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L’Europe se cache les yeux jusqu’au 5 novembre

La veille d’une possible réélection du président Donald Trump aux États-Unis, l’Europe n’est pas prête à se passer de son allié américain et du parapluie atlantique.

Une présidence américaine encore disputée

Le 15 septembre 2024, les sondages réalisés par les médias américains montraient un léger avantage (environ 2%) en faveur de Kamala Harris à l’échelle nationale, une dynamique illustrée par la performance des deux candidats lors du débat du 10 septembre sur ABC, que la candidate démocrate a clairement dominé. (1)

Mais Donald Trump est tout sauf hors-course. Le milliardaire peut compter sur la volatilité de l’opinion publique américaine, qui a assez vite oublié la première tentative d’assassinat qu’il a subi à la faveur de la modification du ticket démocrate. Mais surtout, le candidat républicain conserve de bonnes intentions de vote dans les « swing states » de Géorgie, d’Arizona, de Caroline du Nord et de Pennsylvanie, qui pourraient lui rendre les clés de la Maison Blanche.

Un revirement sur la question ukrainienne difficile à avaler

Donald Trump et le mouvement MAGA ont muté depuis 2020 : plus d’ « adults in the room », ces hauts-fonctionnaires américains qui tempéraient les décisions flamboyantes du Président. Les Mattis, Kelly ou Pence ont été remplacés par un nouvel entourage qui, à l’image du candidat républicain à la vice-présidence J. D. Vance, voit Trump comme le Messie et n’hésite pas à renchérir sur ses déclarations, rajoutant de l’imprévisibilité à un nouveau mandat.

Ce qui ne change pas en revanche, c’est la proximité de M. Trump avec le Kremlin, ainsi que sa méfiance envers l’OTAN, qu’il a qualifiée de « racket » dont les membres « délinquants » seraient abandonnés à la Russie. (2)

Les européens ne sont cependant pas prêts à se passer de l’allié américain et du parapluie atlantique. Pour Muriel Domenach (ambassadrice de la France à l’OTAN jusqu’en 2024), c’est en fait le déni qui embrume l’esprit des décideurs du pilier européen de l’OTAN lorsqu’est évoquée une possible présidence Trump à l’ère de la guerre en Ukraine. (3) Déni hétéroclite cependant, car il ne prend pas les mêmes formes selon les nations européennes.  En Europe de l’Est et depuis le début de la guerre en Ukraine, le déni est existentiel. L’idée d’un abandon de la part de l’administration Trump II est presque tabou en Finlande qui a rejoint l’OTAN au printemps 2023 ou en Estonie où l’on observe une intensification des exercices de l’alliance (Spring Storm 24).

L’Europe du Sud, moins menacée au niveau de son intégrité territoriale, est même coupable d’un déni lié à sa sensibilité au discours anti « submersion migratoire » du candidat républicain, qui plaît particulièrement aux partis d’extrême-droite comme Fratelli d’Italia, Vox ou NIKI.

Enfin, le couple franco-allemand est embourbé dans les crises politiques, qu’une présidence Trump, en renforçant les partis aux revendications antisystèmes, ne ferait qu’aggraver.

En somme, toute l’Europe est suspendue au résultat du 5 novembre, se cachant les yeux dès que Donald Trump remonte dans les sondages.

Et après la présidentielle ?

Mais le fait est que même si les Démocrates remportent l’élection, l’Europe n’est plus la priorité des Américains depuis le pivot asiatique initié sous Barack Obama et qui ne cesse de s’accentuer à mesure que la Chine ne menace les intérêts de la première puissance mondiale en Indo-Pacifique.

Ainsi, adopter une vision court-termiste, sans chercher à dépasser les divisions politiques sur la question de la défense pourrait être fatal aux européens. Pourtant ces dernières sont encore légions : La France Insoumise qualifie dans son programme la défense européenne de « Miroir aux alouettes, anti-démocratique par excellence, inefficace depuis toujours dans les très maigres segments qu’elle a voulu constituer ». Le groupe Patriotes pour l’Europe au Parlement Européen (qui regroupe le RN, le Fidesz de Viktor Orban ect.) a lui voté à 93% en défaveur des résolutions défavorables aux intérêts du Kremlin… (4)

En conséquence, l’EDIP (European Defense Investment Program), qui est sensé soutenir l’investissement dans la défense européenne, est victime du lobbying américain qui œuvre pour garder ses clients européens dont 56% des dépenses de défense vont à des sociétés états-uniennes (cf. la vente de 96 hélicoptères à la Pologne en août dernier), et des critiques venant à la fois des pays ne possédant pas de complexe militaro-industriel et des États très consciencieux au niveau budgétaire. Au final, ce plan est financé à hauteur de 1,5 Mds d’euros, sur les 100 qui sont nécessaires à son  efficacité, preuve de la non-préparation de l’UE aux enjeux géopolitiques révélés par la guerre en Ukraine. (5)

Arthur Bossard

Sources :

(1) https://www.nytimes.com/interactive/2024/us/elections/polls-president.html
(2) https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-l-ombre-de-donald-trump-a-plane-sur-tout-le-sommet-de-l-otan
(3) Conférence de Muriel Domenach, ambassadrice de la France auprès de l’OTAN, 13/09/2024, Sciences Po Lille
(4) https://www.jean-jaures.org/publication/le-front-national-et-les-relations-internationales/?post_id=15776&export_pdf=1
(5) https://defence-industry-space.ec.europa.eu/eu-defence-industry/edip-future-defence_en

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