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Valse avec le cinéma #9 Hana-Bi

Je serais bien plus dans le ressenti sur cet article, Hana-bi est un film qui me touche tant que je ne peux en parler avec rationalité et précision cinématographique.

Takeshi Kitano, un artiste complet et fascinant

Kitano est un artiste unique et difficile à saisir. Il commence sa carrière en tant qu’animateur TV déjanté pour des émissions très populaires, pour finir sur des films dramatiques sous fond d’intrigue de yakuzas. Derrière ça, il est aussi l’auteur de nombreux poèmes, de romans, peintre à ses heures perdues, il a même déjà créé un jeu-vidéo…Icône du cinéma japonais des années 1990, il fut renié par son pays pendant quelques années qui ne comprenait pas pourquoi son animateur TV comique tourne aussi drastiquement vers des films sérieux. C’est le monde occidental qui consacre le réalisateur, dès 1993 au festival de Cannes pour Sonatine, film noir où des gangsters tentent d’échapper à leur quotidien mortel. Le style Kitano est aussi bien moqué et admiré, dans les deux cas sa singularité fascine. Pour faire bref et caricaturé(surtout qu’ici Hana-Bi correspond bien à ces critères), ses films mélangent des moments de contemplations lents, souvent à la plage d’ailleurs ; des moments tendres et enfantins entre les personnages ; le tout entrecoupé de scènes violentes et très froides. Kitano se mets très souvent en scène dans ses films, jouant des personnages qui ne parle presque pas. Après le succès de Sonatine, le cinéaste continue les succès, notamment Kids Return(1996), L’été de Kikujiro(2000) et pour cet article HanaBi(1997), décoré du lion d’or à Venise.

Le bonheur près de la mort

Hana-Bi raconte l’histoire d’un policier froid et désabusé, qui décide de quitter ses fonctions suite à une fusillade ou son ami Horibe perd l’usage de ses jambes. Sa femme est atteinte d’un cancer en phase terminale, sa fille est morte très récemment, il a des dettes chez des yakuzas avec qui il partage une histoire sombre…Les galères mortelles s’enchaînent, la mort est présente au quotidien. C’est dans ce contexte que Nishi a l’idée d’un dernier voyage au mont Fuji avec sa femme…

Hana-Bi est le sommet du cinéma de Kitano. Tout ce qui a fait la renommée du réalisateur s’y retrouve avec brio. C’est une mise en abîme d’un artiste complexe, d’une sensibilité rare. Ici, pas de dialogues complexes et alambiquées, le film est souvent muet. La sublime musique de Joe Hisaishi, reposante, mélancolique, nostalgique à base de quelques cordes, un piano, un harmonica et des instruments à vent, épouse l’histoire de cet homme qui veut rendre ses proches heureux et réparer le passé. La tristesse et l’espoir se côtoient tout le long du film. La musique épouse ce qui se passe à l’écran, elle souligne tous les passages intimistes entre Nishi et sa femme, ou les moments de lucidité de Horibe. Elle est absente et laisse place au coup de feu, quand la violence et la mort viennent monopoliser l’écran. La musique sonne si juste et vient sublimer le film à chaque instant, les deux finissant par faire un. C’est avec un montage précis et pertinent que Kitano enchaine les plans sur les sourires, les moments contemplatifs et les cadavres qui viennent hanter Nishi. Le film montre toute une dualité entre la tendresse et la violence de son protagoniste. Rien ne sonne faux, la vie est faite d’erreur qu’il faut assumer, mais il subsiste l’espoir de les réparer, avec des actes présents.

Hana-Bi est un double voyage sous forme de mise en abîme. Difficile de ne pas voir le parallèle entre l’évolution d’Horibe, de Nishi et de Kitano lui-même. Tous les trois ont déjà été confronté à la mort. En 1994, Kitano est proche de la mort suite à un accident de moto. Il se met à peindre…peintures que l’on retrouve tout le long du film. Elles sont présentes dans des scènes très poétiques ou le montage effectue successivement des plans sur ces dernières, le tout toujours accompagné de la magnifique musique du film. Nishi décide d’offrir un kit de peinture à Horibe, qui reprend goût à la vie suite à sa nouvelle activité. L’artiste présente l’éclosion d’une idée sous sa forme la plus brute, mélangée à toutes les émotions qu’il peut y avoir. Il en ressort une déclaration d’amour à l’Art.

Hana-Bi est d’un lyrisme éblouissant. C’est un film ou un acte simple, pudique, devient la plus belle déclaration d’amour du monde.

Amir Naroun