de grossir au maximum les rangs des manifestations pour le vendredi.
N’est ce pas une manœuvre de récupération politique que de participer à la grève climatique sous la bannière de votre parti?
Cette mobilisation n’appartient à aucun mouvement politique. Notre rôle est d’essayer d’aider celle-ci, d’apporter notre savoir faire militant afin de veiller au bon déroulement de la mobilisation. Si la tendance à travers la grève des jeunes ou encore des gilets jaunes est au dégagisme envers toutes les organisations traditionnelles, notre rôle était plutôt de réhabiliter la politique, de permettre de donner un écho institutionnel aux revendications. Mais nous ne sommes pas là pour imposer nos mots d’ordre. En somme, nous étions là en tant que “facilitateur du mouvement”.
Que pensez-vous des suites politiques et des réponses données à cette journée de mobilisation ?
Cette mobilisation a été également un intense moment de politisation pour de nombreux jeunes. Pour autant, il faudrait maintenant “transformer l’essai”, pour que ces revendications se concrétisent en mesures politiques. Et pour l’instant on voit bien qu’Emmanuel Macron n’a pas pris la mesure du problème environnemental, la démission de Nicolas Hulot en a été l’illustration incontestable. Pourtant nous ne pouvons attendre que le marché effectue cette transition tout seul. Puisque attention, le risque c’est que les libéraux essaient de se réapproprier l’écologie pour en faire du greenwashing et ne rien changer.
Selon vous, la jeunesse est-elle la clé de la bataille contre le changement climatique, et peut-elle faire davantage bouger les choses, que ne le font les politiques ?
Ce sont effectivement aux jeunes avant tout de prendre leurs responsabilités. Mais je suis optimiste car ce sont eux qui ont décidé d’incarner la rupture. Je voudrais donc leur dire qu’il faut faire de la politique pour changer les choses, et ils ont montré qu’ils en faisaient déjà en se mobilisant massivement le 15 mars. Ils ont compris que ce ne sont pas les petits changements individuels qui changeront véritablement la situation actuelle mais bien une action de l’Etat. Certes, il faudra qu’on apprenne à changer radicalement nos modes de vie, mais ce n’est pas le e point fondamental, on doit changer de système de production.
Pensez vous que l’UE a un rôle à jouer dans cette lutte ?
Nous pensons que la transition écologique doit se mener à l’échelle la plus large possible, c’est pourquoi il faut qu’elle se joue également au niveau européen. C’est pour cela que nous nous présentons aux élections européennes avec le projet de sortir des traités, notamment d’y inscrire “la règle verte”, qui consiste à interdire à un Etat de prendre à la terre plus que ce qu’elle produit, à la place de l’actuelle “règle d’or” sur les déficits. Cependant ce n’est pas parce que l’Europe ne fait rien que nous ne le ferons pas au niveau national! Notre objectif est d’arriver au pouvoir pour mettre en place une importante transition écologique en France, et pour en même temps établir un rapport de force afin de faire changer l’Union Européenne sur cette question.
Entre la sortie des US de l’accord de Paris sur le climat, l’échec de la COP24 etc… on a l’impression que la bataille de l’écologie est difficilement tenable ; selon-vous est ce le cas ou est ce un manque de volonté politique ?
Il y a pour moi, un vrai manque de volonté politique. En effet, l’argent pour enclencher un réel changement en matière écologique on l’a, il n’y a qu’à voir tous les fonds débloqués lors de la crise de 2008. On dit souvent que si la terre était une banque on l’aurait déjà sauvé. Mais pour prendre ces décisions qui s’imposent il faut un certain courage, d’autant plus que ces décisions ne font pas plaisirs à tout le monde, comme les multinationales de l’agroalimentaire qui vont devoir changer leur mode de production par exemple. Il s’agit pourtant d’alternatives très porteuses, puisqu’on estime par exemple, que le retour à une agriculture paysanne pourrait créer 300 000 emplois. C’est un manque de volonté parce que ceux au pouvoir sont également ceux qui ont intérêt à l’absence de politique écologiques, il y perdraient de l’argent.
Que diriez-vous aux jeunes qui refusent de se mobiliser ou ne se mobilisent pas ? Et aux gens qui ne voient pas d’intérêt dans cette grève pour le climat ?
Je dirais que c’est l’avenir qui est en jeu, que si il y une cause à défendre c’est celle-ci. C’est bien l’interêt général humain qui est en jeu, il faut donc que chacun puisse y prendre part. Si il y a un côté dramatique dans cette lutte, il y a également un côté excitant, positif, optimiste. En effet c’est une chance pour nous, d’avoir l’opportunité de pouvoir tout changer. L’urgence climatique appelle un tel changement radical que tout va devoir être redéfinis, c’est donc une chance énorme de pouvoir prendre part à ce changement.
Propos rapportés par Alban Leduc