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La “gauche impliquée”, pour insuffler un nouveau souffle au débat d’idées entre progressistes et conservateurs

Le débat d’idées serait devenu stérile, voire inaudible. La faute à la polarisation de la politique. Et si la “gauche impliquée”, cette nouvelle gauche progressiste soufflait un vent nouveau sur la gauche et, plus largement, sur le débat d’idées, le faisant alors tourner celui-ci de la polarisation à l’argumentation, celle sur laquelle se bâtit tout débat politique qui souhaite s’affirmer à la hauteur de la démocratie dont il est l’un des garants les plus essentiels. 

Le présent article se propose de revenir sur cette “gauche impliquée”, phénomène rendu visible sous la plume de Matt McManus, mais encore limité aux milieux progressistes anglo-saxons, notamment aux Etats-Unis où la polarisation de la vie politique et de l’opinion publique a déjà quelques longueurs d’avance. 

A aucun moment cet article ne se veut partisan, ni dénonciateur. A défaut d’être le reflet d’opinions personnelles, il se propose plutôt de porter un regard objectif sur des questions de notre temps, celles de la polarisation politique, du débat d’idées et, plus largement, de la démocratie.  

Progressistes et conservateurs, un problème de communication ? 

La société subirait, depuis plusieurs années, une polarisation politique, dit-on. Entre progressistes et conservateurs. A tel point que les deux camps en sont venus à ne plus savoir communiquer. Les débats deviennent de plus en plus stériles, chacun refusant d’écouter l’autre. A qui la faute ? Là n’est sans doute pas le plus important. En revanche, il est presque indéniable de remarquer que, sur les plateaux télévisés comme dans les journaux, les discussions entre progressistes et conservateurs deviennent presque obsolètes. Pourquoi ? Chaque camp tire tous ses arguments de sa propre poche, sans prendre en compte les arguments opposés. Or, qui dit argument dit contre-argument, qui puisse venir démontrer l’invalidité de cet argument. Et, pour cela, il faut connaître les arguments de l’autre, les écouter, les analyser pour les attaquer non pas en sortant un argument d’autorité idéologique qu’on serait allé puiser dans ses propres retranchements mais en mettant au jour les contradictions internes, théoriques, logiques de l’argument de l’adversaire. 

Or, cet effort intellectuel semble s’amoindrir. Désormais, on répond à un argument conservateur par un argument progressiste et on répond à un argument progressiste par un argument conservateur, sans aucune porosité argumentative de contenu entre les deux. Résultat: aucun des deux camps ne prend sérieusement en considération les fondements des arguments opposés et, par conséquent, aucun des deux camps n’est en mesure de fournir une contre-argumentation adaptée et donc effective dans le sens où une contre-argumentation effective est censée faire avancer le débat d’idées. Il y a alors repli sur son propre camp et perte de crédibilité. Repli car chacun reste enfermé dans sa sphère idéologique, on ne va plus piquer l’adversaire dans sa propre zone de confort. Et, par conséquent, il y a perte de crédibilité car les deux parties apparaissent presque comme bornées ou, pire encore en démocratie, incapables de mener à bien un débat d’idées. Ce n’est pas un jugement, ce n’est pas un reproche, encore moins une opinion personnelle. C’est tout simplement un constat. Un constat que certains partisans de l’un ou l’autre camp ont posé, bien avant cet article, qui n’a rien inventé de nouveau ni de sensationnel. 

Ce constat a été ainsi également posé par Matt McManus. Ce dernier n’est pas un exemple pris au hasard puisque Matt McManus est celui qui, justement, a observé l’émergence de cette  “gauche impliquée” qui constitue le cœur de notre sujet. Matt McManus est professeur à l’Université de Calgary. Il est l’auteur de The Rise of Post-Modern Conservatism and Myth , le coauteur de Mayhem: A Leftist Critique of Jordan Peterson , et éditeur de Liberalism and Socialism: Mortal Enemies or Embittered Kin?. C’est donc un habitué de l’étude des idéologies et de l’histoire des idées. Matt McManus revendique être “un fier gauchiste”. Et pourtant, chose étrange, il écrit dans des journaux conservateurs ou de droite (quoiqu’il puisse exister des progressistes de droite, rappelons-le) notamment le journal Areo. Pourquoi chose étrange ? Il semblerait naturel qu’un progressiste écrive dans une presse progressiste. En effet, bon nombre de progressistes dans l’entourage de Matt McManus ne comprennent pas le choix de ce dernier. Matt MacManus devient donc, à leurs yeux, un conservateur, ce qui pourrait être, à première vue, compréhensible. 

Pour quelles raisons un progressiste irait-il écrire des idées progressistes dans un journal conservateur ? Après tout, si un journal est conservateur, il doit défendre des idées conservatrices. Idem avec la presse progressiste. Les conservateurs chez les conservateurs et les progressistes chez les progressistes. Matt McManus répond à la question du pourquoi, en observant – avec lucidité – la polarisation idéologique qui structure de plus en plus notre société au point de stériliser le débat d’idées: “La question de suivi inévitable est : pourquoi écrire pour ces points de vente ? Pourquoi s’engager dans un espace associé aux idées conservatrices et de droite ? Cela me frappe toujours comme une série de questions inhabituelles, démontrant à quel point la polarisation politique s’est enracinée dans notre culture. Ce genre de polarisation affecte les gauchistes autant que n’importe qui.” 

Deux conclusions sont à tirer de cette citation: d’abord, qu’un progressiste reproche à un autre progressiste (et cela pourrait être valable chez les conservateurs également) d’écrire dans la presse conservatrice démontre l’existence de l’émergence d’une étanchéité idéologique, tel un mur infranchissable, entre progressistes et conservateurs et, secondement, cette polarisation serait plus contre-productive pour les progressistes (ici le terme utilisé est “gauchiste”, de façon non péjorative mais plutôt comme une étiquette revendiquée par Matt McManus) que pour les conservateurs. Par conséquent, il nous paraît logique d’expliquer désormais pourquoi les progressistes sont les plus touchés par cette polarisation et, surtout, comment Matt McManus, puisqu’il est bien un progressiste qui défend les idées propres à son camp malgré les dires de ses camarades, envisage de pallier ce manque de productivité causé par la polarisation chez les progressistes.  

La gauche progressiste, une erreur de stratégie ? 

D’après Matt McManus, les progressistes construisent leur argumentaire en lisant avec assiduité la littérature dite “de gauche”. Pour lui, cela paraît logique et même légitime, d’autant que cette littérature est très fournie et touche différentes disciplines. Toutefois, la profusion de la littérature progressiste ou de gauche n’est pas automatiquement gage de sa qualité en matière d’arguments pour contrer les idées conservatrices: “Souvent, les critiques de gauche des positions conservatrices prennent la forme de renvois, d’injonctions morales et d’attaques ad hominem. Bien que ceux-ci aient la vertu de galvaniser l’attention, il y a des limites à ce style de politique. Le plus évident est qu’ils prêchent aux convertis. Ce type de littérature progressiste a tendance à rejeter les positions conservatrices, sans vraiment détailler pourquoi elles se trompent” . Ainsi, Matt McManus formule la critique qui a inspiré le début de cet article: les progressistes défendent les idées progressistes non plus en mettant au jour les contradictions internes des idées conservatrices mais en utilisant des arguments qui viennent appuyer les idées progressistes et prouver la validité de celle-ci. 

Or, cette stratégie est contre-productive car, avant de convaincre que ses propres idées sont valables, il faut préalablement démontrer que les idées opposées présentent des failles et doivent donc être rejetées. C’est le propre de tout argumentaire qui se veut efficace: démontrer l’invalidité de la thèse adversaire afin de laisser toute la place libre aux idées qu’on défend. Si la première étape de la contre-argumentation est omise, on risque de tomber dans l’argument d’autorité, ce qui entraîne un discrédit de l’individu employant cet argument d’autorité. Il sera caricaturé de sectaire, de totalitaire ou de tout autre qualificatif dégradant. C’est d’ailleurs la conséquence néfaste d’une telle stratégie qui est soulevée par McManus: “Cela a conduit à de nombreux stéréotypes associés à la gauche : que les gauchistes placent l’émotion sur la raison, le tribalisme sur l’universalisme, la condamnation sur le débat, etc. Beaucoup de ces affirmations sont considérablement exagérées, mais certaines ne sont pas sans fondement”. La gauche progressiste voit donc son image être écornée. Or, nous savons que très souvent, dans le débat politique, l’image influence beaucoup l’adhésion ou la non-adhésion, quoi qu’on puisse en dire. 

Par conséquent, même si les idées progressistes sont appuyées d’arguments solides, le problème d’image dont la gauche progressiste souffre viendra balayer d’un revers de main tout l’effort de cette argumentation. Matt McManus ne cherche donc pas à enfoncer la gauche ni les idées progressistes. Bien au contraire, il cherche à trouver une solution au constat problématique posé quant à l’erreur de stratégie chez la gauche progressiste. Et cette solution, ce serait peut-être ce qu’il nomme “the engaged left” ou, en français, “la gauche impliquée”. Mais comment la gauche, forte d’une histoire particulièrement longue et enrichie par de nombreux virages idéologiques ou politiques incarnés par la multiplication des mouvements de gauche, pourrait-elle trouver, en une fois, comme tout au long de son histoire, un nouveau souffle par cette “gauche impliquée”? La réponse apportée à cette question ne saurait être pertinente en passant à côté de l’histoire des idées de gauche et du progressisme. 

 

La “gauche impliquée”, entre continuité et rupture dans l’Histoire de la gauche

Pour Matt McManus, cette “gauche impliquée” (traduction française de “Engaged Left”, l’adjectif “impliquée” rendant sans doute mieux compte du processus argumentatif employé par cette nouvelle gauche ) constituerait une troisième génération de militants. D’après lui, il aurait existé une première gauche, caractérisée par l’influence du marxisme. Cette première gauche aspirait à la justice sociale par la création de mouvements de masse. Conformément à l’idéologie marxiste, son objectif ultime était la fin des classes sociales par la lutte des classes. Le bilan historique de cette première gauche est plutôt mitigé: ses idéaux ont conduit à de véritables drames et n’ont pas survécu à l’effondrement du communisme en 1989 mais elle a tout de même eu le mérite de créer les Etats-providences, comme le New Deal de Roosevelt. 

A partir des années 1960, McManus note qu’une deuxième gauche est née, c’est la “New Left”, la “Nouvelle Gauche”, nouvelle dans le sens où le marxisme traverse lors de la décennie une véritable crise existentielle, identitaire et, de cette crise, émerge cette “Nouvelle Gauche” qui fait dissidence au marxisme, tant dans ses idées que dans les modes d’action employés pour diffuser ces idées. La Nouvelle Gauche, c’est celle des rues de Mai 68. Elle se caractérise plus par son style que par son contenu. Ironie décapante envers les institutions, goût pour les provocations délibérées. C’est ce style affirmé bien plus que les idées qu’elle a portées qui a permis à la Nouvelle Gauche de déstabiliser le statu quo et de créer, par la même occasion, de nouveaux espaces de participation politique. Toutefois, son style calibré sur la dénonciation par l’ironie et le goût de la provoc’ a également été clivant, au point qu’elle est apparue pour certains comme purement négative, déconstructiviste, voire nihiliste. Par exemple, la Nouvelle Gauche tenait presque entièrement à l’exercice de la critique mais on lui reprochait de critiquer sans être capable de proposer de nouvelles idées à la place de celles critiquées. C’est notamment ce gap politique/idéologique entre la critique et la proposition qui a constitué l’angle mort et la grande faille interne à la Nouvelle Gauche. 

Les nouveaux gauchistes (terme ici non péjoratif, rappelons-le) ont pris du recul et ont tiré les conclusions de leurs prédécesseurs. Notamment de la Nouvelle Gauche. Les gauchistes de cette “gauche impliquée” ont compris qu’il fallait renouveler le style mais aussi l’argumentaire, la façon dont on allait amener les idées progressistes sur la table du débat. C’est une gauche jeune, récente (le terme apparaît en 2019), issue du milieu universitaire et, plus particulièrement, des étudiants, tout droit venu du monde anglo-saxon, Etats-Unis et Royaume-Uni en tête, qui a compris qu’elle devait devenir la gauche d’aujourd’hui, c’est-à-dire une gauche qui prend en compte la matérialisation du débat d’idées dans l’espace public donc la polarisation et qui s’efforce d’utiliser les nouveaux moyens dont elle dispose pour diffuser ses idées, à savoir les réseaux sociaux notamment. Côté style, l’”Engaged Left”, toujours selon McManus, “tend à être plus argumentatif que déclamatoire”. Brice Couturier, qui a dédié un article au travail de Matt McManus sur cette gauche émergente, écrit, quant à lui, que “Ses animateurs ont pris conscience que le puritanisme et l’arrogance de la gauche de campus créaient un véritable malaise dans le milieu étudiant. Ils avancent donc leurs idées avec humour, mais aussi avec sincérité et dans un esprit de dialogue authentique”. 

Autrement dit, la “gauche impliquée” ne s’interdit pas l’humour mais le “sarcasme gratuit”, elle n’utilise l’humour pour critiquer que lorsqu’elle sait qu’elle pourra apporter, dans la foulée de cette critique, des solutions constructives. S’il y a bien une règle d’efficacité chez la “gauche impliquée”, c’est bien celle-ci: ironie critique entraîne automatiquement proposition de solution. La seconde règle d’or chez ces nouveaux gauchistes consiste en une véritable rigueur dans l’argumentaire. L’argumentaire progressistes, pour la “gauche impliquée”, ne peut exister qu’en découlant de l’argumentaire conservateur. Seconde règle d’or donc: connaître d’abord, critiquer ensuite. C’est cette rigueur, cet effort dans l’exercice argumentatif qui rend cette nouvelle gauche idéologiquement crédible. Ces deux règles d’or sont en réalité deux leçons tirées de l’expérience de la Nouvelle Gauche. Ainsi, la “gauche impliquée” assume le fait que, pour être en capacité de tenir un argumentaire crédible, il faille connaître les idées opposées. Cela suppose un véritable effort d’ouverture idéologique puisqu’il faut alors, pour ces nouveaux progressistes,  lire la presse conservatrice, les ouvrages théoriques du conservatisme (comme ceux d’Edmund Burke par exemple), se familiariser avec les idées conservatrices au point d’être capable de les analyser pour en faire émerger les contradictions, il faut également accepter d’écouter les idées du camp adverse et sélectionner le contre-argument le plus adaptée de la besace conservatrice des progressistes pour répondre de la façon la plus adaptée à l’argument de l’adversaire. 

Nathalie Wynn, symbole de cette nouvelle gauche progressiste

Natalie Wynn est une vidéaste politique américaine née le 21 octobre 1988. Plus connue sur YouTube sous le pseudonyme de ContraPoints, elle publie des vidéos éducatives sur des thèmes de société, notamment de genre, de politique et de justice sociale, dans un registre souvent humoristique. Certaines de ses vidéos visent également à répondre à d’autres vidéastes, mais d’extrême-droite, et parfois très influents. 

Pour ce faire, Nathalie Wynn a recours à la philosophie et à la sociologie, deux disciplines qu’elle maîtrise et auxquelles elle ajoute sa propre expérience pour expliquer et contrer les arguments de l’alt-right, des libéraux et plus généralement des idées conservatrices. 

Nathalie Wynn est un exemple représentatif de cette nouvelle gauche, la gauche impliquée, notamment par la mise en scène de ses vidéos qui témoignent bien de l’esprit de cette gauche impliquée et de la vision du débat d’idées qu’elle prône: ses vidéos se présentent généralement sous la forme d’un débat entre divers personnages joués par Nathalie Wynn (ContraPoints) elle-même. On voit ici l’importance du débat, de la représentativité et de l’écoute de l’argumentation adverse pour pouvoir mettre en place un véritable débat d’idées, fécond. 

Dans sa vidéo “The Apocalypse”, sur les effets du changement climatique, Nathalie Wynn met en scène un débat entre un militant du climat et une négationniste. L’activiste met en avant des faits et détails à ce dernier, qui se détend et savoure du vin. La négationniste du climat concède certains des points scientifiques avancés sur le changement climatique, mais admet qu’elle ne peut rien y faire et que, finalement, elle veut simplement vivre en paix. Ce faux dialogue mis en scène par Nathalie Wynn est assez révélateur de la stratégie adoptée par la “gauche impliquée”. Nathalie Wynn admet que de nombreux négationnistes du changement climatique ne seront probablement pas convaincus par les seuls faits et chiffres, car, “même s’ils sont vrais, ils semblent écrasants et ne fournissent pas une impulsion émotionnelle plus profonde à l’action” analyse Matt McManus. 

Ainsi, Nathalie Wynn a été saluée pour son travail par plusieurs personnalités de gauche mais aussi de droite, notamment pour sa capacité à s’engager sur un terrain idéologique qui n’est originellement pas le sien. 

Ces nouveaux gauchistes s’inscrivent alors dans la lignée de leurs prédécesseurs mais ils sont ouverts à l’innovation argumentative. Ainsi, la gauche impliquée fait évoluer sa critique et sa diffusion d’idées vers la compréhension, l’argumentation et la persuasion, ce permet une véritable confrontation des idées polarisantes. Nathalie Wynn l’avoue elle-même dans l’une de ses vidéos: quitter sa zone de confort idéologique et s’engager avec des idées et des personnes qui peuvent avoir des opinions très différentes, voire répugnantes est un exercice hautement inspirant. 

Qui sont ces nouveaux gauchistes, les “Engaged New Leftists” ? 

Ces nouveaux gauchistes présentent des profils assez variés. Matt McManus fait aussi remarquer que ces nouveaux commentateurs critiques du conservatisme ont tendance à se spécialiser dans la critique d’une branche bien définie de cette idéologie comme la partie économique par exemple. La “gauche impliquée” tient donc aussi sa force de sa capacité à couvrir un ensemble de sujets, chacune et chacun ayant tendance à se “spécialiser”, ce qui permet de fournir une argumentation taillée presque que sur-mesure: certaines et certains de ces gauchistes se concentrent sur des analyses approfondies des idées de gauche (chaînes YouTube Cuck Philosophy et Philosophy Tube) alors que, parfois, la critique se fondera plutôt sur une dénonciation argumentée des idées conservatrices ou conservatrices et des leaders intellectuels de cette tendance. Cette pluralité transparaît également dans le fait que, de “vieux” sujets propres à la gauche historique comme les inégalités économiques, cohabitent désormais avec des enjeux sociétaux très actuels comme le sexisme ou la marginalisation raciale.  

Matt McManus relève également la pluralité des “milieux” dans lesquels évoluent ces gauchistes impliqués: les réseaux sociaux comme YouTube avec Natalie Wynn, plus connue sous le nom de ContraPoints (dont les vidéos présentent une esthétique et une mise en scène parfaitement maîtrisée et soignée), les milieux universitaires et enseignants comme avec Corey Robin, auteur de The Reactionary Mind, le monde de l’édition et des magazines magazines avec Nathan Robinson de Current Affairs, les cercles littéraires avec l’écrivaine Angela Nagle et même le milieu artistique avec John Oliver et Trevor Noah. Bref, les nouveaux progressistes de gauche ont saisi l’importance de maîtriser leur espace de diffusion. On remarquera que cet espace est surtout intellectuel et marqué par la place accordée à l’écriture, ce qui renvoie, dans un sens, à la tradition de la littérature de gauche, mais une tradition qui se trouve ici renouvelée tant dans le fond que dans la forme. 

Enfin, terminons cet article sur quelques notes positives. Matt McManus l’affirme, être un gauchiste impliqué C’est un art, pas une science – et certains gauchistes impliqués y sont plus doués que d’autres. Mais ce changement s’est produit en réponse à la dynamique culturelle et aux critiques des positions de gauche faites au cours des dernières années”. Cet “art” nécessite donc un certain savoir-faire qui s’ancre dans un contexte précis: ce savoir-faire, c’est d’abord le savoir de faire face à un débat d’idées de plus en plus stérile, qui pénalise autant les progressistes que les conservateurs. On peut être d’accord ou non sur les idées défendues par cette “gauche impliquée” mais avouons que leur motivation est plutôt honorable, surtout aujourd’hui. Car qui aime la politique se doit, à défaut de pouvoir défendre toutes les idées, en défendre le débat. 

Et vous, seriez-vous prêt.e à être un “McManus” ? Que pensez-vous d’être de gauche et d’écrire au Figaro ou d’être de droite et d’écrire à Libération ? Osé non ? … 

Clémence DELHAYE

Pour en savoir plus, les sources sont disponibles ici:

  • MCMANUS Matt, “The Engaged Left: The Emergence of a Political Movement”, Areo, 2019 
  • COUTURIER Brice, “La “gauche impliquée”, une nouvelle tendance qui fait fureur sur internet”, FranceCulture, 2019

Vidéo “The Apocalypse” de ContraPoints: https://youtu.be/S6GodWn4XMM